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20/01/2000 | SUISSE | N°4C.420/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 janvier 2000, 4C.420/1999


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4C.420/1999

Ie C O U R C I V I L E
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20 janvier 2000

Composition de la Cour : MM. Walter, président, Leu et
Corboz, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
défendeurs et recourants, tous trois représentés par Me
Jacques Micheli, avocat à Lausanne,

et

K.________, demandeur et intimé, représenté par Me Olivier
Burnet, avocat à Lausanne

;

(résiliation du bail pour défaut de paiement; compensation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suiva...

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4C.420/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

20 janvier 2000

Composition de la Cour : MM. Walter, président, Leu et
Corboz, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
défendeurs et recourants, tous trois représentés par Me
Jacques Micheli, avocat à Lausanne,

et

K.________, demandeur et intimé, représenté par Me Olivier
Burnet, avocat à Lausanne;

(résiliation du bail pour défaut de paiement; compensation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par convention du 24 septembre 1993, K.________
qui avait pris à bail un local de vente à l'intérieur d'un
centre commercial, a cédé l'usage, moyennant un loyer déter-
miné en pourcentage du chiffre d'affaires, d'une surface
dans
son local à A.________ et C.________, afin qu'ils y
exploitent une boulangerie-pâtisserie et un tea-
room.

Les relations entre les parties s'étant détério-
rées, K.________, par lettre du 22 août 1998, a informé les
sous-locataires de sa décision de ne pas renouveler le con-
trat. Par lettre du même jour, ces derniers ont contesté le
loyer convenu, en déclarant qu'il était usuraire et donc
nul,
les montants versés en trop devant être restitués ou compen-
sés.

Dès le 17 septembre 1998, K.________ n'a plus reçu
aucun loyer. Par lettre du 3 novembre 1998, il a mis en de-
meure les sous-locataires de s'acquitter du loyer arriéré
dans un délai au 4 décembre 1998, sous menace de résiliation.
Cette sommation étant restée vaine, il a résilié le bail,
par
lettre du 7 décembre 1998, pour le 31 janvier 1999.

B.- Comme les sous-locataires n'ont pas quitté les
lieux, K.________ a sollicité leur expulsion, qui a été or-
donnée le 23 avril 1999 par le Juge de paix du cercle de
St-Saphorin.

Le recours interjeté contre cette décision par les
sous-locataires a été rejeté par un arrêt du 12 octobre 1999
rendu par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vau-
dois. La cour cantonale a considéré que le loyer convenu

n'était pas usuraire, en se fondant, d'une part, sur un rap-
port du 30 novembre 1998 de la Fiduciaire des boulangers,
mandatée par K.________ et, d'autre part, sur un rapport du
5
mars 1999 de la fiduciaire X.________ S.A., laquelle avait
été mandatée d'un commun accord par les deux parties. Il a
été retenu que, du 1er décembre 1993 au 19 septembre 1998,
les sous-locataires avaient payé un loyer annuel moyen de
105 931 fr.45, tandis que le bailleur assumait des charges
moyennes de 93 930 fr. par an.

C.- A.________, B.________ et C.________ exercent
un recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant divers
moyens qui seront examinés ci-après, ils concluent à ce que
leur expulsion ne soit pas prononcée et demandent subsidiai-
rement que l'arrêt attaqué soit annulé et la cause renvoyée
à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

L'intimé propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par les parties qui ont été con-
damnées à évacuer les lieux et dirigé contre un jugement fi-
nal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal su-
périeur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans
les
formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), mais non pour violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1
2ème phrase OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 123

III 337 consid. 3b, 395 consid. 1b, 414 consid. 3c; 122 III
101 consid. 2a/cc).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa;
117 II 256 consid. 2a). Dans la mesure où les recourants pré-
sentent un état de fait qui s'écarte de celui retenu par la
cour cantonale sans que l'une de ces exceptions ne soit éta-
blie, il n'est pas possible d'en tenir compte. Les
recourants
ne peuvent pas présenter de griefs contre les constatations
de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art.
55
al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la dé-
cision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 123 III 246 con-
sid. 2; 122 III 150 consid. 3).

2.- a) Les recourants soulèvent de nombreux griefs
qui concernent l'administration des preuves, ainsi que l'ap-
préciation de ces dernières. Dès lors que l'on ne parvient
pas à discerner une violation du droit fédéral susceptible
de
donner lieu à un recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ), il
suffit de répondre brièvement à ces arguments, en les exami-
nant successivement.

Les recourants soutiennent de manière générale que
l'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué serait
lacunaire.

La rectification d'une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
2ème phrase OJ) ou le complètement des constatations cantona-
les (art. 64 al. 1 OJ) suppose, avant toute autre condition,
que le fait à ajouter soit propre à modifier l'issue du liti-
ge (cf. Poudret, COJ II, n. 5.1 ad art. 63 OJ et n. 2.1.6 ad
art. 64 OJ). Comme on ne voit pas en quoi cette condition se-
rait réalisée, il n'y a pas lieu d'examiner la question plus
avant.

Si la cour cantonale a considéré l'expertise de
X.________ S.A. comme convaincante, nonobstant les
objections
des recourants, il s'agit d'une question d'appréciation des
preuves, qui ne peut donner lieu à un recours en réforme
(ATF 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 consid. 2c/bb, 73 consid.
6b/bb; 121 III 350 consid. 7c; 120 II 97 consid. 2b). En ef-
fet, le droit fédéral, et notamment l'art. 8 CC, ne prescrit
pas sur quelles bases le juge peut fonder sa conviction (ATF
122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c; 118 II 142
consid. 3a, 365 consid. 1).

Lorsque les défendeurs reprochent à l'autorité
cantonale de ne pas avoir ordonné une expertise judiciaire,
leur grief ne concerne pas l'application du droit fédéral,
dès lors que ce droit ne détermine pas, dans une pareille
cause, quelles sont les mesures probatoires qui doivent être
exécutées.

En suivant l'expertise de X.________ S.A., la cour
cantonale a fixé le montant des charges annuelles assumées
par le bailleur à 93 930 fr. en moyenne. Il s'agit d'une
question d'appréciation des preuves et d'établissement des
faits, laquelle, comme on l'a vu, ne peut être revue dans un
recours en réforme

Les recourants critiquent le déroulement de l'ex-
pertise effectuée par X.________ S.A., mais on ne voit pas

quelle disposition de droit fédéral serait violée. Les défen-
deurs pensent manifestement que ces circonstances devraient
influencer la crédibilité de l'expertise. Or ce point ne con-
cerne que l'appréciation des preuves, laquelle échappe à la
censure de la juridiction fédérale de réforme.

Invoquant une violation de l'art. 8 CC, les recou-
rants considèrent que l'autorité cantonale aurait dû
ordonner
une expertise judiciaire. Ils perdent cependant de vue que
cette disposition ne prescrit pas sur quelles bases le juge
peut fonder sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c p.
223-224; 119 II 114 consid. 4c; 118 II 142 consid. 3a) et ne
s'oppose nullement à ce qu'une mesure probatoire soit
refusée
à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 122
III 219 consid. 3c p. 223; 120 II 58 consid. 4d; 115 II 440
consid. 6b p. 450). En l'espèce, la cour cantonale a été
convaincue par les expertises privées produites et elle a
estimé inutile d'ordonner encore une expertise judiciaire;
cette décision ne peut fonder un recours en réforme, parce
que cette situation n'est réglementée ni par l'art. 8 CC, ni
par aucune autre disposition du droit fédéral.

Toutes les critiques concernant la crédibilité des
expertises privées et leur signification ne concernent que
l'appréciation des preuves, qui ne peut donner lieu à un re-
cours en réforme.

b) Les recourants prétendent que le contrat conclu
devrait être qualifié de société simple (art. 530 CO). Cette
argumentation doit être rejetée d'emblée, parce qu'elle ne
trouve aucun appui dans l'état de fait qui lie le Tribunal
fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 1ère
phrase OJ). Il résulte au contraire clairement des constata-
tions cantonales que l'intimé a cédé aux défendeurs l'usage
d'une chose moyennant rémunération, ce qui constitue bien un
contrat de bail (art. 253 CO). Que le loyer soit fixé en

pourcentage du chiffre d'affaires ne fait pas obstacle à cet-
te qualification (cf. ATF 116 II 587 consid. 2). On pourrait
tout au plus se demander s'il ne s'agit pas d'un bail à
ferme
(art. 275 CO), mais aucune des parties ne le prétend et les
constatations cantonales ne permettent pas de conclure dans
ce sens (cf. David Lachat, Le bail à loyer, n. 2.2.1 p. 55
s.). Au demeurant, on ne voit pas ce que cette qualification
pourrait changer, puisqu'il est constant que les recourants
ne paient plus rien depuis longtemps (cf. art. 282 CO) et
que
la loi ne prévoit pas une protection contre les fermages abu-
sifs (cf. par opposition: art. 269 ss CO).

c) La cour cantonale a constaté souverainement que
les recourants ont cessé de payer le loyer convenu dès le 17
septembre 1998. Il ressort également des constatations can-
tonales - ce qui n'est pas discuté - que le bailleur a procé-
dé conformément à l'art. 257d CO.

Le bail a donc été résilié en raison de la demeure
des défendeurs, ce qui justifie en principe la décision d'ex-
pulsion.

d) Les recourants contestent cependant la demeure,
en faisant valoir que la créance de loyer est éteinte par
compensation (art. 120 al. 1 CO) avec leur créance en resti-
tution du loyer payé en trop; ils soutiennent en effet
qu'ils
ont payé un loyer excessif.

Les magistrats vaudois ont retenu souverainement
(art. 63 al. 2 OJ) que le loyer dû s'est élevé en moyenne à
105 931 fr.45 par an, alors que le bailleur supportait des
charges s'élevant à 93 930 fr. par an. Ils ont considéré que
la différence de 12 001 fr.45, représentant le 12,7% de
93 930 fr., ne permettait pas de taxer le rendement d'usu-
raire, de sorte que la clause contractuelle fixant le loyer
ne pouvait pas être considérée comme nulle en application de

l'art. 20 CO. Dès lors qu'il n'y a pas de disproportion évi-
dente entre les prestations échangées, l'usure (art. 157 ch.
1 al. 1 CP) est exclue, d'autant que l'intimé assume le ris-
que de l'insolvabilité de ses sous-locataires. Le raisonne-
ment de l'autorité cantonale ne souffre pas la moindre criti-
que. Pour la même raison, la lésion (art. 21 CO) n'entre pas
en ligne de compte.

En conséquence, les recourants sont tenus de payer
le loyer convenu (pacta sunt servanda).

Ils soutiennent que ce loyer est abusif, mais ils
perdent de vue que le locataire qui considère tel le loyer
convenu doit le contester devant l'autorité de conciliation
dans les trente jours qui suivent la réception de la chose
(art. 270 al. 1 CO). Faute d'avoir agi en temps utile, les
recourants sont déchus du droit d'invoquer le caractère pré-
tendument abusif du loyer (cf. Peter Higi, Commentaire zuri-
chois, n. 67 et 70 ad art. 270 CO; Lachat, op. cit., n.
17.1.1 p. 257 et n. 17.2.3.1 p. 261). Si les défendeurs es-
timaient que la situation avait évolué et que le loyer était
devenu abusif, ils devaient demander une diminution du loyer
(art. 270a al. 2 CO), qui n'aurait pu prendre effet que pour
le prochain terme de résiliation (art. 270a al. 1 CO); faute
d'avoir procédé de cette façon, ils ne peuvent avoir actuel-
lement une créance qui puisse être opposée en compensation.

Les recourants invoquent enfin un arrêt concernant
l'interdiction des transactions couplées (arrêt non publié
du
13 janvier 1999 dans la cause 4C.207/1998); il s'agissait en
l'occurrence d'une convention de pas-de-porte qui ne corres-
pondait à aucune prestation effective du bailleur. On ne
voit
pas la pertinence de cette jurisprudence. L'existence d'une
transaction couplée suppose, entre autres conditions, que le
locataire contracte envers le bailleur ou un tiers des obli-
gations qui ne sont pas en relation directe avec l'usage de

la chose louée. En l'espèce, la totalité de la somme que les
défendeurs s'étaient engagés à payer constitue la contrepar-
tie de la cession, par le demandeur, de l'usage des choses
louées. Comme il n'y a pas trace d'une convention distincte
du bail qui pourrait être couplée avec ce dernier, il n'est
pas question d'une transaction couplée au sens de l'art. 254
CO.

En écartant le moyen de la compensation pour le mo-
tif que la créance compensatrice invoquée n'existe pas, la
cour cantonale n'a en rien violé le droit fédéral.

3.- Les frais et dépens doivent être mis à la
charge des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 et 159
al. 1 OJ); ils seront répartis entre eux conformément à
l'art. 156 al. 7 OJ (cf.
également art. 159 al. 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 3500 fr. solidai-
rement à la charge des recourants;

3. Dit que les recourants verseront solidairement à
l'intimé une indemnité de 4000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois.

____________

Lausanne, le 20 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


1re cour civile

Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 20/01/2000
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 4C.420/1999
Numéro NOR : 32947 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-20;4c.420.1999 ?
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