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03/01/2000 | SUISSE | N°4C.245/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 janvier 2000, 4C.245/1999


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4C.245/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

3 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffière:
Mme Godat Zimmermann.
_________________

Dans la cause civile pendante
entre

SI X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée
par Me Philippe Reymond, avocat à Lausanne,

et

1. dame A.________,
2. dame B.________,
3. les époux C.________,
4. dame D.______

__,
5. les époux E.________,
6. dame F.________,
7. les époux G.________,
8. les époux H.________,
tous à Pully, défende...

«»

4C.245/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

3 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffière:
Mme Godat Zimmermann.
_________________

Dans la cause civile pendante
entre

SI X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée
par Me Philippe Reymond, avocat à Lausanne,

et

1. dame A.________,
2. dame B.________,
3. les époux C.________,
4. dame D.________,
5. les époux E.________,
6. dame F.________,
7. les époux G.________,
8. les époux H.________,
tous à Pully, défendeurs et intimés, représentés par
Me Philippe Nordmann, avocat à Lausanne;

(hausse de loyer; motivation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La SI X.________ S.A. est propriétaire d'un
immeuble situé à Pully. Dame A.________, dame B.________,
les
époux C.________, dame D.________, les époux E.________,
F.________, les époux G.________, ainsi que les époux
H.________ sont locataires d'appartements sis dans cet immeu-
ble.

Le 27 novembre 1997, la bailleresse, par l'intermé-
diaire de la gérance Y.________ S.A., a notifié aux loca-
taires une augmentation de loyer en utilisant la formule of-
ficielle. Sous la rubrique «Motifs de la hausse», la gérance
fournissait l'explication suivante:

«SELON ARTICLES 269 C.O., 269A LETTRE A, C.O. ET 11 OBLF,
LOYERS USUELS DANS LE QUARTIER

RESERVE DE HAUSSE DE 14 %»

La formule officielle était accompagnée d'une lettre
dont le contenu se présente ainsi:

«Madame, Monsieur,

Au vu de l'évolution des conditions du marché, les paramè-
tres de fixation des loyers ayant changé, la société pro-
priétaire de l'immeuble cité en marge se trouve contrainte
de procéder à une adaptation de votre prix de location.

Nous vous rappelons que vous bénéficiez depuis de
nombreuses
années d'une situation privilégiée, que l'on peut qualifier
de rente de situation, en payant des loyers en inadéquation
avec le marché, eu égard à la qualité de l'objet loué et à
sa situation. Ces circonstances sont devenues
insupportables
pour la société propriétaire et vont jusqu'à mettre son
équilibre financier en péril.

Au vu de ce qui précède, conformément à votre contrat de
bail, nous joignons à la présente une notification de
hausse

de loyer sur formule officielle. Celle-ci s'articule autour
des articles 269 CO, 269a lettre a CO et 11 OBLF: loyers
usuels dans le quartier.

A l'examen de la formule officielle, vous constaterez que,
la société propriétaire ayant décidé de ne pas répercuter
la
totalité de la hausse possible, il en résulte une réserve
de
hausse de 14 % qu'elle pourrait faire valoir
ultérieurement,
vos droits demeurant également réservés.

(...)»

B.- Les locataires ont contesté les hausses de loyer
et saisi la Commission de conciliation en matière de baux à
loyer du district de Lausanne.

A la suite de l'échec de la conciliation, la baille-
resse a déposé devant le Tribunal des baux du canton de Vaud
une requête tendant à ce que les hausses de loyer notifiées
le 27 novembre 1997 soient déclarées admissibles et à ce que
chaque locataire soit condamné à lui verser le nouveau loyer
mensuel aux dates d'entrée en vigueur respectives telles
qu'indiquées sur les formules officielles, avec un intérêt
de
5%.

Avec l'accord des parties, les juges de première
instance ont disjoint la question de la validité formelle
des
notifications des hausses de loyer litigieuses. Par jugement
préjudiciel du 19 août 1998, le Tribunal des baux a constaté
la nullité des hausses de loyer notifiées le 27 novembre
1997.

Statuant le 3 février 1999, la Chambre des recours
du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours
formé par la demanderesse et confirmé le jugement de
première
instance. Les considérants de l'arrêt ont été notifiés aux
parties le 12 mai 1999.

C.- La SI X.________ S.A. interjette un recours en
réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens que le jugement de première
instance est modifié, que les hausses de loyer litigieuses
ne
sont ni nulles ni annulées et que la cause est reprise.

Les locataires proposent le rejet du recours dans la
mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
124
I 11 consid. 1 p. 13, 159 consid. 1 p. 161; 124 III 134 con-
sid. 2 p. 136, 382 consid. 2a p. 385; 123 I 112 consid. 1 p.
115).

a) Conformément à l'art. 54 al. 1 OJ, l'acte de
recours en réforme doit être adressé à l'autorité qui a sta-
tué, dans les trente jours dès la réception de la communica-
tion écrite de la décision. L'art. 32 al. 3 OJ précise que
le
mémoire doit être remis au plus tard le dernier jour du dé-
lai, soit à l'autorité compétente pour le recevoir, soit, à
son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représenta-
tion diplomatique ou consulaire suisse. Une boîte postale
est
assimilée à un bureau de poste. Ainsi, le délai sera observé
par le dépôt du recours sous pli ordinaire dans une boîte
postale le dernier jour utile avant minuit, même après la
dernière levée (ATF 82 III 101; 98 Ia 247 consid. 1; 109 Ia
183; Poudret, COJ I, n. 4.3.2 ad art. 32). Encore
faudra-t-il
que l'expéditeur prouve que le délai a été observé (ATF 92 I
253 consid. 3 p. 257; 92 II 215; 97 III 12; 99 Ib 356
consid.
2; 106 III 49). Si le sceau postal fait foi de la date de

l'expédition, il s'agit d'une présomption réfragable par
tous
moyens, en particulier par témoins (ATF 82 III 101; 98 Ia
247
consid. 2; Poudret, op. cit., n. 4.6 ad art. 32).

L'arrêt attaqué a été notifié à la demanderesse le
14 mai 1999. Le délai de recours venait à échéance le 14
juin
1999, la veille étant un dimanche. Le sceau postal apposé
sur
l'enveloppe contenant l'acte de recours porte la date du 15
juin 1999. Le recours serait donc tardif. Le mandataire de
la
demanderesse produit toutefois deux témoignages écrits, at-
testant du dépôt du recours dans la boîte postale de la
route
de la Riaz, à Echandens, le 14 juin 1999 avant minuit. Sur
la
foi de ces déclarations, la cour de céans retient que le mé-
moire de la demanderesse a bel et bien été remis à la poste
le dernier jour du délai. Le recours a été formé en temps
utile.

b) Invoquant l'art. 50 OJ, les défendeurs semblent
mettre en doute la recevabilité du recours en réforme contre
l'arrêt attaqué, qualifié de préjudiciel.

Selon l'art. 48 OJ, le recours en réforme n'est re-
cevable, sous réserve d'exceptions non réalisées en
l'espèce,
que s'il est dirigé contre une décision finale prise par les
tribunaux ou autorités suprêmes des cantons. Par décision fi-
nale, on entend une décision dans laquelle la juridiction
cantonale statue sur une prétention matérielle ou refuse
d'en
connaître pour un motif interdisant définitivement que la mê-
me prétention soit une nouvelle fois émise entre les mêmes
parties (ATF 122 III 92 consid. 2a; 120 II 93 consid. 1c p.
95, 352 consid. 1b p. 353; 118 II 447 consid. 1b p. 450; 116
II 21 consid. 1c p. 25). La notion de décision finale, qui
relève du droit fédéral, est indépendante de la
qualification
donnée par les autorités cantonales; ce n'est pas la forme
de
la décision qui est déterminante, mais bien sa nature et sa

portée juridiques (ATF 92 II 192 consid. 1; Poudret, COJ II,
n. 1.1.2 ad art. 48; Wurzburger, Les conditions objectives
du
recours en réforme au Tribunal fédéral, thèse Lausanne 1964,
p. 179).

Le Tribunal des baux a restreint la procédure à la
question de la validité formelle des hausses de loyer liti-
gieuses et qualifié son jugement de préjudiciel. L'arrêt can-
tonal rendu sur recours contre cette décision n'en est pas
moins final au sens de l'art. 48 OJ. En effet, en confirmant
le jugement de première instance qui constatait la nullité
des augmentations de loyer, la Chambre des recours a mis un
terme définitif à l'action de la demanderesse tendant à majo-
rer les loyers des défendeurs à partir du 1er avril, du 1er
juillet ou du 1er octobre 1998. Ce n'est que si la cour can-
tonale avait admis la validité formelle des hausses de loyer
que la qualification de décision préjudicielle au sens de
l'art. 50 al. 1 OJ aurait pu entrer en ligne de compte.

c) S'agissant de baux reconductibles tacitement,
c'est-à-dire de baux de durée indéterminée (ATF 114 II 165
consid. 2b), il y a lieu, pour le calcul de la valeur liti-
gieuse, de prendre en compte l'augmentation de loyer annuel
contestée, puis de multiplier ce montant par vingt (art. 36
al. 5 OJ; ATF 121 III 397 consid. 1; 118 II 422 consid. 1).
Par ailleurs, les divers chefs de conclusions formés dans
une
contestation pécuniaire par des consorts au sens de l'art.
24
al. 2 PCF sont additionnés, même lorsqu'ils portent sur des
objets distincts, pourvu qu'ils ne s'excluent pas (art. 47
al. 1 OJ; ATF 103 II 41 consid. 1c).

En l'espèce, l'augmentation de loyer la moins élevée
en valeur absolue est de 4224 fr. par an (défenderesse
A.________). Rapportée sur vingt ans, l'augmentation
signifiée à une seule locataire dépasse déjà largement la

valeur litigieuse de 8000 fr. exigée par l'art. 46 OJ. Le
recours est par conséquent recevable ratione valoris.

2.- a) A l'instar des premiers juges, la Chambre des
recours a constaté la nullité des hausses de loyer
signifiées
aux défendeurs. Elle a estimé tout d'abord que les explica-
tions fournies dans la lettre d'accompagnement de la baille-
resse ne pouvaient être prises en compte, faute d'un renvoi
exprès audit courrier sur la formule officielle. Puis, inter-
prétant les motifs indiqués sur la formule selon le principe
de la confiance, les juges précédents sont parvenus à la con-
clusion qu'ils manquaient de clarté. En effet, la
bailleresse
s'est référée simultanément aux art. 269 et 269a let. a CO,
soit à deux motifs de hausse incompatibles. Selon la cour
cantonale, ce défaut de clarté est encore aggravé par le
fait
que l'art. 269 CO est mentionné sans autre explication, ce
qui est déjà insuffisant, alors que, en regard de l'art.
269a
let. a CO, la défenderesse cite expressément les loyers
usuels du quartier.

b) La demanderesse reproche à la Chambre des recours
d'avoir violé les art. 269 et 269a let. a CO. A son avis, le
seul motif de hausse invoqué en l'espèce est celui des
loyers
usuels du quartier. L'indication de l'art. 269 CO, à côté du
critère des loyers comparatifs de l'art. 269a let. a CO, ne
serait ni contradictoire, ni source de difficultés de compré-
hension ou d'interprétation pour les locataires, car l'art.
269 CO consacre la règle générale, prohibant un rendement ex-
cessif de la chose louée, et l'art. 269a CO énumère les ex-
ceptions, subsidiaires. Citant à ce propos l'ATF 124 III
310,
la demanderesse relève que lorsque le loyer se tient dans
les
limites des loyers usuels dans le quartier, il convient enco-
re d'examiner si la majoration contestée procure au bailleur
un rendement excessif. Au demeurant, la demanderesse nie
qu'une motivation fondée sur les critères du marché entre en

contradiction avec l'indication d'autres critères découlant
des coûts.

3.- a) Une augmentation de loyer est nulle lors-
qu'elle n'est pas notifiée au moyen de la formule officielle
(art. 269d al. 2 CO). Il en va de même lorsque le contenu de
l'avis de majoration n'est pas suffisamment précis (nullité
quant au contenu) (ATF 121 III 6 consid. 3b p. 8, 460
consid.
4a/cc p. 466; cf. également art. 19 al. 1 let. a ch. 4
OBLF).
La motivation indiquée sur la formule officielle constitue
une manifestation de volonté du bailleur. Les principes gé-
néraux en matière d'interprétation des manifestations de vo-
lonté sont applicables pour déterminer le sens et la portée
de la motivation invoquée, en particulier pour juger si
celle-ci répond à l'exigence de clarté. Si, comme en l'espè-
ce, les parties ne sont pas d'accord sur le sens à donner
aux
motifs figurant dans l'avis formel de majoration, il y a
lieu
d'interpréter ceux-ci selon le principe de la confiance. On
examinera, d'après les facultés de compréhension du
locataire
et sur le vu de toutes les circonstances du cas particulier,
si les motifs donnés sont suffisamment clairs et précis pour
permettre au destinataire de décider en toute connaissance
de
cause s'il veut s'opposer ou non aux nouvelles clauses con-
tractuelles (ATF 121 III 6 consid. 3c p. 10, 460 consid.
4a/cc p. 466; sous l'ancien droit: ATF 106 II 166 consid.
4a,
356 consid. 3c; 117 II 460 consid. 2a; 118 II 130 consid.
2b).

En principe, les motifs de l'augmentation de loyer
sont inscrits sur la formule officielle (cf. art. 269d al. 1
CO). L'art. 19 al. 1bis OBLF, en vigueur depuis le 1er août
1996, précise toutefois que si le motif figure dans une let-
tre d'accompagnement, le bailleur doit se référer expressé-
ment à cette lettre dans la formule officielle. Un tel mode
de procéder était prohibé par la jurisprudence rendue avant

l'entrée en vigueur de l'art. 19 al. 1bis OBLF (ATF 120 II
206 consid. 3b; arrêt non publié du 31 août 1993 dans la
cause 4C.56/1993, consid. 2). Cette disposition a ainsi as-
soupli les exigences de forme prévalant en matière de notifi-
cation d'une hausse de loyer; sa conformité à la loi n'a pas
à être examinée en l'espèce. En effet, contrairement à
l'avis
de la
Chambre des recours et des défendeurs, l'art. 19 al.
1bis OBLF ne peut, en tout état de cause, trouver
application
dans le cas particulier. Interprété littéralement, il concer-
ne l'hypothèse où le bailleur a mentionné les motifs de
l'augmentation de loyer exclusivement dans la lettre d'accom-
pagnement, et non sur la formule officielle. Lorsque, comme
en l'espèce, l'avis de majoration contient des motifs de
hausse, il convient de s'en tenir à la jurisprudence selon
laquelle une lettre d'accompagnement peut, le cas échéant,
permettre d'interpréter la formule officielle dans la mesure
où celle-là se réfère aux motifs indiqués dans celle-ci et
tend uniquement à les expliciter; il n'est alors pas néces-
saire que la formule officielle renvoie expressément à la
lettre d'accompagnement (ATF 118 II 130 consid. 2c p. 133;
120 II 206 consid. 3a; 121 III 6 consid. 3a).

b) En lisant rapidement la motivation invoquée sur
la formule officielle, le locataire peut effectivement com-
prendre que la bailleresse entend seulement adapter le loyer
aux loyers usuels pratiqués dans le quartier, car il s'agit
du critère mentionné en toutes lettres. Mais sans doute un
locataire avisé aura-t-il la curiosité de consulter la loi;
il constatera alors que l'art. 269 CO cité sur la formule
fait référence à d'autres critères, en particulier au rende-
ment de la chose louée.

Que devra-t-il en conclure? Aucune réponse évidente
ne se dégage, même si l'on interprète la formule officielle
à
la lumière des explications fournies dans la lettre d'accom-

pagnement. En tout cas, l'interprétation préconisée par la
demanderesse ne s'impose pas. Certes, selon leurs notes mar-
ginales, l'art. 269 CO représente la «Règle» et l'art. 269a
CO, les «Exceptions» de sorte que le critère du rendement
net
de la chose louée est prépondérant par rapport à celui des
loyers usuels dans le quartier (Lachat, Le bail à loyer, p.
357); ainsi, le locataire qui conteste le loyer initial, pré-
sumé se situer dans les limites de loyers usuels du
quartier,
peut prouver que ledit loyer procure un rendement excessif
au
bailleur (cf. ATF 124 III 310 consid. 2b p. 312 et les
arrêts
cités). Il n'en demeure pas moins qu'en l'occurrence, la
bailleresse a cité l'art. 269 CO sous la rubrique «Motifs de
la hausse»; le preneur pouvait ainsi difficilement imaginer
que, par cette mention, la bailleresse cherchait en réalité
à
réserver d'emblée le droit du locataire à opposer le critère
du rendement abusif de la chose louée à celui des loyers
usuels du quartier. Les explications avancées dans la lettre
d'accompagnement ne sont pas de nature à lever l'ambiguïté.
Si elle insiste sur l'inadéquation des loyers des défendeurs
à l'état du marché, la demanderesse y invoque également la
notion peu précise de changement des «paramètres de fixation
des loyers» ainsi que la mise en péril de son équilibre fi-
nancier, ce qui sous-entend qu'elle n'obtient pas un rende-
ment suffisant des fonds propres investis au sens de l'art.
269 CO. Plus loin, la bailleresse n'opte toutefois pas clai-
rement pour un critère plutôt que pour l'autre en indiquant,
par une formule floue, que l'augmentation de loyer «s'arti-
cule autour» des art. 269 CO, 269a let. a CO et 11 OBLF.

Selon les règles de la bonne foi, les locataires
pouvaient déduire de l'énumération des dispositions légales,
figurant tant dans la formule officielle que dans la lettre
d'accompagnement, que la bailleresse entendait faire valoir
à
la fois l'adaptation aux loyers usuels du quartier et le ren-
dement insuffisant. Certes, consciente des difficultés de

preuve liées à l'application du critère des loyers usuels,
de
surcroît en rapport avec huit appartements (cf. ATF 123 III
317), la demanderesse aurait pu envisager de réclamer, à ti-
tre subsidiaire, un calcul de rendement (Higi, Zürcher Kom-
mentar, n. 93 ad art. 269d CO). Interprétée selon le
principe
de la confiance, la déclaration de volonté de la bailleresse
ne laisse toutefois apparaître aucun indice d'un rapport de
subsidiarité entre le critère des loyers usuels et celui du
rendement insuffisant des fonds propres.

Les deux critères de calcul mentionnés par la bail-
leresse ne procèdent pas de la même logique. La référence
aux
loyers usuels du quartier se rapproche de la notion de loyer
du marché alors que le rendement au sens de l'art. 269 CO
fait appel à la notion de loyer fondé sur les coûts (cf. ATF
120 II 240 consid. 2 p. 242). A part quelques exceptions
qu'il n'y a pas lieu d'examiner dans le cas présent, les
loyers fondés sur les coûts (Kostenmiete) et les loyers du
marché (Marktmiete) sont incompatibles (ATF 121 III 6
consid.
3c p. 10/11; Lachat, op. cit., p. 349). Ainsi, le bailleur
qui veut augmenter le loyer doit choisir le tableau sur le-
quel il entend jouer; s'il invoque des facteurs
antinomiques,
il s'expose au reproche d'avoir motivé la hausse de loyer de
manière insuffisamment claire (ATF 121 III 6 consid. 3c p.
11; Lachat/Stoll, Das Mietrecht für die Praxis, 4e éd., p.
264; Higi, op. cit., n. 92 ad art. 269d CO). En l'espèce,
même si la demanderesse s'est référée en toutes lettres au
critère des loyers usuels, la mention en parallèle de l'art.
269 CO introduit un élément d'incertitude; selon les règles
de la bonne foi, les locataires ne pouvaient déterminer avec
précision le facteur de hausse que la bailleresse entendait
finalement invoquer et, partant, juger en toute connaissance
de cause de l'opportunité de contester l'augmentation de
loyer.

Comme la motivation des hausses de loyer signifiées
le 27 novembre 1997 ne répond pas à l'exigence de clarté, la
cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en constatant
la nullité des notifications litigieuses. Le recours ne peut
être que rejeté.

4.- Vu l'issue de la procédure, la demanderesse
prendra à sa charge les frais judiciaires et versera aux dé-
fendeurs une indemnité à titre de dépens (art. 156 al. 1 et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 7000 fr. à la
charge de la demanderesse;

3. Dit que la demanderesse versera aux défendeurs
une indemnité de 8000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

____________

Lausanne, le 3 janvier 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.245/1999
Date de la décision : 03/01/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-01-03;4c.245.1999 ?
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