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07/12/1999 | SUISSE | N°4C.169/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 décembre 1999, 4C.169/1999


126 III 59

13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 décembre 1999
dans la cause dame B. contre dame D. (recours en réforme)
A.- a) Dame B. exploite une galerie d'arts et d'antiquités
spécialisée dans les objets d'Art nouveau et d'Art déco; elle est en
particulier considérée comme une spécialiste des oeuvres du célèbre
verrier Emile Gallé.
Au début du mois de novembre 1990, dame B. a été approchée par un
marchand d'art, lequel l'a informée qu'un vase de Gallé se trouvait à
la galerie Z., et que cette galerie avait Ã

©té chargée, moyennant une
commission de 10'000 fr., de vendre l'objet. Il s'agissait d'une
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126 III 59

13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 décembre 1999
dans la cause dame B. contre dame D. (recours en réforme)
A.- a) Dame B. exploite une galerie d'arts et d'antiquités
spécialisée dans les objets d'Art nouveau et d'Art déco; elle est en
particulier considérée comme une spécialiste des oeuvres du célèbre
verrier Emile Gallé.
Au début du mois de novembre 1990, dame B. a été approchée par un
marchand d'art, lequel l'a informée qu'un vase de Gallé se trouvait à
la galerie Z., et que cette galerie avait été chargée, moyennant une
commission de 10'000 fr., de vendre l'objet. Il s'agissait d'une
pièce de couleur noire et bleue, taillée à la meule et translucide,
d'une hauteur d'environ 42 cm, provenant de la série des vases dits
"de tristesse", fabriquée par cet artiste en 1903. Quelques jours
avant son décès, survenu le 7 mai 1990, dame S. avait donné cette
oeuvre à sa soeur dame D., dans l'idée que le vase soit vendu et que
le produit de sa réalisation serve à payer les frais d'éducation de
ses deux fils alors mineurs, Y. et C.S.
A la mi-novembre 1990, dame B., accompagnée de deux de ses
collaborateurs, s'est rendue dans les locaux de la galerie Z., où
elle a examiné minutieusement le vase au moyen d'une lampe à quartz.
A cette occasion, un responsable de la galerie, après avoir indiqué à
dame B. qu'aucune documentation écrite concernant la provenance et
l'authenticité du vase n'avait été délivrée, lui a proposé avec
insistance de soumettre l'objet à un expert; cette dernière a refusé
de donner suite à cette suggestion, estimant être elle-même experte
en matière de vases de Gallé.
Le 29 novembre 1990, dame D. a mandaté par écrit la galerie Z. afin
qu'elle vende son vase pour le prix de 400'000 fr., déclarant
Extrait des considérants:
1.- a) La qualité pour agir et la qualité pour défendre
appartiennent aux conditions matérielles de la prétention litigieuse.
Elles se déterminent selon le droit au fond et leur défaut conduit au
rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation
des éléments objectifs de la prétention litigieuse. Ainsi, la
reconnaissance de la qualité pour défendre signifie que le demandeur
peut faire valoir sa prétention contre le défendeur (ATF 125 III 82
consid. 1a et l'arrêt cité). Cette question doit en particulier être
examinée d'office et librement (ATF 114 II 345 consid. 3d; 108 II 216
consid. 1 et les références).
La cour cantonale, en retenant que les parties sont liées par un
contrat de vente au sens des art. 184 ss CO, a implicitement admis
2.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit
conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la
décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière
de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de
constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa;
117 II 256 consid. 2a). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent
(art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al.
3 OJ; ATF 123 III 246 consid. 2; 122 III 150 consid. 3).
b) Invoquant une violation des art. 18, 197 et 199 CO, la
recourante reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié de manière
erronée les clauses du contrat de vente; singulièrement, les
magistrats vaudois se seraient mépris sur la portée de la clause
"concernant une garantie dite antérieure", qu'ils n'auraient pas mise
en relation avec la déclaration de la défenderesse du 29 novembre
1990, selon laquelle le vase était authentique et en parfait état. La
recourante allègue qu'elle a été victime d'une erreur sur la base
nécessaire du contrat, ce qui justifierait l'annulation de la vente
en vertu de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO. En outre, le vase qui lui a été
livré constituerait un aliud, en sorte qu'elle serait également en
droit de se prévaloir de l'erreur sur la chose au sens de l'art. 24
al. 1 ch. 2 CO. La demanderesse fait encore grief à la Cour civile
d'avoir été beaucoup trop exigeante à son endroit en ce qui concerne
l'attention requise de l'acheteur au sens de l'art. 200 CO, puisque
l'expertise a établi que l'altération de
3.- L'issue du litige dépend de la portée qu'il convient
d'attribuer à la clause d'exclusion de garantie adoptée par les
parties dans le contrat de vente du 4 décembre 1990, laquelle stipule
que "toute garantie antérieure est exclue".
En effet, l'exclusion conventionnelle de certaines qualités
déterminées de la chose vendue, à supposer qu'elle soit admissible à
la lumière de l'art. 199 CO, fait obstacle aux droits que l'acheteur
peut déduire du régime légal de la garantie pour les défauts (art.
197 ss CO). En outre, selon une jurisprudence déjà ancienne (ATF 91
II 275 consid. 2b) approuvée par la doctrine (cf. HANS GIGER,
Commentaire bernois, n. 25 ad art. 199 CO; HEINRICH HONSELL,
Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 199 CO), l'acheteur qui accepte de
conclure la vente malgré la présence d'une clause de ce type assume
le risque que soient absentes les qualités de la chose pour
lesquelles il n'a pas obtenu de garantie, de sorte que la loyauté
commerciale ne lui permet plus de considérer la présence de telles
qualités comme un élément nécessaire du contrat et d'invoquer sur ce
point l'erreur de base instaurée par l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO. Il n'y
a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, sous peine de retirer
tout effet pratique aux clauses d'exclusion de garantie, auxquelles
l'acheteur pourrait toujours échapper (cf. HANS GIGER, op. cit., n.
24 ad art. 199 CO).
Autrement dit, selon ce que recouvre l'exclusion de garantie
susmentionnée, la demanderesse ne pourra ni faire valoir les droits
spécifiques que les art. 205 à 209 CO reconnaissent à l'acheteur ni
invalider la vente pour erreur qualifiée sur les motifs.
Quant à l'erreur sur la chose (error in corpore; art. 24 al. 1 ch.
2 CO), quoi qu'en pense la recourante, elle n'entre pas en ligne de
compte in casu, dès lors que le vase qu'elle a acheté était
réellement, comme il était spécifié dans le contrat, une oeuvre
authentique de Gallé appartenant à la série dite "vase de tristesse".
Or, seule la méprise portant sur l'identité de la chose constitue ce
cas d'erreur (par. ex. livraison d'un aliud à l'acheteur), mais
nullement celle afférente à certaines qualités ou propriétés d'une
chose individualisée (ATF 57 II 284 consid. 2 p. 288; BRUNO
SCHMIDLIN, Commentaire bernois, n. 410 à 412 ad art. 23/24 CO;
INGEBORG SCHWENZER, Commentaire bâlois, n. 12 ad art. 24 CO).
4.- a) A propos de la validité des clauses exclusives ou
limitatives de la responsabilité, l'art. 199 CO prévoit que toute
clause qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur
a frauduleusement dissimulé à l'acheteur les défauts de la chose. La
controverse sur le point de savoir si de telles clauses doivent
également respecter la règle générale de l'art. 100 al. 1 CO n'a pas
à être tranchée en l'espèce (cf. HANS GIGER, op. cit., n. 6 ad art.
199 CO). De plus, ces clauses ne sauraient être invoquées à
l'encontre d'un défaut de la chose vendue totalement étranger aux
éventualités qu'un acheteur raisonnable doit prendre en compte (ATF
107 II 161 consid. 6d; 72 II 267 consid. 3 p. 269).
b) En l'occurrence, il a été constaté définitivement (art. 63 al. 2
OJ) que la défenderesse n'a pas eu connaissance de l'altération subie
par le vase avant qu'elle en devienne propriétaire. Profane en
matière d'art en général, elle n'avait en outre aucune raison de
douter des qualités de l'objet que lui avait donné sa soeur. Partant,
l'intimée n'a pas sciemment celé des vices rédhibitoires. Elle n'a
pas non plus délibérément attribué à la chose vendue des qualités
inexistantes, puisque le vase acquis par la demanderesse, décrit dans
le contrat comme "vase de tristesse", est bel et bien une oeuvre du
verrier Gallé. La clause d'exclusion convenue par les parties est
donc valable au regard de l'art. 199 CO.
c) On ne saurait en outre considérer que les altérations de forme
qui résultent des travaux réalisés sur le vase de Gallé afin de faire
disparaître une fissure ne pouvaient être raisonnablement attendues
par l'acheteuse. De fait, il s'agissait d'un vase conçu en 1903, dont
on ignorait combien de personnes, avant la soeur de la défenderesse,
en avaient eu la maîtrise effective ainsi que les conditions dans
lesquelles l'objet avait été entreposé. Dans ces circonstances, la
clause restreignant la garantie figurant dans le contrat de vente ne
saurait être déclarée non-valable en raison de la nature du défaut.
5.- a) La détermination de la portée d'une clause excluant ou
limitant la responsabilité du vendeur ressortit à l'interprétation du
contrat (ATF 109 II 24 consid. 4). Dans la mesure où la volonté
réelle et commune des parties n'a pas pu être constatée, la clause en
question doit être interprétée selon la théorie de la confiance (HANS
GIGER, op. cit., n. 10 ad art. 199 CO). Comme la clause doit exprimer
clairement la volonté des parties, elle doit être interprétée
restrictivement (ATF 109 II 24 ibidem ; 91 II 344 consid. 2a).
b) En l'espèce, la cour cantonale n'a en aucun cas déterminé la
volonté réelle des parties au sujet de la portée de la clause
limitative


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.169/1999
Date de la décision : 07/12/1999
1re cour civile

Analyses

Contrat de vente; limitation de la garantie du vendeur (art. 197 et 199 CO). Distinction entre la représentation directe et indirecte (consid. 1). L'exclusion de la garantie interdit à l'acheteur de considérer comme un élément nécessaire du contrat la présence des qualités de la chose pour lesquelles il n'a pas obtenu de garantie (confirmation de la jurisprudence) (consid. 2 et 3). Validité de la clause limitative de responsabilité au regard de l'art. 199 CO (consid. 4). Interprétation de la clause restreignant la garantie du vendeur selon la théorie de la confiance (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-12-07;4c.169.1999 ?
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