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11/01/2000 | SUISSE | N°C.217/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 janvier 2000, C.217/99


«AZA»
C 217/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 11 janvier 2000

dans la cause

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Mont-
brillant 40, Genève, recourante,

contre

A.________, intimée, représentée par M.________, avocat,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Inscrite au chômage depuis le mois d'octobre 1996,
A.________ a travaillé comme ser

veuse au «Centre
X.________», du 1er janvier au 25 avril 1998, les vendredi
et samedi de 22h 00 à 2h 00.

Elle n'a pas annoncé à l'...

«AZA»
C 217/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 11 janvier 2000

dans la cause

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Mont-
brillant 40, Genève, recourante,

contre

A.________, intimée, représentée par M.________, avocat,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Inscrite au chômage depuis le mois d'octobre 1996,
A.________ a travaillé comme serveuse au «Centre
X.________», du 1er janvier au 25 avril 1998, les vendredi
et samedi de 22h 00 à 2h 00.

Elle n'a pas annoncé à l'assurance-chômage l'existence de
cette activité, qui a été mise à jour à la suite d'une en-
quête de l'Office cantonal genevois de l'emploi (l'office).
Invitée par l'office à s'expliquer sur son silence,
l'assurée a exposé que l'activité en cause était fictive,
en ce sens qu'elle n'était pas rémunérée et avait en
réalité pour seule fin de lui permettre de passer du temps
en compagnie de son ami, qui gère le «Centre X.________»,
sans éveiller les soupçons de l'épouse de celui-ci et des
clients. Également entendu par l'office, le gérant du
centre a confirmé les déclarations de l'assurée.
Par décision du 11 juin 1998, la Caisse cantonale
genevoise de chômage (la caisse) a prononcé à l'égard de
celle-ci une suspension de son droit aux indemnités d'une
durée de 50 jours, motif pris qu'elle avait violé l'obli-
gation de renseigner et d'aviser en ne disant rien de son
activité de serveuse. Dans ses décomptes d'avril et mai
1998, la caisse a retenu respectivement 1830 fr. et
1333 fr. sur les indemnités journalières afférentes à ces
mois, en compensation du gain intermédiaire fictif que
l'assurée aurait réalisé si elle avait exercé son activité
de serveuse contre rémunération.
Saisi d'une réclamation de l'assurée, qui contestait
tant la suspension de son droit aux indemnités que la prise
en compte d'un gain intermédiaire fictif pour son activité
de serveuse, le Groupe réclamations de l'Office cantonal de
l'emploi a réduit la durée de la suspension à 2 jours (dé-
cision du 14 octobre 1998) et confirmé le bien-fondé des
décomptes des indemnités de chômage des mois d'avril et mai
1998 (décision du 15 octobre 1998).

B.- A.________ a recouru contre ces deux décisions
devant la Commission cantonale genevoise de recours en
matière d'assurance-chômage, en concluant à la levée de la
suspension du droit aux indemnités prononcée à son égard et
à ce qu'il fût constaté qu'elle n'était pas tenue de
restituer des indemnités de chômage.

Par jugement du 28 janvier 1999, les juges cantonaux
ont entièrement fait droit aux conclusions de l'assurée. En
bref, ils ont considéré que, du moment que cette dernière
avait travaillé bénévolement comme serveuse sans même que
la possibilité d'obtenir une rémunération existât (vu les
faibles ressources de l'employeur), on ne pouvait ni lui
réclamer la restitution des indemnités de chômage versées
durant son activité bénévole, ni lui faire grief d'avoir
violé son obligation de renseigner et d'aviser la caisse.

C.- La caisse interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant à son annulation.
L'intimée conclut au rejet du recours, tandis que le
Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) ne s'est pas déter-
miné à son sujet.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte tout d'abord sur la suspension du
droit à l'indemnité de l'intimée.

a) Selon l'art. 30 al. 1 LACI, le droit de l'assuré à
l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-
ci :

a. (...)
b. A renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou
d'indemnisation envers son dernier employeur, cela au
détriment de l'assurance;
c. (...)
d. (...)
e. A donné des indications fausses ou incomplètes ou a
enfreint, de quelque autre manière, l'obligation de
fournir des renseignements spontanément ou sur demande
et d'aviser, ou
f. A obtenu ou tenté d'obtenir indûment l'indemnité de
chômage;
g. (...)

b) La recourante soutient que l'intimée a violé
l'art. 30 al. 1 let. e et f LACI en ne l'informant pas de
son emploi de serveuse : régulièrement exercé pendant
quatre mois, celui-ci dépassait le cadre d'une simple occu-
pation occasionnelle ou d'un service rendu et devait être
assimilé à une relation de travail, nonobstant l'absence de
rémunération.
De son côté, l'intimée insiste sur le fait qu'elle n'a
pas été rémunérée et que l'emploi en cause était en réalité
un «simulacre» destiné à dissimuler la nature véritable de
ses relations avec le gérant du «Centre sportif de bil-
lard». Aussi bien considère-t-elle qu'elle n'était pas
tenue d'annoncer cette activité à la caisse.

c) Dans un arrêt non publié K. du 28 février 1997
(C 263/96), la Cour de céans a posé les critères permettant
de déterminer quand une activité exercée bénévolement ou à
titre de pure complaisance doit être assimilée à un rapport
de travail au sens de l'art. 10 al. 1 LACI. Selon cet arrêt
(consid. 1), tel sera le cas s'il y a un contrat impliquant
des droits et des obligations réciproques des parties ou
si, conformément à la présomption posée à l'art. 320 al. 2
CO, un salaire ou une rémunération sont normalement dus
pour le travail fourni au regard de l'ensemble des cir-
constances ou des usages professionnels et locaux.
En l'occurrence, il faut admettre avec la recourante
que le gérant du centre a accepté de l'intimée l'exécution
d'un travail qui, au vu notamment de sa nature (service des
clients de l'établissement, encaissement...), de sa durée
(quatre mois) et de sa régularité (deux soirs par semaine),
ne devait être fourni que contre un salaire; en consé-
quence, l'existence d'un contrat de travail au sens de
l'art. 10 al. 1 LACI doit être présumée conformément à
l'art. 320 al. 2 CO. Il est à noter que la nature des
relations unissant l'intimée au gérant de l'établissement
ne change rien à la pertinence de cette présomption, qui

vaut également, selon le Tribunal fédéral, en cas de
travail fourni dans le cadre d'un rapport de concubinage
(arrêt non publié F. du 23 août 1999 [4C.89/1999], con-
sid. 2).

d) Pourtant, si l'intimée, comme elle l'allègue et
comme cela paraît vraisemblable, n'a pas fait valoir de
prétention de salaire envers son ami et employeur, son
comportement ne tombe pas sous le coup de l'art. 30 al. 1
let. e ou f LACI ainsi que le soutient la recourante, mais
devrait bien plutôt être sanctionné en application de
l'art. 30 al. 1 let. b en liaison avec l'art. 11 al. 3
LACI. Encore faudrait-il que la renonciation au salaire ne
se justifiât par aucun motif suffisant (DTA 1996/97 no 21
p. 120 consid. 7a; Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung,
in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale
Sicherheit, ch. 699). Or, sur le vu des circonstances très
particulières du cas d'espèce, notamment des raisons qui
ont amené l'intimée à travailler gratuitement pour son ami,
il apparaît plutôt qu'aucun motif de suspension n'est réa-
lisé dans son cas, de sorte que sur ce point le recours
doit être rejeté.

2.- Il reste à examiner si la caisse pouvait imputer
un gain intermédiaire fictif sur les indemnités de chômage
des mois d'avril et mai 1998 et compenser les deux sommes.

a) Aux termes de l'art. 24 al. 1 LACI, est réputé
intermédiaire tout gain que le chômeur retire d'une
activité salariée ou indépendante durant une période de
contrôle. L'assuré a droit à une compensation de la perte
de gain pour les jours où il réalise un gain intermédiaire
(al. 2, 1ère phrase). Est réputée perte de gain la diffé-
rence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce
dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux
usages professionnels et locaux (al. 3, 1ère phrase).

Par ailleurs, selon l'art. 11 al. 3 LACI, les indem-
nités de chômage ne sont pas dues, notamment pour les pé-
riodes où le chômeur a droit au salaire. En pareil cas,
l'art. 95 al. 1 première phrase LACI prescrit la restitu-
tion des indemnités de chômage.

b) Ainsi qu'on l'a vu, l'intimée a renoncé au salaire
que l'activité de serveuse exercée du 1er janvier au
25 avril 1999 lui permettait de prétendre.
C'est donc à bon droit que la caisse a pris en compte,
en vertu de l'art. 24 LACI, le gain intermédiaire que l'in-
timée est présumée avoir réalisé durant cette période et
dont elle aurait dû réclamer le paiement à son employeur.
En revanche, la façon dont la caisse s'y est prise
pour récupérer les prestations indues est contraire à la
loi. En effet, comme l'a constaté l'autorité inférieure de
recours dans sa décision sur réclamation du 15 octobre
1998, sans toutefois en tirer les conséquences juridiques,
la recourante devait rendre une décision formelle pour
fixer, d'une part le montant du gain intermédiaire qui doit
être déduit des indemnités perçues par l'intimée (art. 24
LACI) et, d'autre part, la somme que cette dernière est
tenue de restituer (art. 95 al. 1 LACI). Car, faute d'une
telle décision, l'intimée se trouve privée du droit de
contester par la voie d'un recours le principe et le mon-
tant de la créance en restitution et perd, par ailleurs, la
possibilité de demander la remise de l'obligation de resti-
tuer les indemnités de chômage touchées indûment (cf. DTA
1977 no 19 p. 90).

c) Aussi convient-il d'annuler le jugement attaqué
dans la mesure où la juridiction cantonale «invite la
caisse à verser les indemnités retenues» et de renvoyer le
dossier de la cause à la recourante afin qu'elle rende une
décision conformément au considérant qui précède.

3.- L'intimée obtient partiellement gain de cause, le
jugement attaqué étant confirmé en ce qui concerne la sus-
pension de son droit aux indemnités. Représentée par un
avocat, elle a par conséquent droit à une indemnité réduite
de dépens (art. 159 en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement du
28 janvier 1999 de la Commission cantonale genevoise
de recours en matière d'assurance-chômage est annulé
dans la mesure où il «invite la caisse à verser les
indemnités retenues», la cause étant renvoyée à la
caisse pour qu'elle procède conformément aux consi-
dérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La recourante versera à l'intimée une indemnité de
dépens de 1000 fr. pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage et au Secrétariat d'Etat à l'éco-
nomie.

Lucerne, le 11 janvier 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.217/99
Date de la décision : 11/01/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-11;c.217.99 ?
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