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12/01/2000 | SUISSE | N°H.350/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 janvier 2000, H.350/99


«AZA»
H 350/99 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 12 janvier 2000

dans la cause

1. M.________,
2. I.________,
recourants, tous les deux représentés par T.________

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du
commerce et de l'industrie - Association des industries
vaudoises, avenue d'Ouchy 47bis, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La

faillite de la société P.________ SA, à
R.________, a été prononcée le 9 mai 1996, puis suspendue
faute d'actifs, le 4 octobre 199...

«AZA»
H 350/99 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 12 janvier 2000

dans la cause

1. M.________,
2. I.________,
recourants, tous les deux représentés par T.________

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du
commerce et de l'industrie - Association des industries
vaudoises, avenue d'Ouchy 47bis, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La faillite de la société P.________ SA, à
R.________, a été prononcée le 9 mai 1996, puis suspendue
faute d'actifs, le 4 octobre 1996, et clôturée le
24 octobre 1996.
G.________, M.________ et I.________ ont été adminis-
trateurs de la société, notamment durant l'année 1995.

Par acte du 13 janvier 1997, la Caisse de compensation
AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du commerce et de l'indu-
strie - Association des industries vaudoises (ci-après : la
caisse) a déposé plainte pénale contre les trois adminis-
trateurs, au motif qu'ils n'avaient pas versé les cotisa-
tions retenues sur les salaires des employés de la société
en 1995. Le juge d'instruction de l'arrondissement de Lau-
sanne a rendu, le 5 juin 1997, une ordonnance de non-lieu
en faveur de ces trois personnes, considérant que les élé-
ments subjectifs de l'infraction n'étaient pas réunis.
Entre-temps, I.________ avait payé le montant de
4177 fr. 95 représentant l'intégralité de la part salariale
des cotisations paritaires non versées à la caisse par
l'employeur.
Par décisions du 8 octobre 1997, la caisse a informé
les trois administrateurs qu'elle les rendait responsables
du préjudice qu'elle avait subi dans la faillite de la
société P.________ SA, à savoir la perte de la part patro-
nale des cotisations paritaires pour 1995, et qu'elle leur
en demandait réparation, conjointement et solidairement,
jusqu'à concurrence de 9194 fr. 25.

B.- Les prénommés s'étant opposés à ces décisions, la
caisse a porté le cas devant le Tribunal des assurances du
canton de Vaud, en concluant à la levée de l'opposition.
Par jugement préjudiciel du 19 avril 1999, la Cour
cantonale a déclaré la demande en réparation «irrecevable»
en tant qu'elle était dirigée contre G.________, au motif
que la décision de réparation ne lui avait pas été noti-
fiée. En ce qui concerne I.________ et M.________, elle a
considéré que le délai de péremption ordinaire d'un année
prévu par la loi était échu, mais que le délai de péremp-
tion du droit pénal de cinq ans s'appliquait, bien que
l'action pénale ait abouti à un non-lieu en raison du paie-

ment du montant détourné. Elle a dès lors déclaré receva-
bles les demandes en tant qu'elle étaient dirigées contre
I.________ et M.________.

C.- Les prénommés interjettent recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement dont ils demandent l'annula-
tion, sous suite de frais et dépens. Ils concluent à ce que
les demandes en réparation du dommage qui les concernent
soient déclarées irrecevables.
La caisse conclut implicitement au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas dé-
terminé.

Considérant en droit :

1.- Les juges cantonaux ne se sont prononcés que sur
la question de la péremption du droit de la caisse de ré-
clamer la réparation du dommage. Aussi, le jugement attaqué
doit-il être considéré comme un jugement partiel sur le
fond, qui est une décision finale (art. 97, 98 let. g, 98a
et 128 OJ; art. 5 al. 1 PA), et non comme une décision
incidente (art. 101 let. a et 129 al. 2 OJ; art. 45 al. 1
PA). Il peut ainsi faire l'objet d'un recours de droit
administratif devant le Tribunal fédéral des assurances
(ATF 122 V 153 consid. 1 et les références).

2.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.- a) L'art. 82 RAVS règle la prescription du droit
de la caisse de compensation de demander la réparation du
dommage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le
fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année
après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas,
à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait
dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable soumis par le code pénal à un délai de prescrip-
tion de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2).
En dépit de la terminologie dont use l'art. 82 RAVS, les
délais institués par cette norme ont un caractère péremp-
toire (ATF 121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3,
118 V 195 consid. 2b et les références).

b) Par moment de la «connaissance du dommage» au sens
de l'art. 82 al. 1 RAVS, il faut entendre, en règle généra-
le, le moment où la caisse de compensation aurait dû se
rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonna-
blement exigible, que les circonstances effectives ne per-
mettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais
pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF
121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3, 118 V 195 con-
sid. 3a et les références).
Lorsque la liquidation de la faillite a été suspendue
faute d'actifs, le dommage est réputé survenu à ce moment-
là, puisqu'il s'agit du moment où, de manière officielle,
la faillite a été déclarée infructueuse (ATF 122 V 276
consid. 5b/aa, 103 V 122 consid. 4; RCC 1990 p. 305
consid. 4b).

c) En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers
juges ont considéré que la caisse est censée avoir eu con-
naissance du dommage le 4 octobre 1996, date de la publica-
tion de l'avis de suspension de la faillite faute d'actifs
dans la Feuille Officielle Suisse du Commerce et dans la
Feuille des avis officiels du canton de Vaud. Le droit de

l'intimée de demander la réparation du dommage était dès
lors périmé lorsqu'elle a rendu sa décision du 8 octobre
1997 (art. 82 al. 1 RAVS).

4.- a) Il reste à examiner si, comme l'ont admis les
premiers juges, un délai de plus longue durée, institué par
le droit pénal, s'applique dans le cas particulier, du
moment qu'une partie du dommage représente des cotisations
qui ont été détournées de leur destination par l'employeur.

b) Selon la jurisprudence, le délai de plus longue
durée de l'art. 82 al. 2 RAVS ne s'applique - en ce qui
concerne le détournement de cotisations - qu'à la part
salariale des cotisations retenues par l'employeur, mais
non versées à l'AVS (ATF 118 V 197 consid. 4a). Il remplace
le délai d'une année et son point de départ se détermine
d'après l'art. 71 CP. Par ailleurs, aux termes du même
arrêt, un acte punissable au sens de l'art. 82 al. 2 RAVS
suppose que soient réunies les conditions objectives et
subjectives de l'infraction.
Or, force est d'admettre qu'en l'occurrence deux des
éléments constitutifs de l'acte punissable font défaut.

c) En premier lieu, il semble avoir échappé à l'auto-
rité cantonale que les demandes en réparation du dommage de
la caisse ne portaient que sur la part patronale des coti-
sations paritaires, la part salariale ayant été versée par
I.________ après l'introduction de la plainte pénale. Il
découle de la jurisprudence précitée que, pour ce motif
déjà, l'on ne saurait retenir l'existence d'un acte punis-
sable au sens de l'art. 82 al. 2 RAVS.

d) En second lieu, les premiers juges ont retenu que
le délai de péremption de cinq ans institué par le droit
pénal (art. 87 al. 6 LAVS en liaison avec l'art. 70 CP)
s'appliquait en dépit du fait que la poursuite pénale in-

troduite à l'encontre de M.________, d'I.________ et de
G.________ pour non-paiement d'une partie des cotisations
retenues sur les salaires des employés de la société en
1995 avait abouti à un non-lieu en faveur des intéressés.
Ce faisant, la cour cantonale est partie de la constata-
tion, manifestement erronée, que le motif du non-lieu
résultait du paiement après coup du montant détourné. En
réalité, le juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne a constaté que seul M.________ avait reçu les
sommations de la caisse, qu'il a confondu la question des
cotisations AVS avec celle des allocations familiales, que
ni I.________, ni M.________ n'avaient l'intention de dé-
tourner des cotisations sociales et que dès lors, les élé-
ments subjectifs de l'infraction n'étaient à l'évidence pas
réalisés.
Lorsqu'il s'agit de trancher le point de savoir si la
créance en réparation dérive d'un acte punissable, pour
l'application éventuelle de la péremption de plus longue
durée réservée par l'art. 82 al. 2 RAVS, le juge des assu-
rances sociales est lié par le jugement pénal (ATF
118 V 198 consid. 4a et les références; Greber/Duc/Scartaz-
zini, Comm. des articles 1 à 16 de la LAVS, n. 10 ad
art. 16 LAVS; Frésard, Les développements récents de la
jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances relative à
la responsabilité de l'employeur selon l'art. 52 LAVS, RSA
1991, no 16 p. 168). Cela vaut aussi dans le cas d'une
ordonnance de non-lieu passée en force (arrêt non publié R.
du 14 juillet 1988, H 110/87; Frésard, ibidem).
Il en découle, dans le cas particulier, que c'est à
tort que l'autorité cantonale a substitué sa propre appré-
ciation aux constatations résultant de l'ordonnance de
non-lieu du 5 juin 1997.
Dès lors que le juge pénal a considéré que les élé-
ments subjectifs de l'infraction faisaient défaut, les

conditions de l'acte punissable au sens de l'art. 82 al. 2
RAVS ne sont pas réunies (ATF 118 V 198 consid. 4a et les
références).
Sur le vu de ce qui précède, le moyen tiré de la pé-
remption du droit de la caisse de compensation est bien
fondé et le recours doit être admis.

5.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). La caisse
intimée, qui succombe, supportera les frais de justice
(art. 156 al. 1 OJ).
Pour le même motif, elle est redevable d'une indemnité
de dépens aux recourants (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le ch. II du juge-
ment du 19 avril 1999 du Tribunal des assurances du
canton de Vaud est annulé et qu'il est constaté que
les demandes en réparation de la caisse du 8 octobre
1997 dirigées contre M.________ et I.________ sont
périmées.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 1000 fr.,
sont mis à la charge de l'intimée.

III. L'avance de frais versée par les recourants, d'un
montant de 1000 fr., leur est restituée.

IV. L'intimée versera aux recourants la somme de 2500 fr.
à titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 janvier 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.350/99
Date de la décision : 12/01/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-12;h.350.99 ?
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