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05/01/2000 | SUISSE | N°2A.413/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 janvier 2000, 2A.413/1999


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2A.413/1999

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
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5 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Hungerbühler, R. Müller et Meylan, suppléant.
Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

B.________, née le 9 avril 1961, représentée par Me Monica
Kohler, avocate à Genève,

contre

la décision prise le 20 avril 1999 par la Commission canto-
nal

e de recours de police des étrangers du canton de Genève,
dans la cause qui oppose la recourante à l'Office cantonal
de...

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2A.413/1999

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

5 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Hungerbühler, R. Müller et Meylan, suppléant.
Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

B.________, née le 9 avril 1961, représentée par Me Monica
Kohler, avocate à Genève,

contre

la décision prise le 20 avril 1999 par la Commission canto-
nale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
dans la cause qui oppose la recourante à l'Office cantonal
de la population du canton de G e n è v e;

(art. 7 LSEE; abus de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De nationalité marocaine, B.________ est entrée en
Suisse en 1990 et a donné naissance, le 8 décembre 1993, à
une fille prénommée O.________. G.________, ressortissant
suisse, a reconnu cette dernière comme son enfant, alors
même qu'il n'en était pas le père biologique. Le 5 janvier
1994, B.________ s'est mariée avec G.________. B.________ a
obtenu de ce fait une autorisation de séjour pour vivre au-
près de son époux.

B.________ aurait quitté le domicile conjugal en mars
1995. Peu après, son époux a ouvert action en divorce.

Entendue le 5 juin 1996 par l'Office cantonal de la po-
pulation du canton de Genève, B.________ a confirmé qu'elle
vivait séparée de son mari depuis mars 1995, tout en préci-
sant qu'elle habitait avec sa fille chez M.________, soit le
père naturel de son enfant. Entendu à son tour le 20 juin
1996, G.________ a notamment indiqué qu'il n'avait jamais
vécu sous le même toit que sa femme et son enfant.

Le 6 août 1997, B.________ a déclaré à la Police de sû-
reté genevoise qu'elle refusait le divorce car elle tenait
toujours à son mari. Interrogé le lendemain par la police,
G.________ a confirmé qu'il n'avait jamais fait ménage com-
mun avec sa femme, qui, à son avis, s'opposait au divorce
uniquement pour obtenir une autorisation de police des
étrangers.

B.- Par décision du 14 octobre 1997, l'Office cantonal
de la population a refusé de renouveler l'autorisation de
séjour de B.________.

Le 14 novembre 1997, l'intéressée a recouru contre
cette décision. La procédure de divorce a été suspendue le
27 novembre 1997 à la requête des parties.

Entendue le 20 avril 1999, B.________ a déclaré devant
la Commission cantonale de recours de police des étrangers
du canton de Genève que son mari vivait à nouveau avec elle
depuis mai-juin 1998. Quant à son époux, il a indiqué qu'il
s'était réconcilié avec sa femme en automne 1998, mais qu'il
ne faisait pas ménage commun avec elle car son psychiatre
lui avait conseillé de garder son propre domicile. Il a tou-
tefois précisé qu'il espérait pouvoir vivre plus tard avec
sa femme et son enfant. Il ajoutait qu'il voyait sa femme
cinq jours sur sept et qu'il dormait parfois chez elle.

Statuant le 20 avril 1999, la Commission cantonale de
recours de police des étrangers a confirmé la décision atta-
quée. Elle a retenu en substance qu'il n'était pas nécessai-
re de trancher la question de savoir si B.________ avait
conclu un mariage fictif en dépit de sérieux doutes à ce su-
jet, du moment que l'intéressée ne pouvait de toute façon
pas invoquer son mariage pour obtenir le renouvellement de
son autorisation de séjour, sans commettre un abus de droit
manifeste.

C.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, B.________ demande au Tribunal fédéral, principale-
ment, d'annuler la décision du 20 avril 1999 de la Commis-
sion cantonale de recours de police des étrangers.

Celle-ci a renoncé à déposer ses observations, alors
que l'Office cantonal de la population et l'Office fédéral
des étrangers concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) D'après l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 26
mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20), le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autori-
sation de séjour. Après un séjour régulier et ininterrompu
de cinq ans, il a droit à une autorisation d'établissement.
L'art. 7 al. 2 LSEE prévoit que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la pro-
longation de l'autorisation de séjour lorsque le mariage a
été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le
séjour et l'établissement des étrangers, notamment celles
sur la limitation du nombre des étrangers.

b) Par ailleurs, le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE
peut être constitutif d'un abus de droit même en l'absence
d'un mariage contracté dans le but d'éluder les dispositions
sur le séjour et l'établissement des étrangers, au sens de
l'art. 7 al. 2 LSEE. L'existence d'un éventuel abus de droit
doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec re-
tenue, seul l'abus manifeste pouvant être pris en considéra-
tion. Un tel abus ne peut en particulier être déduit du sim-
ple fait que les époux ne vivent plus ensemble, puisque le
législateur a volontairement renoncé à faire dépendre le
droit à une autorisation de séjour de la vie commune (ATF
121 II 97 consid. 2). De même, on ne saurait uniquement re-
procher à des époux de vivre séparés et de ne pas envisager
le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le con-
joint étranger invoque un mariage n'existant plus que for-
mellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de sé-
jour, car ce but n'est pas protégé par l'art. 7 LSEE (ATF
121 II 97 consid. 4a).

2.- a) En l'occurrence, il ressort du dossier que les
époux G.________-B.________, qui sont formellement mariés
depuis le 5 janvier 1994, se sont séparés au plus tard en
mars 1995, soit quelque quatorze mois seulement après leur
mariage. Et depuis lors, ils n'ont jamais tenté, ni même sé-
rieusement envisagé de reprendre la vie commune. Peu après
la séparation, l'époux a même ouvert une action en divorce.
Certes, cette procédure a été suspendue le 27 novembre 1997
à la requête des époux. Ceux-ci ont par ailleurs déclaré de-
vant l'autorité intimée qu'ils s'étaient réconciliés. Or
force est de constater que cette prétendue réconciliation
n'a pas été suivie d'une reprise de la vie commune effective
et durable. Si la recourante a affirmé devant l'autorité in-
timée vivre sous le même toit que son mari depuis mai-juin
1998, son époux a par contre déclaré qu'il s'était réconci-
lié avec elle en automne 1998. Il a dit en outre qu'il avait
conservé son propre domicile, tout en précisant qu'il voyait
sa femme cinq jours sur sept et qu'il passait parfois la
nuit avec elle. Certes, un mariage réel peut prendre des
formes extérieures non conventionnelles. Mais, en l'espèce,
les relations "amicales" instaurées entre les époux depuis
1998 - si tant est qu'elles existent - ne sont pas absolu-
ment déterminantes, dans la mesure où les époux n'envisagent
pas sérieusement de vivre ensemble pour former une véritable
communauté conjugale. Compte tenu de l'ensemble des circons-
tances, tout porte à croire que les déclarations des époux -
en partie contradictoires - ont été faites pour les besoins
de la cause et qu'il n'existe donc aucun espoir de reprise
de vie commune, chacun des époux menant sa propre vie. C'est
donc à bon droit que l'autorité intimée a conclu que le ma-
riage est maintenu dans le seul but de permettre à la recou-
rante d'obtenir la prolongation de son autorisation de sé-
jour et, par conséquent, que l'intéressée se prévaut de ma-
nière abusive de son mariage n'existant plus que formelle-
ment.

Comme l'abus de droit existait déjà avant l'écoulement
du délai de cinq ans prévu par l'art. 7 al. 1 2ème phrase
LSEE, la recourante ne peut pas invoquer cette disposition
pour obtenir une autorisation d'établissement.

b) Avec l'autorité intimée, il y a lieu de relever en-
core que la recourante ne saurait se prévaloir de l'art. 8
CEDH vis-à-vis de O.________ ayant acquis la nationalité
suisse pour obtenir la prolongation de son autorisation de
séjour. En effet, sa fille n'a aucun lien avec G.________,
qui n'est du reste pas son père naturel. Par ailleurs, on
peut attendre de cette enfant qu'elle suive sa mère à
l'étranger, étant donné qu'elle jouit d'une grande faculté
d'adaptation du fait de son jeune âge (cf. ATF 122 II 289
ss).

3.- Mal fondé, le présent recours doit être rejeté.
Etant donné que la recourante se trouve dans le besoin et
que son recours n'apparaissait pas d'emblée voué à l'échec,
la demande d'assistance judiciaire au sens de l'art. 152 al.
1 et 2 OJ doit être admise. Il convient donc de statuer sans
frais, de désigner la mandataire de la recourante comme avo-
cate d'office et de lui verser une indemnité à titre d'hono-
raires.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours.

2.- Admet la demande d'assistance judiciaire.

3.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.- Désigne Me Monica Kohler, avocate à Genève, comme
avocate d'office de la recourante et la Caisse du Tribunal
fédéral lui versera une indemnité de 1'500 fr. à titre d'ho-
noraires.

5.- Communique le présent arrêt en copie à la mandatai-
re de la recourante, à l'Office cantonal de la population et
à la Commission cantonale de recours de police des étrangers
du canton de Genève, ainsi qu'au Département fédéral de jus-
tice et police.

Lausanne, le 5 janvier 2000
LGE/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.413/1999
Date de la décision : 05/01/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-05;2a.413.1999 ?
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