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04/01/2000 | SUISSE | N°4C.237/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 janvier 2000, 4C.237/1999


«AZA 3»

4C.237/1999

Ie C O U R C I V I L E
**************************

4 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Pierre Hiltpold, à Carouge, défendeur et recourant, repré-
senté par Me Howard Jan Kooger, avocat à Genève,

et

Pierre et Anita Haenggi, à Thônex, demandeurs et intimés,
représentés par Me Pierre Siegrist,

avocat à Genève;

(contrat de vente immobilière; culpa in contrahendo)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a...

«AZA 3»

4C.237/1999

Ie C O U R C I V I L E
**************************

4 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Pierre Hiltpold, à Carouge, défendeur et recourant, repré-
senté par Me Howard Jan Kooger, avocat à Genève,

et

Pierre et Anita Haenggi, à Thônex, demandeurs et intimés,
représentés par Me Pierre Siegrist, avocat à Genève;

(contrat de vente immobilière; culpa in contrahendo)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 22 décembre 1993, Pierre Hiltpold,
Fabrice Jucker, Jean-Daniel Patrolini et Lydie Gruaz ont pas-
sé une convention ayant pour objet la construction et la ven-
te de trois villas jumelles à Veyrier, dans un lotissement
sis au chemin de la Pointe-du-Plan. Pierre Hiltpold, auteur
des plans et descriptifs des villas, mettait à disposition
le
terrain nécessaire pour un prix de 600 000 fr. Egalement ar-
chitecte, Fabrice Jucker devait, en tant qu'entrepreneur gé-
néral, se voir confier les contrats de construction. Jean-
Daniel Patrolini assumerait l'ingénierie du projet. Enfin,
Lydie Gruaz s'engageait à trouver des acquéreurs pour les im-
meubles à construire. Le bénéfice de l'opération serait par-
tagé entre les partenaires selon une clé de répartition pré-
vue dans le contrat.

b) Le 17 février 1994, Pierre et Anita Haenggi ont
signé une "convention de réservation" en vue de l'achat de
l'une des villas au prix de 520 000 fr. (maison A). Le con-
trat a été passé avec une société LRG Comauto "Immobilier"
S.A. représentée par Lydie Gruaz. Les acquéreurs s'enga-
geaient à verser dans les cinq jours 25 600 fr. à titre
d'"honoraires pour la réservation", à venir en déduction du
prix de vente, versement qu'ils ont effectué. L'accord était
notamment subordonné à la délivrance des autorisations de
construire.

Le 2 août 1994, Pierre Hiltpold, d'une part, et les
époux Haenggi, d'autre part, ont passé devant notaire un
acte
de vente portant sur l'achat, pour 200 000 fr., du terrain

leur villa devait être bâtie. L'acte mentionnait que les ser-
vitudes destinées au fonctionnement du lotissement,
notamment
en vue du passage des canalisations pour les eaux usées et

pluviales, seraient constituées ultérieurement selon un plan
de servitudes provisoires. Il contenait aussi une clause
d'entrepreneur en faveur de Fabrice Jucker indiquant que le
prix de construction était de 320 000 fr. Une autre clause
stipulait que "les acquéreurs prennent la parcelle, corres-
pondant aux droits qu'ils acquièrent, dans son état actuel".

Le même jour, les époux Haenggi et Fabrice Jucker
ont conclu un "contrat de construction à forfait". Le coût
de
l'ouvrage était arrêté à 285 000 fr. et la mise en valeur du
terrain à 35 000 fr. L'art. 8 de l'accord indiquait que ce
prix comprenait les travaux de raccordement et d'équipement
("canalisations: eau, électricité, gaz, téléphone"). Annexé
au contrat, le "descriptif standard des travaux"
mentionnait,
en son art. 16, sous le titre "Aménagements extérieurs", les
"raccordements, équipement, canalisations eau, électricité
et
téléphone, - canalisations d'évacuation des eaux usées et
pluviales".

c) Le 9 décembre 1994, Pierre et Anita Haenggi ont
signé avec les deux propriétaires des parcelles voisines un
acte notarié de division et de réunion créant trois
nouvelles
parcelles et constituant plusieurs servitudes entre
celles-ci
et l'Etat de Genève pour le passage de canalisations desti-
nées aux eaux usées et pluviales.

d) Le 30 janvier 1995, alors que les travaux de
construction de leur villa avaient déjà commencé, les époux
Haenggi ont été informés par la Direction de
l'assainissement
et des exploitations du Département genevois de l'intérieur,
de l'environnement et des affaires régionales (ci-après: le
Département) de la pose d'un nouveau collecteur d'eaux usées
dans le quartier, chemin de Pinchat. Le Département les invi-
tait à adapter et raccorder les canalisations d'eaux usées
et
pluviales de leur propriété à ce nouveau collecteur, et cela
au moyen d'un équipement séparatif qui devait être installé

conjointement par tous les propriétaires concernés. Ce
projet
de raccordement collectif privé devait être remis au Départe-
ment pour approbation jusqu'au 31 mars 1995, les travaux
étant à exécuter dans un délai échéant le 31 décembre 1995.

Un courrier du 18 février 1995 émanant de deux voi-
sins et adressé aux nouveaux riverains de la Pointe-du-Plan
a
appris aux époux Haenggi l'existence de nombreuses discus-
sions antérieures, notamment en présence de Pierre Hiltpold,
au sujet du nouveau collecteur.

e) L'autorisation de construire définitive accordée
aux époux Haenggi a paru dans la Feuille d'avis officielle
du
canton de Genève au cours des mois de mars et d'avril 1995.
Les publications faisaient expressément état de l'obligation
imposée aux propriétaires d'exécuter les canalisations d'éva-
cuation des eaux usées et pluviales en système séparatif ain-
si que de raccorder ces canalisations au collecteur
approprié
prévu sur le chemin de Pinchat.

Les époux Haenggi ont signé le protocole de récep-
tion provisoire des travaux relatifs à leur villa en mars
1996; les canalisations étaient alors raccordées au collec-
teur d'eau existant, non conforme aux prescriptions du Dépar-
tement.

B.- a) Le 23 janvier 1996, Pierre et Anita Haenggi
ont ouvert action contre Pierre Hiltpold, Comauto "Immobi-
lier" S.A., Lydie Gruaz et Fabrice Jucker. La demande
tendait
à la condamnation des défendeurs, solidairement entre eux,
au
paiement de 31 000 fr., somme correspondant aux frais entraî-
nés par les raccordements et canalisations nouvellement exi-
gés par le Département. Dans un jugement du 10 septembre
1997, le Tribunal de première instance du canton de Genève a
dit que Comauto "Immobilier" S.A. n'avait pas la capacité
d'être partie au litige et débouté les demandeurs de leurs

prétentions envers Lydie Gruaz. En revanche, le tribunal a
admis les conclusions prises envers Pierre Hiltpold et
Fabrice Jucker à concurrence de 26 000 fr. avec intérêts à
5%
dès le dépôt de la demande.

b) Statuant sur appels de Pierre Hiltpold et de
Fabrice Jucker, ainsi que sur appel incident des époux
Haenggi, la Cour de justice civile du canton de Genève a an-
nulé ce jugement par arrêt du 16 avril 1999. Déclarant elle
aussi irrecevable la demande en tant qu'elle était dirigée
contre Comauto "Immobiler" S.A., la cour a considéré que
Lydie Gruaz avait, comme les deux architectes, violé ses de-
voirs précontractuels et commis un dol en n'informant pas
les
demandeurs du nouveau raccordement exigé par le Département,
projet dont ils avaient pourtant connaissance. Elle a condam-
né les trois partenaires, solidairement entre eux, à réparer
le dommage subi par les demandeurs, équivalant à leur quote-
part des frais liés à l'installation des nouvelles canalisa-
tions qu'elle a arrêtés à 25 533 fr. avec intérêts à 5 % dès
le dépôt de la demande. La cour a enfin considéré qu'il ne
lui appartenait pas de se prononcer sur les éventuels
recours
internes entre les défendeurs, dès lors que ceux-ci
n'avaient
pas pris de conclusions à cette fin devant le premier juge,
les prétentions récursoires de Pierre Hiltpold n'ayant été
formulées qu'en appel.

C.- Pierre Hiltpold recourt en réforme au Tribunal
fédéral contre l'arrêt du 16 avril 1999. Ses conclusions ten-
dent à l'annulation de la décision attaquée, principalement
au rejet de la demande, subsidiairement au renvoi de la
cause
à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des consi-
dérants.

Pierre et Anita Haenggi invitent le Tribunal fédé-
ral à rejeter le recours et à confirmer l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 124
III 44 consid. 1).

La cour cantonale a retenu que les trois défendeurs
reconnus responsables devaient répondre solidairement du dom-
mage, selon l'art. 51 CO. Seul Pierre Hiltpold recourt
contre
sa condamnation, sans renouveler les conclusions récursoires
qu'il avait prises contre ses partenaires devant l'instance
précédente. Dans ces conditions, ses codéfendeurs ne sont
pas
parties à la procédure, et c'est à bon droit que le
recourant
ne les a pas désignés comme tels dans l'en-tête de son écri-
ture. En effet, dans l'hypothèse d'une solidarité parfaite,
et a fortiori en cas de solidarité imparfaite, le jugement
rendu à l'endroit de l'un des débiteurs solidaires n'est pas
opposable aux autres, le créancier disposant d'un droit d'ac-
tion indépendant contre chacun d'eux (ATF 93 II 329 consid.
3b et c). Ce n'est que lorsque la créance invoquée contre
l'un des coresponsables est éteinte par paiement ou compensa-
tion que les autres sont libérés (ATF 114 II 342 consid.
2b),
situation qui n'apparaît pas réalisée en l'espèce.

2.- a) Il est constant que le recourant connaissait
le projet de nouveau collecteur d'eau bien avant la
signature
de la convention de vente du 2 août 1994. Il est également
établi que les demandeurs n'ont appris les exigences du Dé-
partement à cet égard qu'à la réception du courrier que ce
dernier leur a envoyé le 30 janvier 1995, alors que la cons-
truction de leur villa avait déjà débuté. La question à ré-
soudre est de savoir si l'on peut faire grief au recourant
de
ne pas avoir rendu les acheteurs attentifs au surcoût que
l'installation des nouveaux équipements allait provoquer.

Le recourant conteste qu'on puisse lui reprocher
une culpa in contrahendo, ou une violation du devoir de ren-
seigner. D'une part, la conclusion effective d'un contrat ne
laisserait pas place à une responsabilité précontractuelle.
D'autre part, son devoir de renseigner se serait limité aux
seules conséquences de la vente immobilière, le contrat
d'entreprise conclu avec Fabrice Jucker, dont il n'était pas
garant, ne le concernant aucunement. Le devoir de renseigner
n'aurait pas été violé dans le cadre de la cession du
terrain
acquis par les demandeurs, mais lors de la signature du con-
trat de construction à forfait.

b) La responsabilité découlant d'une culpa in con-
trahendo repose sur l'idée que, pendant les pourparlers con-
tractuels, les parties doivent agir selon les règles de la
bonne foi. L'ouverture des discussions crée déjà une
relation
juridique entres elles et leur impose des devoirs
réciproques
comme, par exemple, de négocier sérieusement conformément à
leurs véritables intentions (ATF 121 III 350 consid. 6c).

On admet notamment que chaque partie doit rensei-
gner l'autre, dans une certaine mesure, sur les
circonstances
propres à influencer sa décision de conclure le contrat ou
de
le conclure à des conditions déterminées (ATF 105 II 75 con-
sid. 2a; 101 Ib 422 consid. 4b). Celle qui ne respecte pas
cette obligation engage sa responsabilité non seulement lors-
qu'au cours des pourparlers elle a agi astucieusement, mais
déjà lorsque son attitude a été de quelque manière fautive,
qu'il s'agisse de dol ou de négligence, dans les limites
tout
au moins de la responsabilité qu'elle encourt sous l'empire
du contrat envisagé par les parties (ATF 101 Ib 422 consid.
4b et les références). La culpa in contrahendo suppose que
l'on cache à l'autre partie un point qu'elle ne connaît pas
et qu'elle n'est pas tenue de connaître (ATF 102 II 81 con-
sid. 2).

Même hors de tout rapport contractuel, on considère
que celui qui, disposant de connaissances spéciales dans un
domaine, accepte de fournir des renseignements ou des con-
seils doit agir de bonne foi (ATF 111 II 471 consid. 3); com-
met ainsi un acte illicite engageant sa responsabilité celui
qui, intentionnellement ou à la légère, donne des informa-
tions inexactes ou passe sous silence des faits dont il doit
reconnaître l'importance pour l'autre partie (ATF 116 II 695
consid. 4; 111 II 471 consid. 3). L'illicéité résulte du
fait
que le renseignement inexact ou le conseil incorrect a susci-
té chez l'autre partie une confiance justifiée qui se trouve
trompée ultérieurement. Dans cette optique, la culpa in con-
trahendo constitue un cas particulier de la responsabilité
fondée sur la confiance (ATF 121 III 350 consid. 6c et les
références; cf. aussi ATF 124 III 363 consid. II/5b in fine).

Enfin, l'admission d'une culpa in contrahendo est
indépendante du sort du contrat projeté et elle n'est pas
exclue si celui-ci vient à être conclu (ATF 77 II 135
consid.
2a; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationen-
recht, AT, 7e éd., n. 969; Engel, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd., p. 751 in fine, p. 754-755).

c) Il est vrai, en l'espèce, que le recourant et
les demandeurs se sont liés uniquement par un contrat de ven-
te immobilière. Cette transaction était néanmoins indissocia-
ble du contrat de construction conclu avec Fabrice Jucker.
Ainsi, selon les constatations souveraines de la cour canto-
nale (art. 63 al. 2 OJ), outre le fait que le recourant et
Fabrice Jucker avaient signé un contrat réglant leurs rap-
ports et prévoyant une répartition des bénéfices pour l'en-
semble du projet, l'acte authentique de vente du terrain se
référait expressément au contrat d'entreprise relatif aux
travaux de construction de la villa, dont il indiquait même
le prix forfaitaire. Dans ces circonstances, il incombait au
recourant, en vertu des règles de
la bonne foi en affaires,

de communiquer aux acheteurs tout élément susceptible d'en-
traîner une augmentation sensible non seulement du prix du
terrain, mais du projet dans son ensemble, y compris en ce
qui concerne les facteurs relevant du contrat de
construction
(ATF du 15 septembre 1983 dans la cause 4C. 298/1983 repro-
duit in SJ 1984 p. 319 consid. 2d). Les frais entraînés par
le raccordement litigieux, si on les compare au montant fixe
de 35 000 fr. convenu pour la mise en valeur du terrain,
constituaient sans aucun doute un élément propre à
influencer
la décision des demandeurs de conclure ou non avec les défen-
deurs.

La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédé-
ral lorsqu'elle a retenu que le recourant avait failli à son
devoir d'information en passant sous silence les problèmes
relatifs à l'assainissement obligatoire des canalisations
lors de la signature de l'acte de vente immobilière et qu'il
avait adopté une attitude engageant sa responsabilité,
quelle
que soit la nature exacte de la relation juridique existant
entre les parties (cf. Engel, op. cit., p. 751 et les réfé-
rences; Christine Chappuis, La responsabilité fondée sur la
confiance, in SJ 1997 p. 165 ss, p. 168).

3.- Le recourant ne critique pas le montant du dom-
mage mis à sa charge. Il n'y a pas à revenir sur cette ques-
tion.

4.- Le recourant reproche en revanche à l'autorité
cantonale d'avoir admis l'existence d'une responsabilité so-
lidaire entre lui et ses codéfendeurs selon l'art. 51 CO. La
solution adoptée sur ce point par la cour cantonale, qui
n'avait pas à se prononcer sur les rapports internes des dif-
férents débiteurs, ne péjore cependant en rien sa situation.
Le recourant n'a donc pas d'intérêt juridique à faire
valoir,
de sorte que le moyen est vain (ATF 120 II 5 consid. 2a et
les références).

5.- Vu le sort de la cause, le recourant supportera
les frais de justice et versera une indemnité de dépens aux
intimés.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 3000 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

_______________

Lausanne, le 4 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.237/1999
Date de la décision : 04/01/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-04;4c.237.1999 ?
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