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02/02/2000 | SUISSE | N°1P.713/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 février 2000, 1P.713/1999


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1P.713/1999

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ , représenté par Me Henri Carron, avocat à Mon-
they,

contre

l'arrêt rendu le 30 septembre 1999 par la Cour de droit pu-
blic du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause
qui oppose

le recourant au Conseil d'Etat du canton du
V a l a i s ;

(démission d'un fonctionnaire cantonal nommé
à titr...

«»
1P.713/1999

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ , représenté par Me Henri Carron, avocat à Mon-
they,

contre

l'arrêt rendu le 30 septembre 1999 par la Cour de droit pu-
blic du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause
qui oppose le recourant au Conseil d'Etat du canton du
V a l a i s ;

(démission d'un fonctionnaire cantonal nommé
à titre provisoire; vices du consentement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né le 16 septembre 1969, a travaillé du
16 août 1995 au 31 août 1996 comme stagiaire au Centre médi-
co-éducatif cantonal "Y.________", à Z.________. Le 25 sep-
tembre 1996, le Conseil d'Etat valaisan l'a nommé provisoi-
rement et à titre d'essai pour une année au poste d'éduca-
teur non formé à 75%, avec effet au 1er septembre 1996.

L'évaluation de X.________ pour l'année 1997 était
moyenne. Pour l'année 1998, l'évolution de son activité pro-
fessionnelle et de la formation d'éducateur spécialisé sui-
vie parallèlement auprès du Centre de formation pédagogique
et sociale, à Sion, a connu des hauts et des bas. Le 2 sep-
tembre 1998, X.________ a fait l'objet d'un avertissement à
la suite d'une absence non justifiée. Le 11 septembre 1998,
la direction de "Y.________" a constaté qu'il n'avait pas
progressé, que sa motivation professionnelle et son engage-
ment personnel étaient insuffisants et qu'il devait souvent
interrompre son travail en raison de fatigue. Les résultats
de sa feuille de qualifications ont nécessité un entretien
d'ajustement avec ses supérieurs. Le 4 novembre 1998,
X.________ a perdu connaissance sur son lieu de travail et a
dû être transporté d'urgence chez son médecin-traitant; il a
suspendu ses études auprès du Centre de formation pédagogi-
que et sociale pour une durée d'une année à partir du 1er
décembre 1998. Aussi bien avant qu'après son engagement, il
a connu de très sérieux problèmes de santé; il a été hospi-
talisé en psychiatrie en 1988 et 1992; dès septembre 1998,
il a consommé à nouveau de la cocaïne, ce qui a entraîné la
reprise de troubles psychiatriques nécessitant son encadre-
ment dès octobre 1998 par la Ligue valaisanne pour les toxi-
comanies.

A la suite d'une nouvelle absence non excusée, la di-
rection de "Y.________" a, le 15 décembre 1998, informé
X.________ qu'elle ne pouvait plus lui faire confiance et
qu'elle devait reconsidérer son engagement. Le 21 décembre
1998, celui-ci s'est présenté à V.________, institut spécia-
lisé dans la prise en charge des toxicomanes, pour une pré-
admission, en vue d'un traitement de longue durée. Le 22 dé-
cembre 1998, il n'a pas travaillé parce qu'il était "sous
l'effet du chanvre". Le 23 décembre 1998, il a participé à
une entrevue avec le directeur et l'éducateur-chef de
"Y.________" à l'issue de laquelle il a présenté sa démis-
sion avec effet au 31 décembre 1998.

A ses dires, les responsables de l'établissement l'au-
raient menacé de résilier ses rapports de service et de lui
délivrer un certificat de travail défavorable susceptible de
nuire à sa carrière professionnelle, s'il ne donnait pas
spontanément sa démission pour fin 1998; cédant à la panique
et ne sachant plus ce qu'il faisait en raison de sa maladie
et de son manque d'information, il aurait accepté la propo-
sition qui lui était faite. Selon les responsables de
"Y.________", ils auraient inventorié avec X.________ les
difficultés rencontrées par celui-ci dans son travail et les
manquements au Code déontologique de l'établissement qu'il
s'était engagé à respecter, et lui auraient demandé ce qu'il
envisageait de faire. A ce moment, il aurait de son propre
chef suggéré de démissionner pour le 31 décembre 1998. Les
responsables de l'établissement auraient déclaré qu'il
s'agissait de la meilleure solution car, dans l'hypothèse
inverse, ils auraient proposé la résiliation de son engage-
ment. X.________ aurait ensuite rédigé, en leur absence, sa
lettre de démission.

B.- Par pli recommandé du 15 janvier 1999, remis en co-
pie au Conseil d'Etat, X.________ a informé la direction de
"Y.________" du retrait de son offre de démission, qu'il

considérait comme nulle et non avenue en raison des vices du
consentement qui l'affectaient et de l'incapacité de discer-
nement dans laquelle il se trouvait. Il a produit un certi-
ficat médical daté du même jour attestant de son incapacité
totale de travailler depuis le 22 décembre 1998, pour une
durée indéterminée.

Le 19 janvier 1999, X.________ a reçu la décision du
Conseil d'Etat du 13 janvier 1999 acceptant sa démission. Le
18 février 1999, il a déposé un recours contre cette déci-
sion que la Cour de droit public du Tribunal cantonal valai-
san (ci-après, le Tribunal cantonal) a rejeté par arrêt du
30 septembre 1999. Cette autorité a retenu que X.________
était engagé à titre provisoire, que sa démission était in-
tervenue de manière régulière et qu'elle évitait une rési-
liation immédiate des rapports de service pour justes mo-
tifs. Elle a considéré que le retrait de la démission était
intervenu après que le Conseil d'Etat l'eut acceptée et
qu'il était tardif. Elle a estimé enfin que X.________
n'avait pas prouvé son incapacité de discernement et que sa
démission ne lui avait pas été extorquée sous l'empire d'une
crainte fondée, étant précisé que la consommation de drogue
aurait justifié son licenciement immédiat au regard des
fonctions et des responsabilités assumées au sein de l'éta-
blissement "Y.________".

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 4 aCst., X.________ demande au Tri-
bunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il reproche à l'autorité
intimée d'avoir fait preuve d'arbitraire en admettant qu'il
avait gardé un statut provisoire pendant toute la durée de
son engagement et en niant l'existence d'une incapacité de
discernement ou de vices du consentement qui aurait affecté
sa démission du 23 décembre 1998. Il voit un déni de justice
dans le refus de procéder à une expertise psychiatrique vi-

sant à établir son incapacité de discernement. Il requiert
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Le Con-
seil d'Etat conclut au rejet du recours, sans frais.

X.________ a répliqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125 I
412 consid. 1a p. 414 et les arrêts cités).

a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le
recours de droit public est ouvert seulement à celui qui est
atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder
l'intérêt général, ou visant à préserver de simples intérêts
de fait, est en revanche irrecevable. Un intérêt est juridi-
quement protégé s'il est l'objet d'une garantie constitu-
tionnelle spécifique ou si une règle de droit fédéral ou
cantonal tend au moins accessoirement à sa protection; à
elle seule, l'interdiction générale de l'arbitraire n'est
pas une protection suffisant à conférer la qualité pour agir
au sens de l'art. 88 OJ. La qualité pour former un recours
fondé, comme en l'espèce, sur l'art. 4 aCst. dépend bien
plutôt du fait que la législation dont l'application arbi-
traire est alléguée accorde un droit au recourant ou a pour
but de le protéger d'une atteinte à ses intérêts (ATF 122 I
44 consid. 3b/bb p. 47; 121 I 267 consid. 2 p. 268/269 et
les références citées).

Appliquant les règles relatives à la légitimation, le
Tribunal fédéral a jugé que le fonctionnaire qui n'était pas
réélu à la fin d'une période administrative n'avait en prin-
cipe pas qualité pour déposer un recours de droit public, à
moins que le droit cantonal ne lui garantît un droit à la
réélection (ATF 120 Ia 110 consid. 1a p. 112 et la jurispru-
dence citée).

Aussi, pour se déterminer sur la recevabilité du re-
cours de droit public, il importe de savoir si le recourant
avait un droit à la nomination, de sorte qu'il serait touché
dans ses intérêts juridiquement protégés. La réponse à cette
question vaut aussi bien pour les griefs matériels, que pour
le reproche de déni de justice consistant dans le refus
d'ordonner l'expertise psychiatrique régulièrement sollici-
tée, s'agissant d'un point qui ne peut être dissocié de
l'examen de la cause au fond et pour lequel l'intéressé ne
dispose pas d'une prétention juridique vis-à-vis de l'auto-
rité (ATF 117 Ia 90 consid. 4a p. 95).

b) Selon l'art. 6 al. 2 de la loi valaisanne du 11 mai
1983 fixant le statut des fonctionnaires et employés de
l'Etat du Valais (LSF), l'employé est nommé provisoirement
pour une année; cette durée peut, pour autant qu'il y ait
des raisons suffisantes, être prolongée pour une nouvelle
année.

Constatant que son engagement au service de l'Etat du
Valais avait duré plus de deux ans et deux mois, le recou-
rant considère qu'il aurait été tacitement nommé fonction-
naire à titre définitif. Cette opinion est erronée.

L'art. 6 al. 3 LSF prévoit, sous la note marginale "No-
mination définitive", que, pour autant que l'employé donne
satisfaction par son travail et son comportement, le Conseil
d'Etat, après la fin du temps d'essai, le nomme définitive-

ment en qualité de fonctionnaire. Cela suppose une apprécia-
tion et une décision expresse du Conseil d'Etat. Formelle-
ment, la nomination définitive doit être précédée d'une mise
au concours du poste à repourvoir (art. 4 al. 1 LSF). Par
ailleurs, la doctrine définit la nomination comme une déci-
sion administrative soumise à requête ou à acceptation de
l'administré (cf. Blaise Knapp, Précis de droit administra-
tif, nos 3113 et 3125; André Grisel, Traité de droit admi-
nistratif, vol. I, p. 472 ss; Pierre Moor, Droit administra-
tif, vol. III, p. 214 ss). Dès lors, au vu de la nature de
la nomination définitive et de sa procédure, il est exclu
que celle-ci intervienne tacitement, sans une décision for-
melle de l'autorité compétente.

c) Dans le cas particulier, le recourant a été nommé
provisoirement et à l'essai pour une année, dès le 1er sep-
tembre 1996. La décision d'engagement précise que "la pré-
sente nomination sera considérée comme définitive si, à
l'échéance du délai d'épreuve, le Conseil d'Etat peut, sur
rapport du département compétent, constater que le candidat
donne satisfaction par son travail et son comportement". Le
statut du recourant n'a ensuite fait l'objet d'aucun réexa-
men; seules deux évaluations de ses prestations ont été ef-
fectuées, la première en 1997, indiquant que celui-ci répon-
dait partiellement aux exigences de sa fonction, et la se-
conde en 1998, plus négative, qui a débouché sur les entre-
tiens mentionnés plus haut.

Il faut donc admettre que le statut provisoire du re-
courant n'a pas été modifié, même s'il a été de fait pro-
longé. Qu'il ait duré plus longtemps que ne le prévoit la
lettre de la loi (art. 6 al. 2 LSF) ne suffit pas à trans-
former la nomination provisoire en nomination définitive
(cf. arrêt non publié du 19 août 1994 dans la cause D. con-
tre Tribunal cantonal valaisan, consid. 3b). Cette conclu-
sion s'impose d'autant plus que le Conseil d'Etat a réservé

sa décision sur une éventuelle nomination définitive, en la
subordonnant à la constatation de résultats favorables de
l'intéressé dans son activité d'éducateur et dans son com-
portement. Dans ces circonstances, le seul écoulement du
temps ne pouvait tacitement transformer en une nomination
définitive un engagement à titre provisoire, les conditions
de celle-là n'étant de plus pas remplies.

Pour le surplus, le recourant ne prétend pas que la lé-
gislation valaisanne conférerait un droit à un employé en
période probatoire ou nommé à titre provisoire, dont les
prestations seraient qualifiées d'insuffisantes à ne pas
être licencié. L'art. 34 LSF prévoit en effet que la rési-
liation des rapports de service ne peut intervenir de part
et d'autre que pour la fin d'un mois moyennant un préavis
respectivement de deux semaines, s'agissant d'un engagement
à titre d'essai (al. 1), et de deux mois, s'agissant d'un
engagement à titre provisoire (al. 2). L'autorité de nomina-
tion est donc libre de renoncer à maintenir les rapports de
service pour peu qu'elle respecte le délai de résiliation,
sans qu'il soit nécessaire que celle-ci se fonde sur des mo-
tifs importants telle une faute de l'intéressé.

En sa qualité d'employé engagé à titre provisoire, le
recourant ne peut donc faire valoir qu'un droit limité à
l'observation du délai de préavis fixé à l'art. 34 al. 2 LSF
et n'a donc qualité pour se plaindre, par la voie du recours
de droit public, que d'une éventuelle application arbitraire
de cette disposition. Or, on cherche en vain une telle argu-
mentation dans le mémoire de recours, le recourant se plai-
gnant essentiellement du refus arbitraire de la part du Tri-
bunal cantonal de constater la nullité de la démission in-
tervenue le 23 décembre 1998. Certes, vu l'analogie de cette
situation avec celle d'un licenciement soumis aux exigences
de l'art. 34 LSF, on peut se demander s'il ne conviendrait
pas de reconnaître de manière générale à l'employé de la

fonction publique, quel que soit son statut, un droit à fai-
re constater la nullité d'une démission qui serait interve-
nue en violation des art. 19 ss CO. Vu l'issue du recours
sur le fond, cette question peut toutefois demeurer
indéci-
se.

2.- Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir
versé dans l'arbitraire en admettant qu'il avait gardé son
statut provisoire pendant toute la durée de son engagement
et en refusant de tenir compte de l'incapacité de discerne-
ment dans laquelle il se trouvait lorsqu'il a rédigé et si-
gné sa démission le 23 décembre 1998, ainsi que des vices du
consentement affectant cette dernière.

a) Une décision est arbitraire, et partant contraire à
l'art. 4 aCst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle con-
tredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si
elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs
objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il
ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoute-
nables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son
résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid.
3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134 et les arrêts cités).

b) Le grief d'arbitraire invoqué par le recourant en
relation avec son statut a été examiné au considérant 1c ci-
dessus et peut être écarté pour les raisons qui y sont men-
tionnées. Pour le surplus, il est mal fondé.

c) L'acte juridique accompli par une personne incapable
de discernement est nul (art. 18 CC; ATF 117 II 18 consid.
7a p. 24).

Le discernement est défini à l'art. 16 CC comme la fa-
culté d'agir raisonnablement. Il comporte deux éléments, un
élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'op-
portunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément
volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de
cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF
124 III 5 consid. 1a p. 8; 117 II 231 consid. 2a p. 232 et
les références citées). La capacité de discernement est re-
lative: elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait,
mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonc-
tion de sa nature et de son importance, les facultés requi-
ses devant exister au moment de l'acte (principe de la rela-
tivité du discernement; ATF 118 Ia 236 consid. 2b in fine
p. 238; 117 II 231 consid. 2a p. 232/233 et les références
citées).

Une personne n'est privée de discernement au sens de la
loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en
partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16
CC, dont la maladie mentale et la faiblesse d'esprit, à sa-
voir des états anormaux suffisamment graves pour avoir ef-
fectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le
cas particulier et le secteur d'activité considérés. Par ma-
ladie mentale, il faut entendre des troubles psychiques du-
rables et caractérisés qui ont sur le comportement extérieur
de la personne atteinte des conséquences évidentes, qualita-
tivement et profondément déconcertantes pour un profane
averti (ATF 117 II 231 consid. 2a in fine p. 233/234 et les
références citées).

Comme elle est généralement donnée chez les adultes, la
capacité de discernement est présumée: il incombe à celui
qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver (ATF 118 Ia
236 consid. 2b p. 238). Mais cette preuve n'est soumise à
aucune prescription particulière; un très haut degré de
vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit (ATF 117 II

231 consid. 2b p. 234; 108 V 121 consid. 4 p. 126; 98 Ia 324
consid. 3 p. 325). On admet que cette preuve est rapportée
dans le cas d'un enfant en bas âge ou d'un malade mental no-
toire (Jacques-Michel Grossen, Les personnes physiques, in
Traité de droit privé suisse, tome II, 2, p. 38); dans ces
hypothèses, il y a renversement du fardeau de la preuve en
ce sens que celui qui prétend que la faculté d'agir raison-
nablement existe malgré la cause d'altération doit l'éta-
blir, par exemple en démontrant que le malade mental a agi
au cours d'un intervalle lucide (ATF 124 III 5 consid. 1b
p. 8/9; 117 II 231 consid. 2b p. 234 et les arrêts cités).

d) En l'espèce, le recourant reproche au Tribunal can-
tonal de n'avoir pas considéré qu'il appartenait au Conseil
d'Etat de prouver sa capacité de discernement, en raison du
renversement du fardeau de la preuve que justifierait son
état de santé. En effet, il avait été hospitalisé en psy-
chiatrie à deux reprises et avait suivi un traitement en
raison de sa toxicomanie en 1993. Par la suite, en 1998, il
a à nouveau consommé des stupéfiants et connu des troubles
psychiques qui ont influencé négativement la qualité de son
travail, dès le mois d'août, avec une aggravation certaine
en novembre et, surtout, en décembre 1998. De plus, son mé-
decin-traitant a attesté qu'il était dans l'incapacité tota-
le de travailler lorsqu'il a rédigé et signé sa lettre de
démission et que son état de santé, en particulier psycholo-
gique, ne lui permettait pas de prendre des décisions impli-
quant une réflexion à court et à long terme.

Conformément à la jurisprudence précitée (cf. ATF 117
II 231 consid. 2b in fine), le renversement du fardeau de la
preuve n'entre en ligne de compte que s'il ressort des cons-
tatations de médecins ou même de profanes que la personne
souffrait, au moment litigieux, d'une maladie mentale si
grave que de manière générale la capacité de discernement
paraît d'emblée exclue ou en tout cas peu vraisemblable.

En l'espèce, il est établi que le recourant se trouvait
dans l'incapacité totale de travailler dès le 21 décembre
1998, consécutivement à des troubles psychiques en relation
avec la consommation de drogue; cela ne suffit pas encore
pour admettre qu'il était incapable de discernement lors-
qu'il a rédigé et signé sa démission, le 23 décembre 1998.
Le Tribunal cantonal pouvait sans arbitraire s'écarter de
l'avis du médecin-traitant, qui n'était pas présent lors de
l'entretien, selon lequel X.________ n'était pas en état de
prendre des décisions impliquant une réflexion à court et à
long terme, pour se fonder sur le comportement du recourant
qui n'a pas paru, à ses supérieurs hiérarchiques au moment
des faits, être dans une situation telle qu'il ne pouvait
pas prendre part à l'entretien ni rédiger la lettre de dé-
mission qu'il a écrite d'une main assurée et en des termes
clairs et précis, tendant à démontrer qu'il disposait de sa
faculté d'agir raisonnablement et en pleine connaissance de
cause. Sur ce dernier point, le Tribunal cantonal pouvait
sans arbitraire admettre que le recourant était conscient de
se trouver face à l'alternative de présenter sa démission ou
de faire l'objet d'une procédure de résiliation avec effet
immédiat pour justes motifs, en raison des manquements répé-
tés à ses devoirs liés à ses problèmes de santé.

Il ressort ainsi de l'ensemble des circonstances que
les troubles de conscience du recourant n'étaient pas à ce
point graves, le 23 décembre 1998, qu'il faille le tenir
d'emblée pour incapable de discernement au moment de l'en-
tretien et de la rédaction de sa lettre de démission. En ce
sens, le Tribunal cantonal pouvait s'estimer suffisamment
renseigné, sur la base des constatations et documents déjà
réunis, et renoncer à ordonner une expertise psychiatrique,
au bénéfice du large pouvoir d'appréciation en matière de
preuves reconnu au juge du fait (ATF 118 Ia 28 consid. 1b
p. 30 et les arrêts cités).

e) De façon très succincte, le recourant relève que les
circonstances dans lesquelles il a donné sa démission cons-
tituaient un dol, subsidiairement une erreur essentielle,
qu'il avait agi sous l'influence d'une crainte fondée et
qu'il était victime d'une lésion. Toutefois, la mention de
cette dernière et de tous les vices du consentement énumérés
aux art. 23 ss CO ne tient pas, à elle seule, lieu de moti-
vation au sens de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Même si le recourant
ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal n'aurait pas
arbitrairement censuré le comportement des autorités canto-
nales administratives, on déduit de ses brèves explications
que l'acceptation de la démission serait arbitraire en rai-
son de l'exploitation de sa détresse et des vices du consen-
tement qui entachaient sa déclaration de volonté du 23 dé-
cembre 1998.

Les art. 23 ss CO sont applicables non seulement aux
contrats, mais également aux actes juridiques unilatéraux
ainsi qu'aux manifestations de volonté (ATF 114 Ib 74 con-
sid. 2 p. 78/79). Présenter au recourant l'alternative d'une
démission ou d'un licenciement pour justes motifs ne consti-
tuait ni un dol, ni un cas d'erreur essentielle, dans la me-
sure où ces deux formes de cessation des rapports de service
étaient soutenables, la troisième issue possible n'ayant pas
la portée que lui attribue le recourant et se limitant uni-
quement au respect du délai de préavis de l'art. 34 al. 2
LSF. Dans ces conditions, la position du problème, par la
direction de "Y.________", même si elle était incomplète,
n'en était pas moins non dolosive et pas susceptible d'in-
duire le recourant en erreur sur un point essentiel pour sa
détermination. Par ailleurs, la crainte de voir invoquer un
droit, en l'espèce la résiliation des rapports de service
pour justes motifs, ne peut être prise en considération au
sens de l'art. 30 al. 2 CO que si la gêne de la partie mena-
cée a été exploitée pour lui extorquer des avantages exces-

sifs. Tel n'est pas le cas en l'occurrence, le recourant
n'étant pas au bénéfice d'une nomination définitive et ne
pouvant donc perdre que les droits découlant d'une applica-
tion éventuelle de l'art. 34 al. 2 LSF. La menace de procé-
der à une résiliation pour justes motifs n'était donc pas
illicite (ATF 125 III 353 consid. 2 p. 355), et n'avait pas
été proférée à des fins lésionnaires, compte tenu du statut
professionnel provisoire du recourant.

Le reproche d'une application arbitraire des principes
dégagés des art. 21 ss CO doit en conséquence être écarté.

3.- Les considérants qui précèdent conduisent au rejet
du recours, dans la mesure où il est recevable. Les condi-
tions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de
faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de sta-
tuer sans frais. Me Henri Carron est désigné comme avocat
d'office du recourant pour la présente procédure et une in-
demnité de 1'200 fr. lui sera allouée à titre d'honoraires,
à la charge de la Caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble;

2. Admet la demande d'assistance judiciaire;

3. Dit qu'il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens;

4. Désigne Me Henri Carron en qualité de mandataire
d'office du recourant;

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
mandataire du recourant une indemnité de 1'200 fr. à titre
d'honoraires;

6. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 2 février 2000
PMN/mnv

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.713/1999
Date de la décision : 02/02/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-02-02;1p.713.1999 ?
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