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13/01/2000 | SUISSE | N°4C.299/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 janvier 2000, 4C.299/1999


«AZA 3»

4C.299/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz, Mme
Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Elena Prokina à Luxembourg, demanderesse et recourante prin-
cipale, représentée par Me Paul Gully-Hart, avocat à Genève,

et

La Fondation du Grand-Théâtre de Genève, à Genève, défende

-
resse et recourante par voie de jonction, représentée par Me
Patrick Blaser, avocat à Genève;

(contrat de travail, empê...

«AZA 3»

4C.299/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz, Mme
Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Elena Prokina à Luxembourg, demanderesse et recourante prin-
cipale, représentée par Me Paul Gully-Hart, avocat à Genève,

et

La Fondation du Grand-Théâtre de Genève, à Genève, défende-
resse et recourante par voie de jonction, représentée par Me
Patrick Blaser, avocat à Genève;

(contrat de travail, empêchement non fautif de travailler)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat signé le 5 janvier 1995, la Fonda-
tion du Grand-Théâtre de Genève (ci-après: le Grand-Théâtre)
engagea la cantatrice Elena Prokina pour jouer le rôle de
Nedda dans l'opéra "I Pagliacci" de Ruggero Leoncavallo. Les
répétitions devaient se dérouler dès le 10 septembre 1996 et
7 représentations étaient prévues, du 18 octobre au 3 novem-
bre 1996. La rémunération brute convenue était de 8000 fr.
par représentation, auxquels s'ajoutaient 8000 fr. pour la
période des répétitions et le remboursement d'un billet
d'avion en classe économique Saint-Pétersbourg - Genève et
retour. La cantatrice s'engageait à observer les
instructions
données par le metteur en scène, le chef d'orchestre et
l'éventuel chorégraphe. Elle avait l'obligation de s'assurer
personnellement contre la maladie; selon la convention, elle
devait informer immédiatement la direction du Grand-Théâtre
en cas d'indisponibilité ou de maladie. Les parties étaient
convenues d'appliquer le droit suisse et de soumettre tout
différend éventuel aux tribunaux du canton de Genève.

Le 14 août 1996, l'agent d'Elena Prokina adressa un
fax au metteur en scène, exposant que la cantatrice souhai-
tait lui parler d'une "affaire personnelle". Aucun autre ren-
seignement à ce sujet ne fut donné ni au metteur en scène,
ni
au Grand-Théâtre.

Dans la deuxième semaine du mois de septembre 1996,
l'agent local d'Elena Prokina informa pour la première fois
la directrice du Grand-Théâtre que la cantatrice était en-
ceinte, sans toutefois préciser l'état d'avancement de cette
grossesse. Par lettre du 13 septembre 1996, la directrice de-
manda à l'agent précité d'indiquer de combien de mois l'inté-
ressée était enceinte et si elle serait en mesure "non pas
de

chanter, mais d'assurer la partie scénique, et l'interpréta-
tion".

Lorsque Elena Prokina arriva à Genève, à la veille
des répétitions qui avaient été repoussées au 17 septembre
1996, elle était enceinte de 25 semaines, de sorte qu'au mo-
ment de la dernière représentation, elle aurait été au
huitième mois de sa grossesse.

Le metteur en scène refusa de faire jouer le rôle
de Nedda à Elena Prokina. Cet opéra comprend en effet des
scènes de violence réelles et non fictives. L'artiste Jan
Blinkhof estima impossible de jeter une femme enceinte de 8
mois sur ses épaules, de marcher ainsi sur la rambarde sépa-
rant la scène de la fosse d'orchestre, enfin de la jeter à
terre et de mimer le fait de l'étrangler et de la poignarder
dans le bas-ventre; selon lui, il était inconcevable de
jouer
ces scènes sans faire prendre des risques à sa partenaire,
ce
qui aurait été un facteur de stress tant pour lui que pour
tous les participants au spectacle.

L'ensemble des artistes, ainsi que le régisseur et
le chef des chants, partageaient le point de vue que le rôle
de Nedda, compte tenu des scènes de violence qu'il comporte,
ne pouvait pas être interprété par une femme enceinte de 8
mois.

Au début des répétitions, les décors et les costu-
mes étaient pratiquement prêts et des modifications, pour
tenir compte de l'état d'Elena Prokina, auraient entraîné
des
surcoûts importants.

Il n'a pas été établi que des cantatrices, dans un
état de grossesse semblable, aient déjà joué un rôle aussi
exigeant sur le plan physique.

Entre le 17 et le 20 septembre 1996, le Grand-
Théâtre fit savoir à l'agent local d'Elena Prokina qu'il
n'était pas possible de confier à cette dernière le rôle de
Nedda. Des pourparlers se sont engagés entre le
Grand-Théâtre
et l'agent local, en vue de convenir d'un dédommagement
versé
à la cantatrice. Le 20 septembre 1996, le Grand-Théâtre in-
forma ce dernier que le mari d'Elena Prokina avait refusé
tout arrangement et qu'un montant de 3141 fr.05 lui avait
cependant été versé à titre de remboursement des frais de
voyage et d'hôtel supportés par son épouse. Le même jour, le
Grand-Théâtre adressa un fax à Elena Prokina, laquelle le re-
çut dans la soirée; selon cette télécopie, la grossesse de
l'intéressée constituait un problème insoluble, si bien que
le Grand-Théâtre se voyait dans l'obligation de renoncer à
sa
collaboration.

Elena Prokina accoucha prématurément le 25 septem-
bre 1996, soit avant la première représentation prévue.

B.- Le 30 juin 1997, Elena Prokina a assigné le
Grand-Théâtre devant la juridiction des prud'hommes du
canton
de Genève, réclamant le paiement de son salaire et de ses
frais de déplacement, par 64 709 fr., ainsi que d'une indem-
nité de 192 000 fr. pour licenciement injustifié.

Par jugement du 7 septembre 1998, le Tribunal des
prud'hommes a condamné la Fondation du Grand-Théâtre de Ge-
nève à verser à la demanderesse 64 000 fr. brut à titre de
salaire, 709 fr. à titre de remboursement des frais de
voyage
et 128 000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement
immédiat
injustifié, le tout avec intérêts à 5 % dès le 20 septembre
1996.

Saisie par la défenderesse, la Chambre d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par
arrêt
du 7 juin 1999, a réformé ce jugement et condamné la Fonda-

tion du Grand-Théâtre de Genève à verser à Elena Prokina
30 000 fr. net avec intérêts à 5 % dès le 20 septembre 1996,
sous déduction du montant déjà reçu de 3141 fr.05. La cour
cantonale a considéré en substance que la demanderesse, en
raison de sa grossesse, était empêchée sans sa faute d'effec-
tuer la prestation de travail promise. Comme le rapport de
travail n'avait pas duré plus de 3 mois et n'avait pas été
conclu pour plus de 3 mois, elle en a déduit que l'employée
n'avait pas droit à son salaire (art. 324a al. 1 et 3 CO).
En
revanche, elle a estimé qu'une résiliation immédiate dans
ces
circonstances était exclue par l'art. 337 al. 3 CO et que
l'employée pouvait donc prétendre à une indemnité sur la
base
de l'art. 337c al. 3 CO.

C.- Parallèlement à un recours de droit public qui
a été rejeté par arrêt de ce jour, Elena Prokina exerce un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant une viola-
tion de l'art. 337c CO, elle soutient qu'elle a fait l'objet
d'une résiliation immédiate injustifiée, de sorte qu'elle a
droit à ce qu'elle aurait gagné si le contrat s'était pour-
suivi (art. 337c al. 1 CO), soit 64 709 fr., ainsi qu'à une
indemnité en application de l'art. 337c al. 3 CO qu'elle éva-
lue à 128 000 fr. Elle conclut donc à l'annulation de
l'arrêt
attaqué, à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui ver-
ser ces sommes avec intérêts à 6% dès le 3 novembre 1996;
subsidiairement, elle demande que la cause soit renvoyée à
l'autorité cantonale pour complément d'instruction.

L'intimée propose le rejet du recours. Elle forme
également un recours joint, demandant l'annulation de
l'arrêt
attaqué et le déboutement de sa partie adverse de toutes ses
conclusions. Elle soutient que la demanderesse a violé son
obligation de diligence et de fidélité en ne l'avisant que
tardivement de sa grossesse; elle estime en conséquence que
l'extinction du contrat était justifiée, que la recourante
principale n'a pas droit à ce qu'elle aurait gagné au vu de

l'art. 324a al. 1 CO (contrat de moins de trois mois) et que
les circonstances ne justifient pas une indemnité en applica-
tion de l'art. 337c al. 3 CO.

La recourante principale conclut au rejet du re-
cours joint.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Exercé par la partie qui a succombé partiel-
lement dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un
jugement final rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000
fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe receva-
ble, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 et
34 al. 1 let. b OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

Interjeté dans le mémoire de réponse, le recours
joint est également recevable (art. 59 al. 2 et 3 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit
de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa;

117 II 256 consid. 2a). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la dé-
cision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 123 III 246 consid.
2; 122 III 150 consid. 3).

2.- a) Selon l'accord passé entre les parties, la
demanderesse s'est engagée, moyennant rémunération, à dé-
ployer une activité personnelle pendant une certaine durée,
en obéissant aux instructions données par le metteur en
scène, le chef d'orchestre et l'éventuel chorégraphe. Une
telle convention doit manifestement être qualifiée de
contrat
individuel de travail (art. 319 al. 1 CO; cf. à ce propos
ATF
112 II 41 consid. 1a/aa p. 46).

b) Au moment où devaient avoir lieu les représenta-
tions fixées, la recourante principale aurait été enceinte
de
six à huit mois. Comme le rôle qu'elle devait jouer compor-
tait des scènes de violence physique, elle ne pouvait l'assu-
mer sans danger pour elle-même et son enfant; la cour canto-
nale a donc admis qu'il était impossible de faire jouer le
rôle à la demanderesse, compte tenu de l'avancement de sa
grossesse.

Il s'agit là de constatations de fait, qui lient le
Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al.
2
OJ).

c) Il en résulte que la recourante principale était
empêchée, sans sa faute, de fournir, pendant toute la durée
du contrat, le travail promis. Cette impossibilité entraîne
sa libération (art. 119 al. 1 CO).

S'agissant d'un contrat bilatéral, le cocontractant
est en principe également libéré de l'obligation de fournir
la contrepartie de la prestation impossible (art. 119 al. 2
CO). Cette règle ne vaut cependant que si la loi ou le con-
trat ne met pas le risque à sa charge (art. 119 al. 3 CO).

d) Pour le contrat de travail, le problème du ris-
que est régi spécialement par les art. 324a et 324b CO. La
convention conclue en l'espèce ne contient aucune
disposition
qui étendrait les droits du travailleur au-delà du régime lé-
gal (cf. art. 362 al. 1 CO).

L'hypothèse de la grossesse est envisagée par
l'art. 324a al. 3 CO, qui renvoie à la règle générale conte-
nue dans les deux alinéas précédents. L'art. 324a al. 1 CO
prévoit que si le travailleur est empêché de travailler sans
faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne,
l'employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y com-
pris une indemnité équitable pour le salaire en nature
perdu,
dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de
trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois.

Le droit au salaire n'existe donc, en pareille si-
tuation, que si le rapport de travail a duré plus d'un tri-
mestre ou s'il a été conclu pour plus d'un trimestre
(Manfred
Rehbinder, Commentaire bernois, n. 17 ad art. 324a CO; du mê-
me auteur, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 324a CO; Adrian
Staehelin, Commentaire zurichois, n. 16 et 32 ad art. 324a
CO; Frank Vischer, Der Arbeitsvertrag, in: Traité de droit
privé suisse, VII/1, III, p. 130; Jürg Brühwiler, Kommentar
zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 22, 15 et 16 ad art.
324a CO; Philippe Gnaegi, Le droit du travailleur au salaire
en cas de maladie, thèse Neuchâtel 1996, p. 44).

Cette limitation repose sur l'idée que l'employeur
doit protéger le travailleur dans l'hypothèse seulement où
ce

dernier lui montre une certaine fidélité, qui résulte de la
durée de l'emploi; en d'autres termes, il ne se justifie pas
de mettre à la charge de l'entreprise les conséquences d'une
incapacité de travail lorsque l'emploi revêt un caractère pu-
rement temporaire (Gabriel Aubert, Le droit au salaire en
cas
d'empêchement de travailler, in: Journée 1991 du droit du
travail et de la sécurité sociale, p. 86). Il est vrai que
l'auteur cité a critiqué cette règle, mais seulement de lege
ferenda; de surcroît, sa critique se fonde sur des
hypothèses
de précarité sans rapport avec la situation d'une cantatrice
d'opéra renommée.

Le législateur a clairement voulu lier l'obligation

de payer le salaire pendant un empêchement à la durée des
rapports de travail (cf. art. 324a al. 2 CO), c'est-à-dire à
l'ensemble des prestations que l'employeur a reçues ou
devait
recevoir du travailleur dans le temps. Avec l'exigence de du-
rée figurant à l'art. 324a al. 1 CO, le législateur n'a pas
souhaité que l'employeur doive payer le salaire dans un cas
où, en raison de la brièveté des rapports de travail, il ne
reçoit pratiquement aucune prestation du travailleur
empêché.

En l'espèce, le contrat n'a pas été conclu pour
plus de trois mois et il n'a pas duré plus de trois mois. En
conséquence, faute de convention spéciale, l'employeur n'est
pas tenu de payer le travailleur pendant son empêchement non
fautif.

e) Il est vrai que la recourante principale voulait
néanmoins fournir son travail. Il a cependant été constaté
en
fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 63
al.
2 OJ) - qu'elle n'était pas en état de le faire. Comme l'em-
ployeur doit manifester les égards voulus pour la santé du
travailleur (art. 328 al. 1 CO) et qu'il est tenu de prendre
les mesures commandées par les circonstances pour protéger
sa
vie, sa santé et son intégrité personnelle (art. 328 al. 2

CO), on ne saurait reprocher à un employeur de refuser le
travail offert par un employé qui, pour cause de maladie,
d'invalidité ou de grossesse, n'est pas à même de fournir sa
prestation sans danger pour lui-même.

f) La cour cantonale a estimé que l'employeur avait
résilié le contrat de travail de manière injustifiée.

Cette opinion ne peut pas être suivie.

Dans son fax du 20 septembre 1996, l'employeur
constate que la grossesse crée un problème insoluble,
qu'elle
ne permet pas une mise en scène crédible et que le rôle
exige
un engagement physique soutenu, dont il n'entend pas prendre
la responsabilité. En réalité, l'employeur s'est borné à
constater l'empêchement non fautif du travailleur; vu la na-
ture de l'empêchement et la brièveté du rapport de travail
convenu, il était évident que cette circonstance déploierait
ses effets jusqu'au terme du contrat. On reste cependant
dans
l'hypothèse déjà étudiée d'un empêchement non fautif de four-
nir le travail (cf. art. 119 et 324a CO).

Raisonner avec une résiliation revient à imputer à
l'employeur un comportement absurde. En effet, un congé ordi-
naire était d'emblée exclu, s'agissant d'un contrat de durée
déterminée (art. 334 al. 1 CO); une résiliation immédiate
pour juste motif était également exclue, puisque ne pouvait
être considéré comme tel le fait que le travailleur était
sans sa faute empêché de travailler (art. 337 al. 3 CO).
En réalité, la construction juridique adoptée a pour seul
but
d'amener l'employeur à indemniser la demanderesse (cf. art.
337c CO), en détournant l'exigence de durée contenue à
l'art.
324a al. 1 CO.

g) Il n'est pas nécessaire de trancher la question
de savoir si la recourante principale a violé ses
obligations

contractuelles en tardant à annoncer sa grossesse, car la dé-
fenderesse ne demande aucune réparation de ce fait.

h) Il reste à reprendre le décompte effectué par la
cour cantonale.

aa) Les juges cantonaux ont alloué à la demanderes-
se 5000 fr. pour les "frais de voyage et de déplacement enga-
gés".

La recourante principale n'a toutefois droit, se-
lon les clauses du contrat, qu'au remboursement du billet
d'avion Saint-Pétersbourg - Genève et retour qu'elle a effec-
tivement assumé dans l'intérêt de l'employeur, ce qui repré-
sente 709 fr.

bb) La Chambre d'appel a accordé 10 000 fr. à la
demanderesse pour le travail de préparation du rôle.

Mais la recourante principale ne peut prétendre à
une telle rémunération, car elle n'était pas prévue au con-
trat. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un emploi suppose une
formation préalable qui n'est pas prise en charge par l'em-
ployeur.

cc) La cour cantonale a estimé, sur la base de la
clause contractuelle, à 3000 fr. le montant de la rémunéra-
tion due pour les répétitions effectuées par la recourante
principale entre le 17 et le 20 septembre 1996.

Pour ce qui est des répétitions, une rémunération
était expressément stipulée. Il a été constaté en fait que
la
demanderesse avait participé à certaines répétitions. Il im-
porte peu que ce travail se révèle en définitif sans utilité
pour l'employeur, puisque le travailleur n'assume aucune
obligation de résultat. Le montant arrêté par la Chambre

d'appel n'étant pas discuté par les parties, il doit être al-
loué.

dd) L'autorité cantonale a enfin octroyé à la de-
manderesse 12 000 fr. "pour les circonstances du licencie-
ment".

Pour les raisons déjà évoquées ci-dessus, la recou-
rante principale n'a pas droit à une rémunération pour les
représentations qu'elle a été empêchée d'effectuer, et
encore
moins à une indemnité "pour les circonstances du licencie-
ment", dès lors qu'elle n'a pas été congédiée.

3.- En définitive, le recours principal doit être
rejeté, le recours joint partiellement admis et l'arrêt défé-
ré réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à
verser à la demanderesse la somme de 3709 fr. (709 + 3000)
plus intérêts à 5% dès le 20 septembre 1996, sous déduction
des 3141 fr.05 déjà payés, valeur au 25 septembre 1998. Comp-
te tenu de la valeur litigieuse, la procédure n'est pas gra-
tuite (cf. art. 343 al. 2 et 3 CO). Étant donné que le re-
cours en réforme est rejeté et le recours joint admis dans
une large mesure, les frais et dépens seront répartis, avec
compensation des dépens, en fonction de l'issue de la procé-
dure (art. 156 al. 1 et 3, art. 159 al. 1 et 3 OJ). La cause
sera renvoyée à la cour cantonale pour statuer sur les frais
de la procédure cantonale.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours principal, admet partielle-
ment le recours joint et réforme l'arrêt attaqué en ce sens
que la défenderesse est condamnée à payer à la demanderesse
la somme de 3709 fr., plus intérêts à 5% dès le 20 septembre
1996, sous déduction de 3141 fr.05 valeur au 25 septembre
1998;

2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la
charge de la demanderesse;

3. Met un émolument judiciaire de 1000 fr. à la
charge de la défenderesse;

4. Dit que la demanderesse versera à la défende-
resse une indemnité de 6500 fr. à titre de dépens;

5. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais de la procédu-
re cantonale;

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève (Cause n° C/19727/97-8).

______________

Lausanne, le 13 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.299/1999
Date de la décision : 13/01/2000
1re cour civile

Analyses

Art. 119 al. 3 et 324a al. 1 CO. Répartition des risques en cas d'impossibilité subséquente non imputable au travailleur de fournir le travail promis. En matière de contrat de travail, les effets de l'impossibilité non fautive du travailleur d'exécuter les prestations promises sont réglés par les art. 324a et 324b CO. En pareil cas, le droit au salaire du travailleur n'existe que si le rapport de travail a duré plus de trois mois ou s'il a été conclu pour plus de trois mois (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-13;4c.299.1999 ?
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