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01/02/2000 | SUISSE | N°4C.404/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 février 2000, 4C.404/1999


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4C.404/1999

Ie C O U R C I V I L E
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1er février 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Jacques Martin, avocat à Genève,

et

A.________, défendeur et intimé, représenté par Me Pierre-
André Béguin, avocat à Genève;



(prêt de consommation; intérêt conventionnel, fardeau de la
preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i ...

«»

4C.404/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

1er février 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Jacques Martin, avocat à Genève,

et

A.________, défendeur et intimé, représenté par Me Pierre-
André Béguin, avocat à Genève;

(prêt de consommation; intérêt conventionnel, fardeau de la
preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 26 mai 1989, diverses personnes ont conclu
une société simple en vue d'une promotion immobilière
appelée
"X.________" à Versoix (Genève). Deux associés, H.________
et
C.________, ne disposant pas des fonds nécessaires pour ef-
fectuer leur apport, A.________ a consenti à leur prêter
l'argent; ce dernier, semble-t-il, a également accepté de
prêter des fonds à chacun d'eux pour d'autres fins.

Selon une convention du 1er octobre 1991, signée
par C.________ et A.________, celui-ci a prêté au premier la
somme de 124 500 fr.; il était précisé que le prêt était con-
senti "en rapport à notre achat du X.________ à Versoix où
nous sommes associés". Une annexe à la convention, signée
par
les parties à la même date, prévoyait des intérêts au taux
du
deuxième rang des hypothèques "actuellement 8,5%".

Le 3 août 1994, les mêmes parties ont signé une
convention de prêt portant sur une somme de 16'000 francs
"en
rapport à notre achat du X.________ à Versoix, où nous
sommes
associés"; dans ce cas également, une annexe à la
convention,
dûment signée, stipulait des intérêts au taux du deuxième
rang des hypothèques "actuellement 6%".

Selon les conventions, ces deux prêts pouvaient
être dénoncés par les parties à la fin d'une année civile.

Le 11 octobre 1996, A.________ a dénoncé les deux
prêts pour la fin de l'année.

C.________ n'ayant payé ni le capital, ni les inté-
rêts, A.________ a entamé des poursuites. C.________ y a
fait
opposition et la mainlevée provisoire a été prononcée.

B.- C.________ a déposé en temps utile une action
en libération de dette auprès du Tribunal de première instan-
ce de Genève. Faisant valoir que H.________ a payé 64 000
fr.
à A.________ en août 1995, il a soutenu que ce versement de-
vrait être porté en déduction de sa propre dette.

Par jugement du 21 janvier 1999, le Tribunal de
première instance de Genève a débouté C.________ de toutes
ses conclusions libératoires.

Saisi d'un appel formé par C.________, la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt
du 23 septembre 1999, a confirmé le jugement attaqué. Exami-
nant les pièces produites et les déclarations recueillies,
la
cour cantonale a estimé qu'il n'était pas prouvé que la soli-
darité ait été stipulée, de sorte que H.________, en versant
64 000 fr. à A.________, a payé une dette autonome. Consta-
tant que le taux des intérêts hypothécaires en deuxième rang
n'avait pas été prouvé, l'autorité cantonale a décidé d'ap-
pliquer au premier prêt de 124 500 fr. le taux de 8,5 % et
au
second de 16 000 fr. le taux de 6 %.

C.- Parallèlement à un recours de droit public qui
a été rejeté par arrêt de ce jour, le demandeur recourt en
réforme au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de
l'art. 8 CC, il reproche à la cour cantonale, laquelle a
constaté que les plaideurs étaient convenus d'appliquer aux
contrats de prêt le taux de l'intérêt hypothécaire en deuxiè-
me rang et que ce taux n'avait pas été prouvé, d'avoir tran-
ché en sa défaveur, alors qu'il appartenait à sa partie ad-
verse, en tant que créancière, de prouver les faits justi-
fiant le montant d'intérêts réclamé. Il conclut à la réforme

de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il ne doit pas d'intérêts
avant l'échéance des prêts, mais uniquement, après ce terme,
l'intérêt moratoire au taux de 5%.

L'intimé soutient qu'il incombait au contraire à
son adversaire, parce qu'il pouvait en tirer avantage, de
prouver que le taux hypothécaire avait baissé par rapport à
celui mentionné dans les conventions. Il propose ainsi le re-
jet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ) ou pour
violation du droit cantonal (ATF 123 III 337 consid. 3b, 414
consid. 3c; 122 III 101 consid. 2a/cc).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa;
117 II 256 consid. 2a). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la dé-

cision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 123 III 246 consid.
2; 122 III 150 consid. 3).

2.- a) Il n'est ni contesté ni contestable que les
parties ont conclu deux prêts de consommation (art. 312 CO),
lesquels prévoyaient le paiement d'un intérêt (art. 313 al.
1
CO).

Elles sont convenues d'appliquer le taux pratiqué
pour les prêts hypothécaires en deuxième rang. Selon la for-
mulation adoptée, l'indication du taux au moment de la con-
clusion du contrat n'avait qu'une valeur indicative, permet-
tant peut-être de déterminer la banque de référence, mais ne
modifiant en rien le taux choisi, qui restait celui des
prêts
hypothécaires en deuxième rang. Sur ce point, l'interpréta-
tion des clauses contractuelles faites par la cour cantonale
- qui diverge de celle du juge de première instance - est
conforme au principe de la confiance et ne viole nullement
le
droit fédéral (sur le principe de la confiance: cf. ATF 125
III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa; 122 III 106 consid.
5a, 420 consid. 3a; sur son contrôle dans un recours en ré-
forme: cf. ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 123 III 165
consid. 3a; 122 III 106 consid. 5a, 420 consid. 3a; 121 III
118 consid. 4b/aa).

La cour cantonale a constaté que le taux de l'inté-
rêt hypothécaire en deuxième rang n'avait pas été prouvé
pour
la période des prêts. Il s'agit d'une question
d'appréciation
des preuves et d'établissement des faits qui ne peut être re-
vue dans un recours en réforme (cf. ATF 122 III 26 consid.
4a/aa, 61 consid. 2c/bb, 73 consid. 6b/bb p. 80; 121 III 350
consid. 7c). Si l'on sait que le taux était de 8,5 % le 1er
octobre 1991 et de 6 % le 3 août 1994, on ignore totalement
quelles ont été ses variations entre ces deux dates et son
évolution après la dernière d'entre elles. Un calcul de l'in-

térêt sur la base de ces deux chiffres isolés est donc impos-
sible.

La cour cantonale a estimé qu'il ne lui appartenait
pas de rechercher elle-même le taux hypothécaire en deuxième
rang. Cette question relève de la procédure cantonale et ne
peut être examinée dans un recours en réforme (cf. ATF 116
II
196 consid. 3a, 594 consid. 3a).

Il faut donc tirer les conséquences de l'absence de
preuves.

b) Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi
ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue
pour en déduire son droit. Cette disposition répartit le far-
deau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) et détermine
sur cette base qui doit assumer les conséquences de l'échec
de la preuve (ATF 125 III 78 consid. 3b). En tant que créan-
cier réclamant le paiement des intérêts, l'intimé devait
prouver les faits permettant d'établir la quotité de sa pré-
tention (cf. Max Kummer, Commentaire bernois, n. 249 et 250
ad art. 8 CC). L'absence de preuves conduit donc à trancher
en sa défaveur. Quoi qu'en pense l'intimé, la cour cantonale
a donc violé sur ce point l'art. 8 CC en renversant le far-
deau de la preuve.

c) Contrairement à ce que soutient le recourant,
cela ne conduit pas à exclure tout intérêt, ce qui serait en
contradiction manifeste avec la convention des parties. Lors-
qu'un taux d'intérêt applicable n'a pas été prouvé, mais
qu'il est certain que les parties sont convenues du paiement
d'un intérêt, le juge doit appliquer, au moins par analogie,
la règle supplétive de l'art. 73 al. 1 CO et fixer le taux à
5 % l'an (cf. par analogie : ATF 121 III 176 consid. 5a). Le
recours doit donc être partiellement admis et l'arrêt canto-
nal réformé dans ce sens.

3.- Le recours était fondé dans son principe, mais
les conclusions étaient exagérées et la solution se
rapproche
plutôt de celle de la partie adverse. Dans une telle situa-
tion, il se justifie de compenser les dépens et de partager
par moitié les frais de la procédure (cf. art. 156 al. 3 et
159 al. 3 OJ). Comme la différence d'intérêts finalement ad-
mise ne semble guère avoir joué de rôle dans la procédure
cantonale, il n'y a pas lieu de modifier la répartition des
frais et dépens qui s'y rapporte (cf. art. 159 al. 6 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et réforme l'ar-
rêt attaqué en ce sens que l'intérêt dû sur les prêts de
124 500 fr. et 16 000 fr. est de 5% l'an dans les deux cas;

Confirme l'arrêt attaqué pour le surplus;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. pour
moitié à la charge de chaque partie;

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 1er février 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.404/1999
Date de la décision : 01/02/2000
1re cour civile

Analyses

Prêt de consommation. Taux des intérêts stipulés (art. 313 al. 1 CO). Lorsqu'il est certain que le prêteur et l'emprunteur sont convenus du paiement d'un intérêt, le juge, si le premier n'a pas pu en établir le taux, doit le fixer à 5% l'an, par application analogique de l'art. 73 al. 1 CO (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-02-01;4c.404.1999 ?
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