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11/01/2000 | SUISSE | N°4C.227/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 janvier 2000, 4C.227/1999


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4C.227/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier:
M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Enrico
Monfrini, avocat à Genève,

et

B.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Emmanuel Stauffer, avocat à Genève;

(contrat

de bail; sous-location; gestion d'affaires)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par co...

«»

4C.227/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier:
M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Enrico
Monfrini, avocat à Genève,

et

B.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Emmanuel Stauffer, avocat à Genève;

(contrat de bail; sous-location; gestion d'affaires)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par contrat du 29 octobre 1984, A.________ a
cédé à B.________ un établissement public, à l'enseigne
"Café
A.________", qu'il exploitait dans un immeuble lui apparte-
nant. Cette vente, convenue pour le prix de 400 000 fr., com-
prenait le mobilier, le matériel et l'agencement se trouvant
dans l'établissement public, ainsi que le fonds de commerce
et le droit à l'enseigne.

Le 30 novembre 1984, les mêmes parties ont signé un
contrat de bail par lequel A.________ cédait à B.________,
pour une durée initiale de 10 ans (soit jusqu'au 31 décembre
1994), l'usage des locaux servant à l'exploitation du café
en
question, moyennant un loyer mensuel de 1200 fr. Le droit de
sous-louer l'établissement public était accordé au
locataire.
Dans cette convention, les parties ont tenu compte de l'in-
tention du propriétaire d'entreprendre des travaux de rénova-
tion dans tout l'immeuble à l'échéance du bail (31 décembre
1994). Aussi le locataire s'est-il engagé à suspendre l'ex-
ploitation de son commerce pendant la durée de ces travaux
(art. 14), tandis que le bailleur lui a donné l'assurance
qu'il lui remettrait à bail les locaux rénovés (art. 15).
Relativement à ceux-ci, l'art. 17 du contrat de bail pré-
voyait ce qui suit:

"Si le locataire renonce aux nouveaux locaux, par
exemple en cas de désaccord sur le nouveau prix du
loyer, il devra en informer le bailleur au plus
tard trois mois après avoir reçu la proposition du
bailleur de relouer. Passé ce délai, le bailleur
pourra se considérer comme libéré de son engagement
stipulé à l'art. 15 al. 1.
Dans ce cas, et ce sous réserve de l'obtention de
l'autorisation d'exploiter, le propriétaire s'enga-
ge à acheter le fonds de commerce tel qu'il a été
défini au préambule du bail, pour le prix de

Frs 350'000.- (...), payable au comptant.
Le locataire est libre d'accepter ou de refuser
l'offre ci-dessus. En cas de refus de sa part, le
propriétaire est libéré de son engagement, mais par
contre il s'engage à accorder un nouveau bail à un
tiers acquéreur pour autant que la solvabilité et
la moralité du preneur éventuel soient prouvées."

Le "Café A.________" est devenu "X.________". Le
loyer mensuel a été porté à 1325 fr. dès janvier 1990, puis
à
1485 fr. dès janvier 1992.

b) B.________ a exploité personnellement l'établis-
sement pendant deux ans. De fin 1986 jusqu'au 31 décembre
1991, il l'a sous-loué à C.________ contre paiement d'un so-
us-loyer mensuel de 6000 fr. ainsi que d'une redevance de
gérance de 10 000 fr. par mois les trois premières années et
de 11 000 fr. par la suite. Du mois de janvier 1992 jusqu'au
30 juin 1996, l'établissement a été sous-loué à E.________
(lequel s'était associé avec D.________), qui payait chaque
mois une redevance de gérance de 11 000 fr. et un sous-loyer
de 6000 fr.

c) Par avis du 8 décembre 1992, A.________ a ré-
silié le bail de B.________ pour le 31 décembre 1994. Il s'y
référait à une lettre dans laquelle il disait avoir appris,
à
sa grande surprise, que le locataire sous-louait les locaux
en cause pour un loyer mensuel abusif. Ce premier avis a été
suivi d'un autre, notifié le 17 février 1993 et fondé sur
l'art. 257f CO, par lequel le locataire s'est vu signifier
un
nouveau congé, mais, cette fois, avec effet au 31 mars 1993.
La validité, contestée, du congé donné pour cette dernière
date a été constatée en dernière instance cantonale par
arrêt
de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton
de Genève rendu le 12 décembre 1994. Statuant le 31 mai
1995,
le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de
droit
public formé par B.________ contre cet arrêt.

L'évacuation de B.________ a été ordonnée par ju-
gement du 20 mars 1996 du Tribunal des baux et loyers, décla-
ré exécutoire le 1er octobre 1996.

B.________ a payé à A.________ un montant mensuel
de 1485 fr. (équivalent du loyer) du 31 mars 1993 au 30 sep-
tembre 1996; A.________ n'a pas accepté sans conditions les
sommes versées par son ex-locataire.

Le 1er juillet 1996, A.________ a remis l'établis-
sement public en gérance à D.________, qui lui a payé une
redevance mensuelle de 13 000 fr., étant précisé que le bail-
leur a équipé l'établissement à neuf, à ses frais.

B.- Le 23 février 1996, A.________ a assigné
B.________ en paiement de 527 710 fr., plus intérêts, à
titre
d'indemnité pour occupation illicite, et de 17 000 fr. par
mois tant que durerait cette occupation illicite. Il a modi-
fié par la suite sa demande pour en arrêter finalement le
montant à 605 085 fr., intérêts en sus.

Le défendeur a conclu au rejet de la demande et,
reconventionnellement, à la condamnation du demandeur au
paiement de 350 000 fr., somme correspondant au prix de ra-
chat du commerce, tel que stipulé dans le contrat de bail.

Par jugement du 2 mars 1998, le Tribunal des baux
et loyers du canton de Genève a débouté les deux parties de
leurs conclusions respectives.

Statuant par arrêt du 12 avril 1999, sur appel de
chacune des parties, la Chambre d'appel en matière de baux
et
loyers a confirmé le jugement de première instance en tant
qu'il rejetait la demande principale, réformé partiellement
ce jugement dans la mesure où il rejetait intégralement la

demande reconventionnelle et condamné le demandeur à payer
au
défendeur la somme de 4455 fr., plus intérêts.

C.- Les deux parties interjettent un recours en ré-
forme au Tribunal fédéral. Le demandeur conclut à ce que le
défendeur soit condamné à lui verser 605 085 fr. avec inté-
rêts à 5% dès le 1er juillet 1996. De son côté, le défendeur
conclut à ce que le demandeur soit condamné à lui payer la
somme de 350 000 fr. et les intérêts y afférents courant dès
le 1er octobre 1996.

Chaque partie propose le rejet du recours de son
adversaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

I. Recours du demandeur

1.- a) Selon la cour cantonale, les relations con-
tractuelles nouées par le locataire avec son gérant (et sous-
locataire) constituaient une res inter alios acta pour le
bailleur. Par conséquent, si ce dernier avait certes résilié
le bail à bon droit, vu le caractère abusif du sous-loyer,
il
ne subissait un dommage qu'en rapport avec l'occupation illi-
cite des locaux mis à la disposition du locataire, mais en
aucun cas relativement à la redevance mensuelle payée par le
gérant au défendeur, étant donné que celui-ci lui avait
versé
400 000 fr. pour la reprise de son commerce.

Quant au dommage résultant de la non-restitution
des locaux, la Chambre d'appel est d'avis que, pour la pério-
de antérieure au 1er juin 1995, date à laquelle le jugement

constatant la fin des relations contractuelles serait entré
en force, le demandeur ne peut réclamer qu'une indemnité
pour
occupation illicite des locaux égale au montant du loyer con-
venu et payé par le défendeur, dès lors qu'il n'était pas en
mesure de disposer des locaux jusqu'à droit connu sur la va-
lidité du congé contesté. Pour la période allant du 1er juin
1995 au 1er juillet 1996, soit jusqu'à la restitution effec-
tive des locaux, le demandeur aurait pu obtenir une
indemnité
pour occupation illicite supérieure au montant du loyer con-
venu, s'il avait établi qu'il aurait pu louer les locaux à
des conditions plus favorables pour lui durant cette
période.
Or, il n'a pas fourni la moindre preuve à ce sujet, raison
pour laquelle la cour cantonale considère que le défendeur
ne
lui doit plus rien.

b) Le demandeur fait grief aux juges précédents de
ne pas avoir appliqué les règles sur la gestion d'affaires
(art. 419 ss CO). Se fondant sur l'art. 423 al. 1 CO, il sou-
tient que le défendeur, qui s'est maintenu de manière illici-
te dans les locaux après la fin du bail, doit restituer au
propriétaire de ceux-ci les gains que lui a procurés cette
usurpation de la chose d'autrui. A l'en croire, ces gains
représenteraient 17 000 fr. par mois (6000 fr. de sous-loyer
et 11 000 fr. de redevance) pour la période du 31 mars 1993
au 30 juin 1996, soit un total de 663 000 fr., sur lequel il
conviendrait d'imputer les indemnités mensuelles pour occupa-
tion illicite versées par le défendeur durant la même pério-
de, à savoir 57 915 fr. (1485 fr. x 39 mois). Il
subsisterait
un solde de 605 085 fr. à payer par le défendeur.

2.- Il y a lieu d'examiner si le défendeur, en con-
tinuant à sous-louer l'établissement public et à percevoir
des redevances après l'échéance du bail principal arrêtée au
31 mars 1993, a revêtu la qualité de gérant d'affaires du
bailleur et si l'art. 423 al. 1 CO lui est applicable.

a) Aux termes de cette disposition, lorsque la ges-
tion n'a pas été entreprise dans l'intérêt du maître, celui-
ci n'en a pas moins le droit de s'approprier les profits qui
en résultent.

Il est généralement admis que l'art. 423 al. 1 CO
s'applique à la gestion d'affaires imparfaite de mauvaise
foi. La gestion d'affaires est qualifiée d'imparfaite lors-
qu'elle est entreprise non dans l'intérêt du maître, mais
dans celui du gérant ou d'un tiers. Elle est dite "de mauvai-
se foi" lorsque son auteur sait ou devrait savoir qu'il s'im-
misce dans la sphère d'autrui sans avoir de motif pour le
faire. Le gérant agit de manière illicite; il commet un acte
d'usurpation (Geschäftsanmassung; cf., parmi d'autres: Ter-
cier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 4510 et 4511; Jörg
Schmid, Commentaire zurichois, n. 13 ss et 36 ad art. 423
CO).

Ce genre d'usurpation est reconnu, notamment, en
cas d'atteinte (Eingriff) aux droits réels d'autrui (utilisa-
tion sans droit de la chose d'autrui); il l'est aussi en cas
d'atteinte aux droits patrimoniaux d'autrui, lorsque
l'auteur
retire un profit de la violation d'une obligation ou d'une
interdiction (Tercier, op. cit., n. 4513 et 4516; Schmid,
op.
cit., n. 41 et 69 ss ad art. 423 CO).

b) Le cas de la violation d'une interdiction de
sous-louer ou de la sous-location conclue en violation du
contrat de bail est controversé.

Dans une jurisprudence ancienne (ATF 39 II 702 con-
sid. 4 et 5), le Tribunal fédéral a posé notamment que la
sous-location contraire à la loi ou au contrat n'implique
pas
une gestion des affaires du bailleur par le locataire, car,
en sous-louant d'une manière illicite, ce dernier ne s'immis-

ce pas dans la fortune du bailleur ni ne dispose des biens
de
celui-ci, dès lors que, en vertu du contrat de bail, le
droit
d'utiliser la chose louée a passé du bailleur au locataire,
de sorte que le bailleur ne peut plus faire d'affaires à ce
sujet. Le Tribunal fédéral a cependant alloué une indemnité
au bailleur, au motif que l'action qu'il intentait était
plutôt l'action spéciale en dommages-intérêts appartenant à
la partie lésée qui demande le maintien du contrat. Ce refus
d'appliquer les règles sur la gestion d'affaires dans une
telle situation a été approuvé par quelques auteurs (cf., à
ce sujet, les indications de Schmid, op. cit., n. 78 ad art.
423 CO), ainsi que par un arrêt de l'Obergericht d'Appenzell
Rhodes-Extérieures du 21 octobre 1980 partiellement
reproduit
in RSJ 78/1982, p. 205, n. 37.

Toutefois, une telle manière de voir n'apparaît
nullement convaincante et ne saurait être maintenue. Elle a
d'ailleurs été critiquée par plusieurs auteurs (cf., sur ce
point, Schmid, op. cit., n. 79). Force est d'admettre, à
l'instar de ceux-ci, que le locataire ne peut user de la cho-
se louée que dans le respect du contrat, partant qu'une sous-
location non autorisée implique une atteinte à la sphère ju-
ridique du bailleur; de fait, le locataire "empiète sur le
patrimoine" du bailleur en sous-louant et gère ainsi l'affai-
re de ce dernier (Christine Chappuis, La restitution des pro-
fits illégitimes, thèse Genève 1991, p. 134). Il faut en con-
clure que l'art. 423 al. 1 CO est applicable dans un tel
cas.
Semblable conclusion est conforme à la ratio legis de cette
disposition, qui est d'éviter qu'un acte illicite puisse pro-
fiter à celui qui le commet et de sanctionner un
comportement
que le droit ne saurait tolérer; lorsqu'un profit est
réalisé
au moyen du patrimoine d'autrui, il doit revenir au
titulaire
de ce patrimoine, et non à l'auteur de l'acte (Chappuis, op.
cit., p. 142/143).

c) Sur le vu de ces principes, il convient d'admet-
tre, en l'espèce, qu'en sous-louant les locaux abritant
l'établissement public postérieurement au 31 mars 1993 -
date
pour laquelle il a été reconnu judiciairement que le bail
principal avait été valablement résilié -, le défendeur a ac-
compli un acte de gestion d'affaires imparfaite. Il s'est im-
miscé dans le droit du bailleur de jouir des locaux et de
les
remettre à bail. Il a agi de mauvaise foi, car il devait à
tout le moins savoir, dès la résiliation du bail, qu'il com-
mettait un acte d'immixtion, comme l'a confirmé le jugement
qui a admis la validité formelle et matérielle du congé avec
effet au 31 mars 1993.

L'article 423 al. 1 CO est donc applicable et le

demandeur a le droit de s'approprier les profits qui résul-
tent de cette immixtion. Ces profits ne sont autres que le
produit de la sous-location, soit les 6000 fr. encaissés
chaque mois par le défendeur du 1er avril 1993 au 30 juin
1996, c'est-à-dire pendant 39 mois, ce qui fait un total de
234 000 fr. Ce montant sera alloué au demandeur, sous déduc-
tion des 42 mensualités de 1485 fr. que le défendeur a
payées
du 1er avril 1993 au 30 septembre 1996, soit 62 370 fr. Le
montant octroyé au demandeur au titre des gains procurés par
la sous-location sera dès lors arrêté à 171 630 fr.

d) La solution sera différente et nuancée en ce qui
concerne le sort des profits réalisés par le défendeur grâce
à la gérance qu'il a confiée à ses sous-locataires
successifs
moyennant une redevance de 11 000 fr. par mois.

Propriétaire du fonds de commerce, qu'il avait ac-
quis en versant 400 000 fr. au demandeur, le défendeur, en
en
confiant la gérance à des tiers, ne s'est pas immiscé dans
des droits du demandeur et, de la sorte, a géré sa propre af-
faire. On ne se trouve donc pas dans un cas de gestion d'af-

faires, du moins pour la période allant jusqu'au 31 décembre
1994.

La situation est, en revanche, différente pour la
période postérieure à cette date. Dans le contrat de bail du
30 novembre 1984 (art. 17), le demandeur s'était, en substan-
ce, engagé à racheter au défendeur le fonds de commerce pour
le prix de 350 000 fr., si le locataire renonçait à relouer
les locaux qui devaient être rénovés à l'échéance du bail
(31
décembre 1994). La résiliation du bail a eu pour effet de
placer les parties dans la même situation que celle qui se
fût présentée en cas de renonciation à la conclusion d'un
nouveau bail par le défendeur. Aussi est-ce en fonction de
ce
nouvel état de choses qu'il faut interpréter le contrat et
examiner la question de l'immixtion du défendeur dans les
droits du demandeur et celle de l'appropriation des profits
pouvant en résulter.

En vertu du contrat, le demandeur avait le droit de
racheter le fonds de commerce et, partant, de le mettre en
gérance à son profit. En le mettant lui-même en gérance,
pour
son propre profit, le défendeur s'est immiscé de manière il-
licite dans les droits du demandeur, accomplissant, ce fai-
sant, un acte de gestion d'affaires imparfaite. En applica-
tion de l'art. 423 al. 1 CO, le demandeur est, par consé-
quent, en droit de s'approprier les profits générés par
cette
immixtion illicite. Ces profits correspondent aux redevances
mensuelles de 11 000 fr. que le défendeur a encaissées 18
fois entre le 1er janvier 1995 et le 30 juin 1996, date à la-
quelle le demandeur a remis l'établissement public en
gérance
pour son propre compte, soit un total de 198 000 fr.

e) En définitive, le demandeur a droit à un total
de 369 630 fr. Pour calculer le profit qui doit lui revenir,
il faudra évidemment tenir compte du prix de rachat du fonds

de commerce (350 000 fr.) qu'il aurait dû verser au défen-
deur, en vertu de l'art. 17 du contrat de bail. Cependant,
le
problème soulevé par ces 350 000 fr. sera traité ci-après, à
l'occasion de l'examen du recours du défendeur, lequel porte
précisément sur ce montant-là.

II. Recours du défendeur

3.- a) La Chambre d'appel estime que l'obligation
de rachat du fonds de commerce, stipulée à l'art. 17 du con-
trat de bail, ne serait devenue effective qu'en cas de réno-
vation des locaux à l'échéance ordinaire du bail, soit le 31
décembre 1994, condition non réalisée en l'occurrence. Elle
considère, au demeurant, que l'offre de rachat ne pouvait
déployer ses effets que si le défendeur renonçait à l'exploi-
tation des locaux, ce qui n'a pas été le cas puisqu'il s'y
est maintenu sans droit (par le truchement de son gérant) du
31 mars 1993 au 30 juin 1996 et qu'il a perçu, durant ce
laps
de temps, 330 000 fr. de redevances, sans compter le produit
de la sous-location. Pour le surplus, les juges précédents
sont d'avis que le défendeur a largement amorti le prix
d'achat de ce fonds de commerce en prélevant pendant 9 ans
et
6 mois un total de 684 000 fr. de sous-location, outre la re-
devance due par le gérant. Tels sont les motifs qui les ont
amenés à rejeter, pour l'essentiel, la demande reconvention-
nelle.

La cour cantonale a cependant ordonné la restitu-
tion au défendeur d'un trop-perçu de trois mois de loyer, re-
présentant 4455 fr. au total, pour la période du 1er juillet
au 30 septembre 1996.

b) Dans son recours, le défendeur reproche à la
Chambre d'appel de n'avoir pas interprété et complété les
contrats de remise de commerce et de bail à loyer conformé-
ment aux art. 2 et 18 CO. Il soutient, en substance, que, du
moment que le fonds de commerce avait été acheté, il ne pou-
vait être repris à la fin du bail que contre paiement d'un
prix, quel que fût le motif de la résiliation du bail.

4.- Si l'on interprète l'article 17 du contrat de
bail du 30 novembre 1984, selon le principe de la confiance
et en fonction du but visé par les parties, force est d'ad-
mettre, en harmonie avec la solution retenue dans le cadre
du
recours du demandeur, que l'intention des cocontractants
était bien d'accorder au demandeur un droit de rachat du
fonds de commerce, assorti d'une obligation de paiement du
prix convenu. Il faut donc considérer, comme cela a été fait
lors de l'examen du recours du demandeur, qu'ensuite de la
résiliation du bail, les parties se sont trouvées dans la mê-
me situation que celle résultant d'une renonciation à la con-
clusion d'un nouveau bail par le défendeur.

Cela étant, le demandeur doit bien au défendeur le
prix convenu de 350 000 fr., sans quoi le premier, qui a ef-
fectivement repris le fonds de commerce et en tire profit,
serait enrichi sans cause. L'arrêt attaqué devra donc être
réformé dans ce sens.

III. Intérêts, frais et dépens

5.- a) Pour le point de départ des intérêts, les
dates indiquées dans les mémoires de recours respectifs pa-
raissent correctes, voire quelque peu défavorables aux par-
ties. Elles peuvent ainsi être adoptées.

b) Quant à la question des frais et dépens, il se
justifie de la traiter globalement en fonction du résultat
final. A cet égard, on relèvera que le demandeur se voit al-
louer 369 630 fr. au lieu de zéro, mais que ses conclusions
s'élevaient à 605 085 fr. Quant au défendeur, il se voit al-
louer la totalité de ses conclusions au lieu de zéro. Le ré-
sultat global final est constitué par une différence de
19 630 fr. en faveur du demandeur (369 630 fr. - 350 000
fr.).
Par rapport aux chiffres des conclusions, le demandeur subit
une défaite plus importante que le défendeur, mais ce
dernier
voit tout de même son débit augmenter de 19 630 fr.

Dans ces conditions, et tout bien considéré, il y a
lieu de compenser les dépens.

c) En revanche, l'émolument judiciaire doit être
fixé séparément pour chacun des recours, eu égard au montant
différent des conclusions prises par les parties et aux avan-
ces de frais, elles aussi différentes, qui ont été réclamées
à chacune d'elles. Cela étant, s'agissant du recours du de-
mandeur, un émolument de 2000 fr. sera mis à la charge de ce-
lui-ci et un émolument de 6000 fr. à celle du défendeur;
pour
le recours du défendeur, le demandeur devra payer seul un
émolument de 6000 fr.

Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la Chambre
d'appel pour qu'elle modifie les frais et dépens de la procé-
dure cantonale.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours du demandeur. Ré-
forme l'arrêt attaqué en ce sens que B.________ est le débi-
teur de A.________ de la somme de 369 630 fr. avec intérêts
à
5 % dès le 1er juillet 1996;

2. Admet le recours du défendeur. Réforme l'arrêt
attaqué en ce sens que A.________ est le débiteur de
B.________ de la somme de 350 000 fr. avec intérêts à 5 %
dès
le 1er octobre 1996;

3. Pour le recours du demandeur, met un émolument
judiciaire de 8000 fr. à la charge des parties à raison de
2000 fr. à la charge du demandeur et de 6000 fr. à la charge
du défendeur;

Pour le recours du défendeur, met un émolument
judiciaire de 6000 fr. à la charge du demandeur;

4. Compense les dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux et loyers du canton de Genève.

_________

Lausanne, le 11 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.227/1999
Date de la décision : 11/01/2000
1re cour civile

Analyses

Contrat de bail; sous-location (art. 262 CO). Gestion d'affaires imparfaite (art. 423 al. 1 CO). Le locataire qui continue de sous-louer les locaux après l'extinction du bail principal doit restituer au bailleur les profits résultant de cette gestion d'affaires imparfaite (changement de jurisprudence; consid. 2a et b). Calcul des profits réalisés par le locataire qui ne restitue pas en temps voulu au bailleur un établissement public dont il a acquis le fonds de commerce et qu'il a mis en gérance (consid. 2c/d et 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-11;4c.227.1999 ?
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