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20/01/2000 | SUISSE | N°4C.391/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 janvier 2000, 4C.391/1999


«AZA 3»

4C.391/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

20 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Jean et Lydia Bertolotti, à Colombier (NE), demandeurs et re-
courants, représentés par Me Philippe Juvet, avocat à
Neuchâtel,

et

Patrice Lorimier, à Chézard-St-Martin, défendeur et intimé,
représenté

par Me Françoise Desaules, avocate à Neuchâtel;

(notion de défauts; droit à la preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent...

«AZA 3»

4C.391/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

20 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Jean et Lydia Bertolotti, à Colombier (NE), demandeurs et re-
courants, représentés par Me Philippe Juvet, avocat à
Neuchâtel,

et

Patrice Lorimier, à Chézard-St-Martin, défendeur et intimé,
représenté par Me Françoise Desaules, avocate à Neuchâtel;

(notion de défauts; droit à la preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par acte du 30 octobre 1990, Jean et Lydia
Bertolotti ont acquis de l'entrepreneur Patrice Lorimier un
terrain à Colombier (NE) sur lequel était édifiée une villa
en cours d'achèvement. Le même jour, les parties ont signé
un
contrat portant sur l'exécution par l'entrepreneur des tra-
vaux qui restaient à réaliser.

En février 1991, il est apparu que la poutre prin-
cipale de la maison était sous-dimensionnée et présentait de
ce fait un fléchissement anormal, ce qui créait le risque
d'un affaissement de la villa dès le premier étage. Des mesu-
res ont été prises pour remédier à cette situation, sur la
base d'une expertise sollicitée d'un commun accord.

b) Les époux Bertolotti se sont plaints de nouveaux
défauts et ont, avant l'introduction d'une procédure ordinai-
re, demandé au président du Tribunal du district de Boudry
d'ordonner une expertise, à titre de "preuve à futur".

Le 13 septembre 1993, le président a désigné à
cette fin Henri Gaille, maître charpentier à Fresens.

Henri Gaille a déposé un premier rapport le 29 no-
vembre 1993; il en résultait que le prix d'une réfection,
propre à régler définitivement le cas, devait avoisiner les
5000 à 6000 fr.; l'expert signalait toutefois le risque que
les fissures réapparaissent par la suite et précisait que
restaient posées les questions esthétiques, difficilement
chiffrables. Dans un second rapport du 11 janvier 1994, pro-
voqué par des questions complémentaires des époux
Bertolotti,
l'expert Gaille a articulé une fourchette allant de 5000 fr.
pour une réparation superficielle, à 40 000 fr. pour une ré-

paration complète comportant diverses améliorations, à quoi
devait selon lui s'ajouter une somme de 3 à 5% du coût total
de la villa pour les défauts subsistants, parce qu'inaccessi-
bles, ou non garantis dans le temps.

B.- Par demande du 15 avril 1994, les époux Berto-
lotti ont assigné Patrice Lorimier en paiement de 85 000
fr.,
intérêts en sus.

Le défendeur a conclu au rejet de la demande et a
réclamé, reconventionnellement, la somme de 18 338 fr. avec
intérêts en invoquant notamment des travaux à plus-value com-
mandés par les demandeurs.

Dans le cadre de l'instruction, une nouvelle exper-
tise a été ordonnée et confiée à Charles Feigel, architecte
à
Auvernier. L'expert a préconisé, pour corriger les défauts,
des travaux dont le prix s'élèverait, dans la variante la
plus coûteuse, à 16 200 fr.; il a par ailleurs chiffré le
montant dû par les demandeurs pour les travaux à plus-value
commandés.

Statuant par jugement du 27 septembre 1999, la
IIème Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a donné
la préférence à l'opinion émise par l'expert Feigel (ci-
après: le deuxième expert), jugeant celle-ci plus précise et
plus crédible; elle a fixé à 16 200 fr. la moins-value due
par l'entrepreneur, correspondant au coût de la réparation
des défauts selon la variante offrant un aspect
correspondant
au projet d'origine; elle a par ailleurs déterminé, sur la
base de l'expertise, la somme qui restait due par les
maîtres
de l'ouvrage pour les travaux à plus-value qu'ils avaient
commandés et qui leur était réclamée par voie reconvention-
nelle; opérant la compensation, elle a condamné
solidairement
les demandeurs à payer au défendeur 315 fr.65 avec intérêts
à
5% dès le 5 juillet 1994.

C.- Jean et Lydia Bertolotti recourent en réforme.
Ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

Le défendeur invite le Tribunal fédéral à rejeter
le recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les demandeurs soutiennent que la cour canto-
nale aurait méconnu la notion juridique de défaut.

a) Une prestation est défectueuse s'il lui manque
des caractéristiques essentielles convenues (ATF 121 III 453
consid. 4a); il y a défaut dès qu'elle s'écarte du contrat,
qu'elle n'a pas les propriétés promises ou auxquelles le des-
tinataire s'attendait et pouvait s'attendre selon le
principe
de la confiance, dans le cas d'espèce (ATF 114 II 239
consid.
5a/aa). Autrement dit, la prestation est défectueuse dès
qu'elle diverge, dans un sens défavorable au destinataire,
de
l'état convenu (Giger, Commentaire bernois, n° 52 ad art.
197
CO; Honsell, Commentaire bâlois, n° 2 ad art. 197 CO; Pierre
Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème éd., n° 369).

b) Contrairement à ce que suggèrent les demandeurs,
la cour cantonale n'a pas exclu la possibilité d'un défaut
esthétique (sur cette question: cf. arrêt reproduit in SJ
1997 p. 661 consid. 3a). La cour cantonale a constaté que le
deuxième expert avait proposé, pour un coût de 16 200 fr.,
une solution qui offrait un aspect correspondant au projet
d'origine. On pouvait raisonnablement en déduire que cette
solution permettait de rétablir un état conforme à ce qui
avait été convenu entre les parties. Les problèmes esthéti-
ques évoqués par le premier expert en relation avec une
perte

de valeur de l'immeuble pour des défauts non réparables ont
paru peu clairs à la cour cantonale, qui a jugé qu'il
s'agissait en définitive d'une divergence de goût se rappor-
tant au choix de la structure et des essences de bois utili-
sées mais non de véritables défauts. Déterminer quelles ont
été les déclarations d'un expert et quelle était sa volonté
sont des questions qui relèvent de l'établissement des faits
et qui ne peuvent être revues dans un recours en réforme
(cf.
ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311; 123 III 165 consid. 3a;
121 III 414 consid. 2a). Il est évident qu'une simple diver-
gence de goût entre l'entrepreneur et le premier expert ne
permet pas de déduire que la prestation n'était pas conforme
à la convention des parties ou à ce que les recourants atten-
daient et pouvaient attendre de bonne foi. On ne voit donc
pas en quoi la cour cantonale aurait méconnu la notion juri-
dique de défaut.

2.- Les demandeurs invoquent également une viola-
tion de l'art. 8 CC.

a) Cette disposition répartit, pour les prétentions
relevant du droit fédéral, le fardeau de la preuve et déter-
mine sur cette base qui doit assumer les conséquences de
l'échec de la preuve (ATF 125 III 78 consid. 3b; cf. égale-
ment: ATF 122 III 219 consid. 3c).

En l'espèce, les recourants, en tant que demandeurs
dans l'action en garantie, devaient prouver les faits permet-
tant de constater l'existence d'un défaut et la moins-value
qui en résulte. Dans la mesure où la cour cantonale restait
dans le doute sur l'une ou l'autre de ces questions de fait,
elle n'a pas violé l'art. 8 CC en tranchant en défaveur des
demandeurs qui supportaient le fardeau de la preuve.

b) On déduit aussi de l'art. 8 CC un droit à la
preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) et à la contre-preuve

(ATF 120 II 393 consid. 4b; 115 II 305). Il faut cependant
que les moyens de preuve aient été régulièrement offerts
(ATF
122 III 219 consid. 3c) et qu'ils apparaissent utiles pour
prouver un fait pertinent (ATF 123 III 35 consid. 2b; 122
III
219 consid. 3c; 121 III 60 consid. 3c) non encore établi
(ATF
122 III 219 consid. 3c; 120 II 60 consid. 3d; 119 II 114 con-
sid. 4c; 119 II 157 consid. 2).

En l'espèce, les demandeurs ne prétendent pas
qu'ils auraient été empêchés d'apporter une preuve utile, de
sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question sous cet
angle.

c) On peut considérer que l'art. 8 CC est également
violé si le juge admet un fait contesté, sans qu'il n'y ait
aucune preuve de celui-ci (ATF 114 II 289 consid. 2a). Mais
l'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut former sa con-
viction (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c;
118 II 142 consid. 3a; 118 II 365) ou doit choisir entre des
preuves contradictoires (Poudret, op. cit., n° 4.7.1 ad art.
43 OJ). Ces questions ne sont pas régies par le droit
fédéral
et ne peuvent donc donner lieu à un recours en réforme (ATF
122 III 26 consid. 4a/aa; 122 III 61 consid. 2c; 122 III 73
consid. 6b/bb p. 80; 121 III 350 consid. 7c; 120 II 97 con-
sid. 2b; 119 II 84; 119 II 110 consid. 3d; 119 II 114
consid.
4c; 119 II 147 consid. 1). L'art. 8 CC ne règle pas
davantage
les modalités d'exécution d'une mesure probatoire (ATF 122
III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c).

Lorsque les demandeurs critiquent le comportement
de l'intimé pendant la première expertise, ainsi que le dé-
roulement de la seconde expertise, ils ne s'en prennent nul-
lement à des questions relevant du droit fédéral. Ni la pro-
cédure d'expertise, ni la force probante du rapport en fonc-
tion de l'attitude des parties ne sont régies par ce droit.
Savoir si une preuve est ou non apportée, singulièrement si

un rapport d'expertise est suffisamment complet ou crédible,
est une question d'appréciation des moyens de preuve recueil-
lis échappant au droit fédéral. Que la première expertise
n'ait pas été jugée convaincante et que la seconde lui ait
été préférée constitue une pure question d'appréciation des
preuves. Le droit fédéral ne prescrit en particulier pas que
le juge soit lié par les conclusions d'une expertise
ordonnée
avant l'ouverture de la procédure ordinaire.

En l'absence de toute violation du droit fédéral,
le recours est manifestement infondé.

3.- Les frais et dépens doivent être mis à la char-
ge des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ) et seront répartis entre eux, sur le plan interne, con-
formément à l'art. 156 al. 7 OJ (cf. également art. 159 al.
5
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge des recourants, débiteurs solidaires;

3. Dit que les recourants, solidairement entre eux,
verseront à l'intimé une indemnité de 3000 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton de Neuchâtel.

________________

Lausanne, le 20 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.391/1999
Date de la décision : 20/01/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-20;4c.391.1999 ?
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