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25/01/2000 | SUISSE | N°5C.257/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 janvier 2000, 5C.257/1999


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5C.257/1999

IIe C O U R C I V I L E
**************************

25 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

L.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Charles Bornet, avocat à Sion,

et

Dame L.________, défenderesse et intimée, représentée par
Me Philippe Zimmermann, avocat à Sion;

(divorce)

Vu les piè

ces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________, né en 1946, a rencontré en 1977 dame
E.________, née en 1956...

«»
5C.257/1999

IIe C O U R C I V I L E
**************************

25 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

L.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Charles Bornet, avocat à Sion,

et

Dame L.________, défenderesse et intimée, représentée par
Me Philippe Zimmermann, avocat à Sion;

(divorce)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________, né en 1946, a rencontré en 1977 dame
E.________, née en 1956, alors qu'il était marié et père de
deux enfants âgés d'une dizaine d'années. Après avoir
divorcé
en juin 1981, il a eu le 19 novembre 1981 un enfant, Thomas,
de dame E.________. Il a épousé celle-ci le 12 avril 1988,
après la naissance d'un second enfant, Marie, le 6 avril
1988.

Les relations entre dame L.________ et les enfants
du premier lit ont toujours été tendues, ces derniers ayant
tous deux l'impression que dame L.________ leur avait volé
leur père et adoptait à leur égard un comportement froid et
distant. L'exercice du droit de visite au domicile
provoquant
des scènes, il s'est espacé avant de définitivement cesser
en
1983; L.________ a dès lors rencontré ses enfants à l'école
ou à l'extérieur afin d'être en paix avec son épouse.

B.- A Pâques 1989, dame L.________, qui est comme
son mari de confession catholique, a opéré "une prise de con-
science religieuse de sa situation matrimoniale, réalisant
qu'elle n'était pas mariée avec son époux et en éprouvant un
grand soulagement. Elle a compris que son mariage était un
échec, malgré ses efforts, et qu'elle n'était que la maîtres-
se de cet homme avec qui elle avait essayé de construire
quelque chose de plus, notamment en procréant" (jugement
attaqué, p. 9).

En juin 1989, les époux ont discuté avec un certain
G.________, qui n'était pas encore prêtre à cette époque.
Celui-ci leur a indiqué que la seule solution chrétienne
pour
continuer à vivre ensemble était de le faire "comme frère et
soeur", moyennant quoi il a convaincu dame L.________ de res-
ter avec son mari, dans l'intérêt des enfants. L.________ a

accepté les conditions mises à la continuation de la vie com-
mune pour sauver son ménage et préserver un foyer pour ses
enfants, pensant qu'avec le temps son épouse changerait
d'avis.

Malgré cela, l'épouse a cité le 8/12 juin 1989 son
mari en conciliation en vue de divorcer, car elle désirait
mettre fin à l'union civile tout en continuant à vivre sous
le même toit que son mari en bonne harmonie. Le juge a déli-
vré acte de non-conciliation après avoir pris acte d'une
convention prévoyant que "d'un commun accord, les époux
L.________ désirent continuer à vivre ensemble pour le bien
des enfants, mais en frère et soeur, sans engagement de la
part de l'épouse quant à la durée".

C.- Dès 1991, dame L.________ a eu des doutes sur la
fidélité de son époux, mais elle estimait que des aventures
ponctuelles ne constituaient pas un motif suffisant pour re-
mettre en cause l'accord sur leur mode de vie.

L.________ a eu une relation avec une dénommée
S.________ depuis le mois de février 1993. A la même époque,
dame L.________ a simulé une tentative de suicide pour provo-
quer une réaction de son époux.

En 1994, ayant constaté en rentrant de vacances
qu'une tierce personne avait vécu en son absence au domicile
conjugal, ce que son mari a nié pendant des mois, dame
L.________ a de nouveau proposé à celui-ci une séparation
qu'il a refusée, arguant qu'il s'agissait d'un moment d'éga-
rement qui ne se reproduirait plus.

En janvier 1996, dame L.________ a découvert que son
mari n'avait pas cessé sa relation avec S.________. En août
1996, elle a décidé de quitter son mari, motivée par le fait

que celui-ci lui avait clairement fait comprendre qu'il ne
renoncerait pas à cette liaison.

D.- Par mémoire-demande du 12 mars 1997, L.________
a ouvert action en divorce devant le Juge du district de
Sion. Dans sa réponse du 6 mai 1997, dame L.________ s'est
opposée à la demande de son mari et a conclu reconvention-
nellement au divorce ainsi que, notamment, à l'attribution
de
la garde et de l'autorité parentale sur les enfants Thomas
et
Marie, au versement de contributions à l'entretien de ceux-
ci, au versement d'une rente d'entretien de 2'500 fr. par
mois pour elle-même et au transfert de la moitié de la pres-
tation de sortie acquise par son mari durant le mariage. En
cours de procédure, elle a modifié ses conclusions notamment
en concluant au versement d'une rente d'entretien indexable
de 1'200 fr. par mois jusqu'en avril 2004 et au transfert
d'un montant de 167'464 fr. pris sur la prestation de sortie
de son mari.

E.- Par jugement du 9 octobre 1998, le Juge II du
district de Sion a prononcé le divorce, la garde et l'auto-
rité parentale sur les enfants étant attribuées à la défen-
deresse. Il a entre autres condamné le demandeur à verser à
la défenderesse une rente d'entretien indexable de 1'200 fr.
par mois jusqu'en mars 2004 et ordonné le transfert d'un mon-
tant de 167'464 fr. pris sur la prestation de sortie du de-
mandeur.

Statuant le 12 octobre 1999 sur appel du demandeur,
la première cour civile du Tribunal cantonal du canton du
Valais a confirmé le jugement de première instance.

F.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, le demandeur conclut avec suite de frais
et
dépens à la réforme du jugement cantonal en ce sens que l'ac-
tion en divorce de la défenderesse est rejetée, que la rente

d'entretien de 1'200 fr. par mois jusqu'en mars 2004 est sup-
primée, subsidiairement réduite à 800 fr. par mois, et que
le
transfert de son avoir LPP est supprimé, subsidiairement ré-
duit à 122'980 fr.; il conclut en outre au renvoi du dossier
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais
et dépens de la procédure cantonale. Il n'a pas été demandé
de réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon la jurisprudence, le recours en réforme
visant uniquement à faire substituer une cause de divorce à
une autre est irrecevable; en effet, le recours en réforme
n'est recevable que dans la mesure où le recourant est lésé
non seulement par les motifs de la décision déférée, mais
par
son dispositif (ATF 107 II 292 consid. 1; 106 II 117 consid.
1). Est en revanche recevable le recours en réforme
interjeté
par l'époux innocent ou le moins coupable qui, tout en deman-
dant lui-même le divorce, s'oppose à l'action en divorce de
son conjoint (ATF 111 II 1 consid. 1). En l'espèce, le re-
cours est ainsi recevable sous cet angle. Il l'est aussi en
ce qui concerne les indemnités en faveur de l'épouse, dès
lors que la contestation sur ce point porte sur une valeur
dépassant largement 8'000 fr. (art. 46 OJ); les conclusions
relatives auxdites indemnités seraient d'ailleurs de toute
manière recevables par attraction (Poudret, Commentaire de
la
loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, n.
1.4
ad art. 44 OJ).

b) La décision attaquée ayant été prononcée avant
l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 26 juin 1998 modi-
fiant notamment le droit du divorce, le Tribunal fédéral
applique l'ancien droit (art. 7b al. 3 tit. fin. CC).

2.- a) La cour cantonale a constaté qu'avant la
"prise de conscience religieuse" opérée par la défenderesse
en 1989, le lien conjugal était déjà fortement compromis par
la faute des deux époux. En effet, le demandeur, en favori-
sant ses activités sportives et politiques, a violé ses obli-
gations envers la communauté conjugale, déléguant de fait à
la défenderesse le soin du ménage et la laissant souvent seu-
le avec les enfants. Quant à la défenderesse, son comporte-
ment envers les enfants du premier lit était propre à mettre
en péril l'union conjugale. Constituait en outre une cause
objective de désunion la culpabilité éprouvée par la défende-
resse quant à son rôle dans le premier divorce de son mari
(jugement attaqué, p. 18).

S'agissant de la période consécutive à la "prise de
conscience religieuse" de la défenderesse, les juges canto-
naux ont retenu que si l'on ne peut imputer à celle-ci une
faute en raison de sa confession, la conclusion qu'elle en a
tirée, soit le refus de tout rapport intime avec son époux,
constitue une violation des règles du mariage civil. Toute-
fois, la renonciation du mari à ce type de rapports fait
partie des concessions réciproques en vue du maintien de
l'union, chaque époux pensant que l'autre allait changer de
conviction avec le temps. L'infidélité du mari, tolérée par
la défenderesse tant qu'il s'agissait d'incartades passagè-
res, représente une violation particulièrement grave des
devoirs conjugaux, quelles que soient les raisons qui l'ont
poussé à agir ainsi. Contrairement à son épouse, qui a
adopté
une ligne de conduite claire et honnête à son égard, le de-
mandeur a choisi de tromper la confiance de sa femme, tout
en
l'assurant de sa volonté de respecter l'engagement pris. Le
chantage au suicide de la défenderesse constitue également
une faute, qui peut néanmoins être qualifiée de légère au
regard des circonstances (jugement attaqué, p. 18-19).

Constatant que ni la faute du demandeur ni celle de
la défenderesse ne dépassaient les autres causes de
désunion,
y compris les causes objectives, l'autorité cantonale a con-
sidéré qu'aucune action ne rencontrait l'obstacle de l'art.
142 al. 2 CC. Elle a dès lors prononcé le divorce en admis-
sion des deux actions (jugement attaqué, p. 19).

b) Le demandeur reproche aux juges cantonaux d'avoir
violé l'art. 142 al. 2 CC en admettant également l'action en
divorce de la défenderesse. Il explique longuement que l'at-
titude de celle-ci consistant à nier l'existence et la vali-
dité du lien conjugal et à refuser tout rapport intime avec
son époux constitue une faute grave qui a provoqué la
rupture
du lien conjugal. La cour cantonale aurait refusé à tort de
tenir compte de ce comportement fautif pour le motif que la
renonciation du demandeur aux rapports intimes faisait
partie
des concessions réciproques en vue du maintien de l'union.
En
outre, l'adultère du demandeur dès 1993 ne pourrait pas être
considéré comme une faute grave dans la survenance de la rup-
ture du lien conjugal, ladite rupture étant survenue dès
1989. Quant au reproche fait au demandeur d'avoir trompé la
confiance de sa femme tout en l'assurant de sa volonté de
respecter l'engagement pris, il concernerait un comportement
secondaire pouvant tout au plus constituer une faute légère
et non causale.

c) La question de savoir si le conjoint qui conclut
au divorce, par la voie d'une action principale ou par celle
d'une demande reconventionnelle, est responsable d'une ma-
nière prépondérante de la rupture du lien conjugal (cf. art.
142 al. 2 CC) relève du droit et peut être examinée
librement
par le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF
92
II 137 consid. 2 et les arrêts cités; cf. ATF 108 II 364
consid. 2a; 111 II 1 consid. 1c non publié). La faute
prépondérante au sens de l'art. 142 al. 2 CC suppose que le
conjoint à qui elle est opposée ait commis une faute
causale,

ce qui est le cas si elle a provoqué ou contribué à
provoquer
la rupture du lien conjugal, et prépondérante, ce qui est le
cas si son importance causale dépasse nettement tous les
autres facteurs qui ont amené la désunion, aussi bien la
faute de l'autre époux que les facteurs objectifs (ATF 92 II
137 consid. 2; 88 II 241; 87 II 1 consid. 3; 84 II 409
consid. 2; 79 II 337 consid. 3).

d) En l'espèce, il ne résulte nullement du jugement
attaqué que le lien conjugal était déjà irrémédiablement
rompu dès 1989. Il en ressort au contraire que, quoique for-
tement compromise, l'union conjugale a pu être maintenue du-
rant plusieurs années encore grâce aux concessions récipro-
ques des époux; le demandeur parle d'ailleurs lui-même en p.
14 de son recours de "quatre ans de vie intime sacrifiés à
la
sauvegarde du lien conjugal". En exposant que la
renonciation
du demandeur à des rapports intimes avait participé des con-
cessions réciproques effectuées par les époux pour maintenir
l'union, la cour cantonale n'a pas refusé de tenir compte du
comportement de la défenderesse - qu'elle a au contraire qua-
lifié de violation des règles du mariage civil - mais marqué
que le demandeur avait accepté la suspension des rapports
intimes pour sauvegarder l'union conjugale, tout en espérant
qu'avec le temps la défenderesse changerait d'avis. Enfin,
le
reproche fait par les juges cantonaux au demandeur d'avoir
trompé la confiance de sa femme tout en l'assurant de sa vo-
lonté de respecter l'engagement pris concerne certes un com-
portement secondaire par rapport à l'adultère même, mais
dont
on ne saurait contester qu'il accentue la gravité de la vio-
lation du devoir de fidélité entre époux tel que posé par
l'art. 163 al. 3 CC.

e) En définitive, il n'apparaît pas que la cour can-
tonale ait violé le droit fédéral en considérant que l'impor-
tance causale des fautes imputables à la défenderesse (à sa-
voir principalement le refus de tout rapport intime avec son

époux, mais aussi le comportement envers les enfants du pre-
mier lit et le chantage au suicide de 1993) ne dépassait pas
nettement tous les autres facteurs qui ont amené la
désunion,
aussi bien les fautes du demandeur (à savoir principalement
l'adultère, mais aussi l'attitude du demandeur en relation
avec celui-ci, ainsi que le fait d'avoir favorisé
ses acti-
vités sportives et politiques au détriment de ses
obligations
envers la communauté conjugale) que les facteurs objectifs

savoir principalement la modification des convictions reli-
gieuses de la défenderesse, mais aussi la culpabilité éprou-
vée par celle-ci quant à son rôle dans le premier divorce de
son mari).

3.- a) Sous l'angle de l'art. 151 al. 1 CC, la cour
cantonale a considéré que les fautes du demandeur (à savoir
son manque d'implication dans la vie familiale, sa liaison
ainsi que son attitude équivoque lui permettant de conserver
à la fois une épouse et une maîtresse) étaient plus impor-
tantes que celles qui pouvaient être reprochées à la défen-
deresse (à savoir son comportement avec les enfants du pre-
mier lit et la mise en scène d'une tentative de suicide).
Quant à la cessation de tout commerce intime, il ne peut
selon les juges cantonaux être qualifié de fautif dès lors
que ce mode de vie a été librement convenu par les époux en
vue de maintenir une communauté conjugale pour les enfants
et
qu'il n'a pas été remis en cause par le mari (jugement atta-
qué, p. 20).

b) Selon le demandeur, la cour cantonale aurait vio-
lé l'art. 151 al. 1 CC en considérant la défenderesse comme
l'époux innocent et le demandeur comme le conjoint coupable.
Les fautes de la défenderesse - telles que rappelées ci-des-
sus (cf. consid. 2e) - ne sauraient en effet être tenues
pour
légères au regard de l'ensemble des circonstances et des fau-
tes imputables au demandeur. Quant à ces dernières, qui sont
survenues dès 1993, elles ne seraient pas causales, le lien

conjugal étant rompu depuis 1989, de sorte que le demandeur
ne saurait être qualifié de conjoint coupable.

c) Aux termes de l'art. 151 al. 1 CC, l'époux inno-
cent dont les intérêts pécuniaires, même éventuels, sont com-
promis par le divorce a droit à une indemnité équitable de
la
part du conjoint coupable. Il suffit, pour qu'un époux soit
considéré comme coupable au sens de l'art. 151 CC, qu'il se
voie reprocher une violation importante de ses devoirs conju-
gaux qui, éventuellement en concours avec des facteurs objec-
tifs, a causé la rupture du lien conjugal (ATF 108 II 364
consid. 2a). Revêt la qualité de conjoint innocent l'époux
qui n'a pas commis de faute causale, à moins que celle-ci ne
soit d'une gravité particulière (ATF 98 II 161 consid. 5 et
les arrêts cités), ou dont la faute, bien que causale, n'a
joué qu'un rôle secondaire dans la désunion, c'est-à-dire
apparaît légère au regard de l'ensemble des circonstances et
de la faute de l'autre conjoint (ATF 119 II 12 consid.
2a/aa,
109 II 286 consid. 5a; 108 II 364 consid. 2a); dans ce der-
nier cas, le juge peut aussi, en fonction des circonstances
de la cause, n'allouer qu'une indemnité réduite (ATF 103 II
168 consid. 2; 99 II 129 et 353 consid. 1). En présence de
facteurs objectifs de désunion, il suffit ainsi d'une diffé-
rence relativement minime entre les fautes respectives pour
reconnaître à l'époux le moins coupable le droit à des pres-
tations fondées sur l'art. 151 CC (ATF 108 II 364 consid.
2a). Le Tribunal fédéral revoit librement la question de sa-
voir si, et le cas échéant dans quelle mesure, les facteurs
de désunion qui ont été retenus comme causals doivent être
imputés à faute à l'une ou à l'autre partie (ATF 108 II 364
consid. 2a, 92 II 137 consid. 2 in fine et les arrêts cités).

d) Le refus de principe et durable d'un époux
d'avoir des relations sexuelles avec son conjoint, sans mo-
tifs sérieux liés notamment à l'âge ou à la maladie, est
contraire aux devoirs essentiels du mariage (ATF 77 II 205,

208/209; Bühler/Spühler, Berner Kommentar, Band II/1/1/2, n.
82 ad art. 142 CC). Un époux ne saurait être lié par un enga-
gement pris envers son conjoint de renoncer à des relations
intimes, un tel engagement étant contraire aux moeurs (ATF
77
II 205, 209).

En l'espèce, le demandeur n'était ainsi pas lié par
l'engagement pris envers son épouse, pour sauver son ménage,
de vivre avec elle "en frère et soeur". Toutefois, au lieu
de
demander le divorce pour ce motif, il a préféré maintenir
l'union conjugale, d'abord, pendant quatre années, au prix
d'un effort de chasteté tout à fait méritoire, puis, dès fé-
vrier 1993, par une liaison régulière qu'il a d'abord
cachée,
puis niée avant de la qualifier d'égarement tout en la pour-
suivant. C'est dès lors à raison que la cour cantonale a re-
proché au demandeur, outre l'adultère même - dont le deman-
deur ne saurait prétendre qu'il n'était pas causal dans la
rupture du lien conjugal (cf. consid. 2d supra) -, "son atti-
tude équivoque lui permettant de conserver tout à la fois
une
épouse et une maîtresse". Il convient d'ailleurs de
souligner
que c'est en définitive la défenderesse, et non le
demandeur,
qui a pris l'initiative de la séparation. Eu égard à ces cir-
constances très particulières, même en admettant que la
faute
de la défenderesse ait joué un rôle dans la désunion - ce
que
le jugement attaqué ne constate pas clairement -, ce rôle
apparaîtrait secondaire et la faute de la défenderesse
encore
légère au regard de la faute du demandeur et des facteurs
objectifs de désunion.

4.- a) La cour cantonale a confirmé la condamnation
du demandeur à verser à la défenderesse une rente
d'entretien
indexable de 1'200 fr. par mois jusqu'en mars 2004. Elle a
retenu que la défenderesse réalisait depuis l'année scolaire
1998/1999 un salaire net de 2'300 fr. par mois, le demandeur
réalisant quant à lui un revenu net de 8'600 fr. par mois.
Au
vu de ces circonstances, les juges cantonaux ont considéré

qu'une contribution mensuelle de 1'200 fr. par mois jusqu'en
mars 2004 était tout à fait adaptée au cas d'espèce. En ef-
fet, ce montant représente moins de 15% du revenu de l'époux
et tient déjà compte de la réduction due à la légère respon-
sabilité de la défenderesse. En outre, après s'être acquitté
des contributions à l'entretien de Marie (615 fr. par mois)
de Thomas (715 fr. par mois jusqu'à sa majorité, atteinte le
19 novembre 1999) et de la défenderesse, le demandeur
dispose
de plus de 6'000 fr. par mois, contre 3'500 fr. pour la dé-
fenderesse (jugement attaqué, p. 22).

b) Le demandeur soutient que la cour cantonale a mal
appliqué les principes régissant la fixation du montant de
la
rente d'entretien. En effet, en partant du principe que le
demandeur consacrait à son épouse et à ses enfants un tiers
de ses revenus mensuels nets, soit 2'866 fr., il fallait dé-
duire de cette somme les revenus acquis par la défenderesse
après la séparation (2'300 fr.), dont à soustraire sa part à
l'entretien de l'enfant Marie (485 fr.); du solde de 1'051
fr. ainsi obtenu (2'866 fr. - 2'300 fr. + 485 fr.), il fal-
lait déduire 25% pour tenir compte de la faute concurrente
de
la défenderesse, ce qui ramenait la rente due à 800 fr. par
mois.

c) Le juge requis d'allouer une indemnité selon
l'art. 151 al. 1 CC doit rechercher si et dans quelle mesure
la situation économique présente et future de l'époux inno-
cent sera compromise par le divorce; l'art. 151 CC vise en
effet à assurer au conjoint innocent la réparation du
dommage
pécuniaire résultant pour lui du divorce, notamment de la
perte du droit à l'entretien (ATF 116 II 101 consid. 5a et
les arrêts cités; 108 II 25 consid. 3a p. 29; cf. ATF 117 II
211 consid. 3a). La fixation du montant de l'indemnité
relève
de l'appréciation du juge, qui applique les règles du droit
et de l'équité (art. 4 CC) en tenant compte de toutes les
circonstances du cas particulier (ATF 116 II 103 consid. 2f).

d) Le demandeur prétend partir, pour fixer le mon-
tant de la rente due à la défenderesse, de la jurisprudence
selon laquelle le mari consacre ordinairement un bon tiers
au
plus de son gain mensuel à son épouse (ATF 90 II 69 consid.
5
p. 75; 84 II 417). Ce faisant, il oublie que le dommage pécu-
niaire résultant du divorce comprend également celui lié à
la
constitution de deux ménages séparés. Disposant après le di-
vorce d'un revenu mensuel net total de 3'500 fr., la défende-
resse subit assurément une baisse notable de son train de
vie
par rapport à celui dont elle jouissait pendant le mariage.
En considérant qu'une rente mensuelle de 1'200 fr. par mois
jusqu'en mars 2004 était adaptée au cas d'espèce et tenait
déjà compte de la réduction due à la légère responsabilité
de
la défenderesse, la cour cantonale est ainsi restée tout à
fait dans les limites de la liberté d'appréciation que lui
confère le droit fédéral.

5.- a) La cour cantonale a également confirmé le
transfert en faveur de la défenderesse d'un montant de
167'464 fr. prélevé sur la prestation de sortie accumulée
durant le mariage par le demandeur, qui correspondait au 30
septembre 1999 à 368'940 fr. Elle a tenu compte pour cela de
l'ensemble des circonstances personnelles et financières des
parties, notamment du fait que la défenderesse a cessé toute
activité lucrative pendant les dix ans qu'a duré le mariage
et qu'elle réalise un salaire relativement bas, au contraire
du demandeur qui est mieux en mesure de reconstituer une pré-
voyance professionnelle (jugement attaqué, p. 24/25).

b) Le demandeur reproche aux juges cantonaux de n'a-
voir pas suffisamment tenu compte du fait qu'étant âgé de 53
ans, il ne dispose que de douze ans pour reconstituer sa pré-
voyance professionnelle, tandis que la défenderesse, âgée de
43 ans, dispose pour cela de près de vingt ans. De plus,
l'autorité cantonale, qui a estimé que la rente d'entretien
selon l'art. 151 al. 1 CC devait être réduite pour tenir

compte de la légère responsabilité de la défenderesse,
aurait
dû réduire dans la même mesure le montant à transférer selon
l'art. 22 LFLP.

c) L'art. 22 LFLP, qui permet au juge d'ordonner le
transfert d'une partie de prestation de sortie acquise par
un
conjoint pendant la durée du mariage à l'institution de pré-
voyance de l'autre époux, doit être interprété dans
l'optique
du nouveau droit du divorce en vigueur dès le 1er janvier
2000, qui prévoit le partage par moitié des prestations de
sortie acquises pendant le mariage (art. 122 nCC; cf. Rita
Trigo Trindade, in SJ 1995 p. 441 ss, 451/452). Tel doit
tout
particulièrement être le cas lorsque, comme en l'espèce,
l'épouse n'a pas exercé d'activité lucrative pendant le ma-
riage pour se consacrer au ménage et à l'éducation des en-
fants, et est ainsi censée avoir besoin d'un important trans-
fert de prévoyance selon l'art. 22 LFLP (cf. Rita Trigo Trin-
dade, in SJ 1995 p. 465).

d) En l'occurrence, l'autorité cantonale a correcte-
ment considéré que le demandeur, qui continuera de cotiser
encore pendant près de 12 ans sur un salaire important, peut
céder une partie importante de sa prestation de sortie à la
défenderesse sans compromettre gravement sa retraite. Elle a
de même correctement évalué les besoins de prévoyance de
l'épouse, qui, si elle pourra cotiser sur quelques années de
plus que le demandeur, ne pourra le faire que sur un salaire
nettement plus bas, même lorsqu'elle sera en mesure de tra-
vailler à plein temps. Quant à la réduction pour légère res-
ponsabilité de la défenderesse, il convient de souligner que
cette réduction est largement laissée à l'appréciation du
juge (cf. consid. 3c supra) et qu'elle ne doit ainsi en par-
ticulier pas nécessairement toucher dans la même mesure les
différentes modalités d'indemnisation de l'époux innocent
que
représentent l'allocation d'une rente d'entretien et le
transfert d'une partie de la prestation de sortie de l'autre

époux selon l'art. 22 LFLP (cf. ATF 121 III 297 consid. 4b;
124 III 52 consid. 2b/aa). Au surplus, le transfert ordonné
par la cour cantonale ne porte que sur le 45% environ de la
prestation de sortie acquise par le demandeur pendant la du-
rée du mariage, de sorte que l'on peut considérer qu'il est
ainsi tenu compte de la légère responsabilité de la défende-
resse.

6.- En conclusion, le recours doit être intégrale-
ment rejeté et le jugement attaqué confirmé. Le demandeur,
qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al.
1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès
lors que la défenderesse n'a pas été invitée à procéder et
n'a en conséquence pas assumé de frais en relation avec la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2
OJ;
Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'orga-
nisation judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 2 ad art. 159
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours et confirme le jugement atta-
qué.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du demandeur.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la première cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 25 janvier 2000
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.257/1999
Date de la décision : 25/01/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-25;5c.257.1999 ?
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