La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2000 | SUISSE | N°4A.5/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 janvier 2000, 4A.5/1999


«AZA 3»

4A.5/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Laurent Thétaz, à Fully, représenté par Me Pierre-Cyril Sau-
thier, avocat à Martigny,

contre

l'arrêt rendu le 29 avril 1999 par la Cour de droit public
du
Tribunal cantonal du Valais dans la cause qui o

ppose le re-
courant à la Commune de Fully, représentée par Me Stéphane
Jordan, avocat à Sion;

(registre du commerce; réins...

«AZA 3»

4A.5/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Laurent Thétaz, à Fully, représenté par Me Pierre-Cyril Sau-
thier, avocat à Martigny,

contre

l'arrêt rendu le 29 avril 1999 par la Cour de droit public
du
Tribunal cantonal du Valais dans la cause qui oppose le re-
courant à la Commune de Fully, représentée par Me Stéphane
Jordan, avocat à Sion;

(registre du commerce; réinscription d'une société radiée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Prononcée le 4 novembre 1996, la faillite de la
société Roriplast S.A., dont le siège se trouvait à Fully, a
été suspendue faute d'actif par décision judiciaire du 22 no-
vembre 1996. A la demande du créancier hypothécaire de
ladite
société, il a été procédé à la réalisation du gage, conformé-
ment à l'art. 230a al. 2 LP. Le 23 juillet 1997, le juge du
district de Martigny a prononcé la clôture de la faillite de
Roriplast S.A. en liquidation, ensuite de quoi la société a
été radiée d'office du registre du commerce, le 24 octobre
1997.

En 1992 et 1993, Roriplast S.A. avait contracté
deux emprunts de droit public auprès de l'Etat du Valais et
de la Confédération. La commune de Fully s'en était portée
caution jusqu'à concurrence, respectivement, de 210 000 fr.
et de 197 000 fr. Une fois prononcée la faillite de la débi-
trice, elle a été appelée à désintéresser les créanciers et
a
conclu avec l'un et l'autre un accord concernant le rembour-
sement échelonné des prêts cautionnés.

Invoquant la subrogation légale instituée par
l'art. 507 al. 1 CO, la commune de Fully a fait notifier, le
21 mars 1997, à Roriplast S.A. en liquidation un
commandement
de payer la somme de 300 000 fr. en capital, lequel a été
frappé d'opposition. La caution a obtenu la mainlevée de cel-
le-ci à concurrence de 27 100 fr., intérêts et frais en sus,
montant correspondant aux remboursements qu'elle avait
opérés
au 28 avril 1997, date du prononcé de la mainlevée. Elle
s'est vu délivrer un acte de défaut de biens pour ce montant
et ses accessoires, après avoir tenté sans succès de faire
saisir la créance en responsabilité dont elle alléguait que
Roriplast S.A. était titulaire à l'encontre de Laurent Thé-

taz, l'un de ses anciens administrateurs. Par la suite, la
caution a essayé derechef, mais également en vain, d'obtenir
la saisie de cette créance. Elle s'est vu, en particulier,
opposer le fait que sa débitrice avait été radiée du
registre
du commerce.

B.- Le 5 août 1998, la commune de Fully a requis la
réinscription de Roriplast S.A. au registre du commerce. Sta-
tuant le 30 octobre 1998, en sa qualité d'autorité de sur-
veillance du registre du commerce, le Chef du Département de
la sécurité et des institutions du canton du Valais a
ordonné
la réinscription de la société, sous la mention "Roriplast
en
liquidation, à Fully", et désigné Me André Masson, avocat et
notaire à Martigny, en qualité de liquidateur avec signature
individuelle.

Ayant appris indirectement l'existence de cette dé-
cision, Laurent Thétaz a formé un recours de droit adminis-
tratif auprès de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal
valaisan en vue d'en obtenir l'annulation. Par arrêt du 29
avril 1999, cette autorité a rejeté le recours dans la
mesure
où il était recevable. A son avis, la qualité pour recourir
de l'intéressé était fort douteuse, voire inexistante. Quant
aux griefs articulés par le recourant, ils ne pouvaient
qu'être rejetés: la prétendue violation du droit d'être en-
tendu, alléguée par lui, si tant est qu'il pût se prévaloir
d'un tel droit, avait été réparée devant l'autorité de re-
cours. L'état de fait de la décision attaquée n'était, au de-
meurant, pas inexact ni incomplet, contrairement aux dires
du
recourant. Enfin, la commune de Fully avait un intérêt digne
de protection à la réinscription de Roriplast S.A. au regis-
tre du commerce.

C.- Laurent Thétaz a déposé un recours de droit ad-
ministratif contre l'arrêt cantonal. Il demande au Tribunal
fédéral d'annuler la décision prise le 30 octobre 1998 par
le

le Chef du Département de la sécurité et des institutions du
canton du Valais.

La commune de Fully conclut à l'irrecevabilité du
recours, subsidiairement à son rejet. La cour cantonale et
l'Office fédéral du registre du commerce ont renoncé à pren-
dre position sur le recours.

Par ordonnance présidentielle du 8 septembre 1999,
l'effet suspensif a été accordé au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon son énoncé, la conclusion au fond prise
par le recourant tend uniquement à l'annulation de la déci-
sion par laquelle le Chef du Département de la sécurité et
des institutions du canton du Valais a ordonné la réinscrip-
tion de Roriplast S.A. en liquidation au registre du commer-
ce. Cette conclusion ne vise ainsi nullement la décision pri-
se par la Cour de droit public du Tribunal cantonal
valaisan,
qui était la seule à pouvoir faire l'objet d'un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral (art. 98 let. g et
98a al. 1 OJ). Elle est dès lors irrecevable. Le fait que
Laurent Thétaz indique, à la première page de son mémoire de
recours, qu'il dirige celui-ci contre l'arrêt rendu par la
cour cantonale est-il propre à réparer ce vice formel? Point
n'est besoin d'examiner cette question, car le recours est
de
toute façon irrecevable pour un autre motif.

2.- Dans sa réponse au recours, la commune de Fully
conteste expressément la qualité pour recourir de Laurent
Thétaz. Aussi le Tribunal fédéral doit-il commencer par trai-
ter cette question de recevabilité.

a) L'art. 103 let. a OJ reconnaît la qualité pour
agir par la voie du recours de droit administratif à quicon-
que est atteint par la décision attaquée et a un intérêt di-
gne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Cet
intérêt peut être juridique ou de fait (ATF 124 II 409 con-
sid. 1e/bb p. 417/418, 499 consid. 3b p. 504; 123 II 115 con-
sid. 2a p. 117, 376 consid. 4a p. 376). Un intérêt n'est di-
gne de protection que s'il est direct, c'est-à-dire s'il se
relie directement à l'objet de la contestation (André
Grisel,
Traité de droit administratif, vol. II, p. 899). Le seul
fait
d'avoir participé à la procédure antérieure ne suffit pas à
fonder un tel intérêt (123 II 115 consid. 2a p. 117).

Dans un arrêt du 30 juin 1993, en la cause 4A.4/
1993 (reproduit in Annuaire du Registre du Commerce, 1994,
p.
198 ss), le Tribunal fédéral a dénié au liquidateur d'une so-
ciété anonyme radiée du registre du commerce après la
clôture
de sa faillite la qualité pour recourir contre une décision
par laquelle l'autorité cantonale de surveillance du
registre
du commerce avait donné suite à la demande d'un créancier de
réinscrire la société afin qu'il puisse faire valoir contre
elle une créance en dommages-intérêts et obtenir la cession,
au sens de l'art. 260 LP, de la prétention des créanciers so-
ciaux fondée sur la responsabilité du liquidateur en ques-
tion. Le recourant, qui se plaignait, sous l'angle du droit
d'être entendu, de n'avoir pas été traité comme partie dans
la procédure cantonale, s'est vu rétorquer qu'il n'était pas
titulaire d'un tel droit, étant donné que son statut de dé-
fendeur potentiel à une action en responsabilité ne
suffisait
pas à lui conférer les droits d'une partie dans la procédure
conduite devant les autorités du registre du commerce. De
fait, cette procédure ne visait qu'à rétablir la capacité ju-
ridique de la société radiée, de sorte qu'elle ne produisait
pas directement d'effet sur les droits des tiers avec les-
quels la société réinscrite, sa masse en faillite ou les
créanciers cessionnaires entreraient en relation et qu'il

n'était pas certain qu'elle en produirait indirectement sur
eux. En outre, la volonté de faire participer ces tiers à la
procédure de réinscription butterait sur l'obstacle que cons-
titue le fait qu'au moment où cette procédure est mise en
oeuvre ces tiers ne seront pas ou, en tout cas, pas suffisam-
ment identifiés; par exemple, rien n'empêcherait le
créancier
requérant, une fois la société réinscrite, d'étendre le cer-
cle des personnes dont il entend mettre en cause la responsa-
bilité, voire de renoncer à rechercher la personne à
laquelle
il voulait s'en prendre au départ.

Le Tribunal fédéral a toutefois réservé, dans le
même arrêt, le cas où les autorités du registre du commerce
s'attribueraient des compétences réservées au juge du fond
et
empiéteraient, ce faisant, sur les droits du recourant. En
pareille hypothèse, celui-ci aurait qualité pour faire sanc-
tionner, par la voie du recours de droit administratif, l'ex-
cès de pouvoir commis par ces autorités.

b) Appliquées, mutatis mutandis, aux circonstances
de la présente cause, les considérations émises dans l'arrêt
précité font apparaître l'irrecevabilité du recours formé
par
l'ancien administrateur de la société radiée. En effet, à
l'instar du liquidateur susmentionné, pour fonder son
intérêt
à recourir, Laurent Thétaz ne peut faire valoir que sa quali-
té de défendeur potentiel à une action en responsabilité que
la commune de Fully envisage d'ouvrir contre lui. De sur-
croît, la réinscription de la société au registre du
commerce
ne permettra pas automatiquement la mise à exécution de ce
projet, puisque la créancière devra nécessairement procéder,
en toute hypothèse, à une démarche préalable, soit la saisie
de la créance en responsabilité détenue par la société
contre
ses anciens administrateurs.

Le recourant ne peut pas non plus déduire sa quali-
té pour agir de son statut d'ex-administrateur de la société

à réinscrire. En effet, contrairement à ce qu'il soutient,
il
ne sera pas réintégré dans cette fonction-là dès lors que
l'autorité de surveillance a désigné un liquidateur, avec si-
gnature individuelle, en la personne de l'avocat André Mas-
son.

Par ailleurs, le recourant ne soutient pas que
l'autorité administrative aurait empiété, en l'espèce, sur
les compétences du juge.

Enfin, la situation du recourant n'est pas compara-
ble à celle des personnes qui, dans des circonstances analo-
gues, ont été sommées par l'autorité administrative de requé-
rir elles-mêmes la réinscription de la société au registre
du
commerce et dont la qualité pour recourir contre cette somma-
tion a été reconnue par le Tribunal fédéral (cf., par ex.,
les ATF 110 II 396 et 100 Ib 37).

3.- Cela étant, comme Laurent Thétaz n'a pas un in-
térêt digne de protection, au sens de la jurisprudence sus-
indiquée, à attaquer l'arrêt de la cour cantonale, son re-
cours sera déclaré irrecevable et la décision d'effet suspen-
sif deviendra caduque ipso facto.

Le recourant, qui succombe, devra supporter l'émo-
lument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Il aura en outre à
payer à la commune intimée une indemnité à titre de dépens,
en dérogation à la règle générale posée à l'art. 159 al. 2
OJ; cette collectivité, en raison de sa faible importance,
ne
dispose, en effet, pas d'une infrastructure administrative
et
juridique lui permettant de plaider sans l'assistance d'un
mandataire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, à la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton du Valais et à l'Office fédéral du regis-
tre du commerce.

______________

Lausanne, le 25 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4A.5/1999
Date de la décision : 25/01/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-25;4a.5.1999 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award