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28/01/2000 | SUISSE | N°4C.261/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 janvier 2000, 4C.261/1999


«AZA 3»

4C.261/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Wattewaduge Ranjith Wickramaratne, à Genève, demandeur et re-
courant par voie de jonction, représenté par Me Raymond de
Morawitz, avocat à Genève,

et le

Sultanat d'Oman, à Mascate (Oman), défendeur et recourant
par

voie de jonction, représenté par Me Serge Milani, avocat à
Genève;

(contrat-type de travail)

Vu les pièces du dossier d'où ...

«AZA 3»

4C.261/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Wattewaduge Ranjith Wickramaratne, à Genève, demandeur et re-
courant par voie de jonction, représenté par Me Raymond de
Morawitz, avocat à Genève,

et le

Sultanat d'Oman, à Mascate (Oman), défendeur et recourant
par
voie de jonction, représenté par Me Serge Milani, avocat à
Genève;

(contrat-type de travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Wattewaduge Ranjith Wickramaratne (ci-après: le
demandeur), ressortissant sri-lankais, a travaillé à Genève
en qualité de cuisinier, au service de l'ambassadeur du Sul-
tanat d'Oman auprès de l'ONU, à partir du 1er septembre
1996.
Par déclaration de garantie adressée au Département fédéral
des affaires étrangères, le Sultanat d'Oman s'est notamment
engagé "à traiter son employé aux conditions de rémunération
et de travail en usage dans la localité et la profession con-
cernées". Le demandeur a reçu chaque mois, de septembre 1996
à décembre 1997, un montant de 1700 fr.

Le 31 décembre 1997, la Mission permanente du Sul-
tanat d'Oman a signifié au demandeur son licenciement pour
le
5 février 1998.

B.- Le demandeur s'est opposé à ce licenciement. Le
2 février 1998, il a assigné le Sultanat d'Oman en paiement
de 109 032 fr.35 devant la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève. Par jugement du 18 novembre 1998, le Tribu-
nal des prud'hommes lui a alloué divers montants, bien infé-
rieurs à ses prétentions et généralement reconnus par le dé-
fendeur.

Statuant sur appel du demandeur, la Chambre d'appel
de la juridiction des prud'hommes, par arrêt du 17 mai 1999,
a annulé le premier jugement et condamné le défendeur à
payer
au demandeur la somme brute de 14 716 fr., intérêts en sus.

C.- Le demandeur interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Il conclut à ce que le défendeur soit
condamné à lui verser la somme brute de 65 115 fr.10, plus
intérêts, sous imputation de la somme nette de 31 167 fr.

Le défendeur conclut principalement à l'irrecevabi-
lité du recours et, subsidiairement, à son rejet dans la me-
sure où il est recevable. Agissant par la voie du recours
joint, il conclut, en outre, à ce qu'acte lui soit donné
qu'il s'engage, d'une part, à verser au demandeur 1700 fr. à
titre de salaire pour le mois de janvier 1998, 141 fr.60 à
titre de 13ème salaire pro rata temporis et 2375 fr.40 à ti-
tre d'indemnité pour les vacances non prises, et, d'autre
part, à prendre en charge les frais de rapatriement du deman-
deur vers son pays d'origine à concurrence de 1750 fr.; pour
le surplus, le défendeur conclut à ce que le demandeur soit
débouté de toutes ses conclusions.

Le demandeur propose le rejet du recours joint.

Par décision du 23 juillet 1999, la Ie Cour civile
a admis la requête d'assistance judiciaire présentée par le
demandeur et désigné Me Raymond de Morawitz comme avocat
d'office du requérant.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La Chambre d'appel a admis un certain nombre
des prétentions du demandeur. Elle l'a fait sur la base d'un
salaire mensuel de 2033 fr.35, au lieu des 3050 fr. réclamés
par le demandeur, en se fondant sur le contrat-type pour les
travailleurs de l'économie domestique (CTT), qui régit
aussi,
à Genève, les relations contractuelles entre un diplomate et
son personnel domestique. Ce faisant, elle s'est ralliée à
l'avis du Tribunal des prud'hommes selon lequel, dans ce do-
maine particulier, le CTT ne s'applique pas dans son intégra-
lité, mais cède le pas aux normes, ordonnances et directives
fédérales, qui priment le droit cantonal, telle la directive
CD 4 édictée par le Département fédéral des affaires étrangè-

res. La Chambre d'appel a estimé que, selon la
jurisprudence,
il se justifiait de retenir une proportion de 2/3 par
rapport
au salaire minimum prévu par le CTT pour déterminer le trai-
tement auquel le personnel domestique des diplomates a droit.

b) Le demandeur s'insurge contre cette manière de
voir. Il fait valoir, notamment, que la directive CD 4 n'est
pas une loi fédérale autorisant une dérogation au CTT, son
interprétation ne permettant du reste pas d'en déduire que
le
CTT ne serait pas applicable. En outre, la règle jurispruden-
tielle invoquée, propre à la juridiction des prud'hommes ge-
nevoise, violerait le Code des obligations et le CTT. Il y
aurait également contravention à la Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques du 18 avril 1961 (RS 0.191.01).

2.- a) Selon l'art. 359 CO, par le contrat-type de
travail sont établies des clauses sur la conclusion, l'objet
et la fin de diverses espèces de contrats de travail (al.
1).
Les cantons sont tenus d'édicter des contrats-types pour le
service de maison (al. 2). C'est ce qu'a fait le canton de
Genève, en édictant le contrat-type de travail pour travail-
leurs à temps partiel de l'économie domestique du 20 avril
1989. En l'espèce, les parties et les juridictions
cantonales
se sont référées à ce contrat-type, qui a été remplacé par
un
contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie
domestique, du 17 novembre 1997, entré en vigueur le ler jan-
vier 1998.

Aux termes de l'art. 360 al. 1 CO, sauf accord con-
traire, le contrat-type de travail s'applique directement
aux
rapports de travail qu'il régit. Peu importe que l'employeur
et le travailleur en aient eu ou non connaissance (arrêt non
publié du 30 novembre 1998, consid. 1b, reproduit in SJ 1999
I p. 161 ss, 163).

b) Réglementation de droit objectif, les contrats-
types édictés par les cantons dans le cadre des art. 359 al.
2 et 359a al. 1 CO constituent du droit privé cantonal (cf.
l'extrait de l'arrêt non publié du 29 août 1990 reproduit in
SJ 1993 p. 372; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n.
3254). Dès lors, celui qui invoque l'interprétation ou l'ap-
plication d'un tel contrat-type ne peut pas le faire par la
voie du recours en réforme; il doit agir par celle du
recours
de droit public.

Ce que requiert le demandeur, en l'espèce, c'est
l'application du contrat-type au lieu de la directive fédéra-
le CD 4 à laquelle s'est référée la Chambre d'appel. Cela re-
vient à invoquer l'application du droit privé cantonal; or,
comme on l'a déjà relevé, semblable argument ne peut pas
être
présenté dans la procédure du recours en réforme, si bien
que
ce grief est irrecevable.

Certes, l'extrait de l'arrêt reproduit in SJ 1993
p. 372 réserve le cas où les parties à un contrat individuel
de travail déclarent renvoyer - entièrement ou partiellement
- aux dispositions d'un contrat-type, hypothèse dans
laquelle
on devrait se demander si et dans quelle mesure les rapports
contractuels ne relèveraient pas du droit fédéral.
Toutefois,
comme dans la cause citée, la question peut rester ici indé-
cise. En effet, les parties n'ont pas fait de renvoi net aux
dispositions du contrat-type. Elles se sont référées à une
formule informative du Département fédéral des affaires
étrangères, sans qu'il y ait de renvoi clair et exprès au
contrat-type, et elles ont signé un contrat qui, pour des mo-
tifs de forme, n'a pas pu être considéré comme dérogeant au
contrat-type.

Dans ces conditions le moyen central du recours,
qui tend à rendre applicable le droit privé cantonal, doit
être déclaré irrecevable.

3.- Quant au second moyen du recours, tiré d'une
prétendue contravention à la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques, il ne démontre pas où ni comment la
convention invoquée aurait été violée. A tout le moins ne
comprend-on pas où se situerait la violation. Le grief n'est
donc pas suffisamment motivé, ce qui entraîne son irrecevabi-
lité.

4.- Le recours principal étant irrecevable, le re-
cours joint est caduc en vertu de l'art. 59 al. 5 OJ. L'inti-
mé en est d'ailleurs conscient puisqu'il a expressément dé-
claré prendre ses conclusions au fond, et en particulier cel-
les du recours joint, à titre subsidiaire, soit pour le cas
où le recours en réforme interjeté par le demandeur serait
jugé recevable.

5.- Selon la jurisprudence, la partie qui interjet-
te un recours principal irrecevable doit supporter elle-même
toutes les conséquences qui résultent, du point de vue des
frais et dépens, de la caducité du recours joint (ATF 122
III
495). Cela étant, le demandeur devra verser des dépens au dé-
fendeur, qui s'est opposé avec succès à l'entrée en matière
sur son recours et qui a déposé un recours joint devenu
caduc
en raison de l'irrecevabilité du recours principal. En revan-
che, il n'aura pas à payer les frais judiciaires afférents à
la procédure fédérale, puisqu'il a été mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). Quant aux hono-
raires de son avocat d'office, ils seront supportés par la
Caisse du Tribunal fédéral, conformément à l'art. 152 al. 2
OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours principal et le recours joint
irrecevables.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Dit que le demandeur versera au défendeur une
indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;

4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
l'avocat Raymond de Morawitz la somme de 2500 fr. à titre
d'honoraires;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève (Cause n° C/2962/98-12).

______________

Lausanne, le 28 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.261/1999
Date de la décision : 28/01/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-28;4c.261.1999 ?
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