«AZA»
U 136/99 Bn
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Decaillet, Greffier
Arrêt du 16 mars 2000
dans la cause
Winterthur Assurances, General Guisan Strasse 40,
Winterthur, recourante, représentée par Maître R.________,
avocat,
contre
C.________, intimée, représentée par Maître J.________,
avocat,
et
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève
A.- C.________, née en 1972, a travaillé en qualité de
danseuse au service de la Compagnie B.________. A ce titre,
elle était assurée contre les accidents professionnels et
non professionnels auprès de la Winterthur assurances,
Société suisse d'assurances (ci-après : la Winterthur).
Le 26 mars 1996 elle a été victime d'une chute lors
d'un spectacle de danse. En raison de douleurs persistan-
tes, elle a consulté le 31 mars suivant le docteur
W.________ de l'Hôpital orthopédique de la Suisse romande,
qui a diagnostiqué une tendinopathie du muscle rotateur
externe de la hanche droite. La patiente a par la suite
consulté divers médecins. Dans un rapport du 9 juillet
1996, le docteur G.________, radiologue, a conclu à la pré-
sence de petites hernies inguinales et crurales droites,
lesquelles ont été opérées le 23 juillet suivant au Centre
chirurgical des peupliers, à Paris.
Par décision du 22 novembre 1996, confirmée sur oppo-
sition le 7 février 1997, la Winterthur a refusé de prendre
en charge le cas, au motif que le diagnostic de hernie ne
pouvait pas être mis en relation avec l'accident du 26 mars
1996.
B.- C.________ a recouru contre cette décision sur
opposition devant le Tribunal administratif du canton de
Genève. Au cours de l'instruction, l'autorité cantonale a
notamment entendu le docteur V.________, lequel a exposé
qu'il était possible que l'accident ait entraîné des
problèmes d'étirement musculaire et une hernie mais qu'il
était également possible que la hernie ait entraîné des
contractures musculaires. La juridiction cantonale a en
outre confié une expertise au docteur M.________, chef de
service de la Clinique et policlinique de chirurgie diges-
tive de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève. Dans
son rapport du 9 novembre 1998, ce médecin a constaté que
l'intéressée n'avait jamais souffert de hernie inguinale ou
crurale droite. Il a ajouté que les plaintes de la patiente
résultaient certainement d'une insertionite des muscles ad-
ducteurs de la jambe droite et éventuellement du psoas. Il
a conclu que celles-ci étaient totalement et exclusivement
la conséquence de l'accident. La Winterthur a déposé un
rapport du 27 novembre 1998 de son médecin-conseil, le doc-
teur K.________, qui confirmait l'absence de hernie et le
diagnostic d'insertionite mais niait l'existence d'un lien
de causalité entre cette affection et l'accident du 26 mars
1996.
Par jugement du 2 mars 1999, la Cour cantonale a admis
le recours et renvoyé la cause à la Winterthur pour qu'elle
prenne en charge le cas. Elle a considéré que les troubles
présentés par l'assurée étaient en relation de causalité
naturelle et adéquate avec l'accident du 26 mars 1996.
C.- La Winterthur interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
dépens, principalement, à son annulation et, subsidiaire-
ment, à l'allocation des prestations pour une durée limitée
à la période du 26 mars au 25 juin 1996.
C.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est
pas déterminé.
Considérant en droit :
1.- Le litige porte sur l'existence d'un lien de cau-
salité entre l'accident du 26 mars 1996 et les troubles
présentés par l'intimée.
2.- a) Le jugement entrepris expose correctement les
principes jurisprudentiels applicable en matière d'appré-
ciation par le juge d'une expertise médicale de sorte qu'il
suffit d'y renvoyer (consid. 3). Il faut ajouter qu'en ce
qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce
qui est déterminant c'est que les points litigieux impor-
tants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rap-
port se fonde sur des examens complets, qu'il prenne égale-
ment en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été
établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la
description du contexte médical soit claire et enfin que
les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF
122 V 160 consid. 1c et les références).
b) Le droit à des prestations découlant d'un accident
assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de
caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de
causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y
a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le
dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne
serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas néces-
saire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou
immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit
que l'événement dommageable, associé éventuellement à
d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé phy-
sique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se pré-
sente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir
si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés
par un rapport de causalité naturelle est une question de
fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge
examine en se fondant essentiellement sur des renseigne-
ments d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se con-
formant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante,
appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans
l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rap-
port de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît
possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de proba-
ble dans le cas particulier, le droit à des prestations
fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 119 V 337
consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références).
La recourante fait valoir que l'expert, spécialiste en
chirurgie digestive, a exclu à juste titre le diagnostic de
hernie. Elle conteste en revanche l'existence d'un lien de
causalité naturelle entre l'insertionite constatée et l'ac-
cident du 26 mars 1996. Elle relève à ce titre que l'expert
ne s'exprime pas sur les causes de cette insertionite et
que ses conclusions sont contredites par d'autres spécia-
listes.
L'intimée soutient de son côté qu'il n'y a pas lieu de
remettre en cause l'expertise du professeur M.________.
3.- a) Les premiers juges ont principalement fondé
leur appréciation sur le rapport d'expertise judiciaire du
9 novembre 1998 du docteur M.________. Celui-ci a constaté
que l'intimée n'avait jamais souffert de hernies mais que
ses douleurs étaient la conséquence d'une insertionite des
muscles adducteurs de la jambe droite, éventuellement même
du psoas. Il a conclu que ces douleurs étaient exclusive-
ment et totalement liées à l'accident survenu le 26 mars
1996 lors d'un spectacle de ballet. Il n'y a pas de raison
de mettre en doute la valeur probante de ce document. En
effet, celui-ci se fonde sur un examen complet, prend en
considération les plaintes exprimées par l'assuré, a été
établi en pleine connaissance du dossier, donne une des-
cription claire du contexte médical et contient des conclu-
sions bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les réfé-
rences). Dans son rapport du 27 novembre 1998, le docteur
K.________, médecin-conseil de la recourante, a confirmé le
diagnostic posé par l'expert. Il a estimé qu'une relation
de causalité entre la chute de l'assurée et l'insertionite
diagnostiquée était simplement possible, motif pris que
l'intéressée présentait vraisemblablement avant cet événe-
ment un état irritatif chronique des adducteurs de la
hanche droite. L'assureur-accidents doit toutefois prendre
en charge les coûts engendrés par le traitement d'une
maladie aussi longtemps que ceux-ci ont été causés ou ag-
gravés par un accident (Maurer, Schweizerisches Unfallver-
sicherungsrecht p. 469 no 3 et 4). Or, d'une part, le
médecin-conseil ne conteste pas que l'état irritatif chro-
nique de l'assurée s'est décompensé à l'occasion de l'évé-
nement du 26 mars 1996. D'autre part, il indique qu'une
insertionite traumatique serait guérie après deux ou trois
mois, sans se prononcer sur le point de savoir quand l'ag-
gravation des éventuels troubles préexistants aurait
disparu. De son côté, lors de son audition le docteur
V.________ s'est déclaré dans l'incapacité de dire si les
douleurs de l'intimée étaient dues à une hernie, à des
lésions musculaires ou aux deux. Les avis de ces deux mé-
decins ne permettent dès lors pas de remettre en cause les
conclusions de l'expert. Il faut par conséquent retenir, au
degré de la vraisemblance prépondérante, l'existence d'un
lien de causalité naturelle entre les troubles présentés
par l'intimée et l'accident du 26 mars 1996.
b) Les considérations qui précèdent conduisent égale-
ment à admettre le caractère adéquat d'un rapport de causa-
lité. En effet, d'après la jurisprudence, en présence d'une
atteinte à la santé physique, le problème de la causalité
adéquate ne se pose guère, car l'assureur-accidents répond
aussi des complications les plus singulières et les plus
graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'ex-
périence médicale (cf. ATF 118 V 291 consid. 3a, 117 V 365
en bas consid. 5d bb et les références; Frésard, L'assu-
rance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundes-
verwaltungsrecht [SBVR], n. 39).
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de donner suite
à la requête d'expertise complémentaire de la recourante.
Le jugement attaqué n'apparaît pas critiquable et le re-
cours doit être rejeté.
4.- Représentée par un avocat, l'intimée, qui obtient
gain de cause, a droit à des dépens pour l'instance fédé-
rale. (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e :
I. Le recours est rejeté.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. La recourante versera à l'intimée la somme de 2500 fr.
à titre de dépens pour l'instance fédérale.
IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 16 mars 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier :