125 II 569
58. Arrêt de la Ie Cour de droit public du 2 décembre 1999 dans la
cause Marcello Ghiringhelli contre Office fédéral de la police
(recours de droit administratif)
Par note verbale du 9 mars 1999, l'Ambassade d'Italie à Berne a
demandé l'extradition de Marcello Ghiringhelli, ressortissant italien
placé en détention extraditionnelle à La Chaux-de-Fonds. La demande,
fondée sur l'art. 16 de la Convention européenne d'extradition,
conclue à Paris le 13 décembre 1957, entrée en vigueur le 4 novembre
1963 pour l'Italie et le 20 mars 1967 pour la Suisse (CEExtr.; RS
0.353.1), était présentée pour l'exécution d'une peine de réclusion à
vie et d'une amende de 4'000'000 LIT, prononcées contre Ghiringhelli
selon les jugements rendus le 3 juillet 1985 par la Cour d'assises
d'appel de Turin, le 28 novembre 1985 par la Cour d'assises d'appel
de Milan et le 3 juin 1986 par la Cour d'assises de Naples. A la
demande étaient joints un ordre d'exécution des peines, daté du 5
février 1999, un exposé des faits, ainsi qu'une copie des jugements
de condamnation et des dispositions pénales visées. Ghiringhelli a
été reconnu coupable d'actes tendant à la subversion de l'Etat, ainsi
que d'homicides, de délits patrimoniaux et administratifs, tous liés
à sa participation aux activités de l'organisation communément
désignée sous le nom des Brigades rouges.
Le 10 août 1999, l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office
fédéral) a accordé l'extradition de Ghiringhelli à la République
italienne.
Saisi d'un recours de droit administratif formé par Ghiringhelli
contre cette décision, le Tribunal fédéral a accordé l'extradition
pour tous les délits visés dans la demande du 9 mars 1999.
Extraits des considérants:
5.- Dans un deuxième moyen tiré de la double incrimination, le
recourant soutient que cette condition ne serait pas remplie pour ce
qui concerne les délits réprimés par les art. 276ss CP it.
a) Le Titre premier du Livre Deuxième du Code pénal italien réprime
les délits contre l'Etat ("Delitti contro la personalità dello
Stato"). Ce Titre premier est lui-même divisé en cinq Chapitres,
traitant des délits contre l'Etat dans ses rapports internationaux
(Chapitre I, "Delitti contro la personalità internazionale dello
Stato", art. 241-275 CP it.); des délits contre l'Etat et ses organes
(Chapitre II, "Delitti contro la personalità interna dello Stato",
art. 276-293 CP it.); des délits commis contre les droits politiques
des citoyens (Chapitre III, art. 294 CP it.) et des délits commis
contre les Etats étrangers, leurs chefs et leurs représentants
(Chapitre IV, art. 295-300 CP it.). Quant au Chapitre V, il contient
des dispositions générales et communes aux quatre chapitres
précédents (art. 301-313 CP it.).
6.- Il reste à examiner si la condition de la double incrimination
est réalisée pour les autres chefs visés dans la demande et cela
malgré le fait que le recourant ne critique pas la décision attaquée
sous cet angle. En effet, contrairement à ce qui prévaut dans le
domaine de l'entraide judiciaire, la condition de la double
incrimination doit être remplie pour chacune des infractions faisant
l'objet de la demande d'extradition (ATF 87 I 195 consid. 2 p. 200).
a) Cette exigence est manifestement remplie pour les délits
consistant à établir de fausses pièces d'identité, de faux permis de
conduire et de circulation, de fausses plaques minéralogiques, au
regard de l'art. 252 CP et, subsidiairement, de l'art. 97 LCR (chefs
no197 et 198 retenus par le jugement du 28 novembre 1985; chefs no80
et 89 retenus par le jugement du 3 juin 1986). Le fait de dérober un
document d'identité, puis de le modifier pour en faire usage (chefs
no197 et 198 retenus par le jugement du 28 novembre 1985), constitue,
en droit italien, un délit spécial d'usurpation d'identité; il
tomberait en Suisse sous le coup de l'usage de faux certificats au
sens de l'art. 252 al. 2 CP. De même, les délits visés aux art. 624
CP it. ("furto", avec les circonstances aggravantes de l'art. 625 CP
it.; chef no78 retenu par le jugement du 3 juin 1986); 628 CP it.
("rapina"; chefs C et C3 retenu par le jugement du 3 juillet 1985;
chefs no79 et 82 retenus par le jugement du 3 juin 1986); 610 CP it.
("violenza privata"; chef no81 retenu par le jugement du 3 juin
1986); 575 CP it. ("omicidio"; chef C2 retenu par le jugement du 3
juillet 1985 et chef no83 retenu par le jugement du 3 juin 1986; cf.
arrêt D., précité, consid. 5a); 575 CP it., mis en relation avec les
art. 577 et 61 al. 4 CP it. ("omicidio aggravato"; chef no84 retenu
par le jugement du 3 juin 1986; cf. l'arrêt D., précité, consid. 5a)
et 635 CP it. ("danneggiamento"; chef no86 retenu par le jugement du
3 juin 1986), trouvent leur équivalent aux art. 139 CP (vol), 140 CP
(brigandage), 181 CP (contrainte), 111 CP (homicide), 112 CP
(assassinat) et 144 CP (dommages à la propriété).
b) Jusqu'à récemment, la détention et le port d'armes sans
autorisation étaient réprimés en Suisse par des contraventions; ces
infractions ne donnaient pas lieu, en tant que tels, à l'extradition,
à moins
9.- Le recourant ne s'est pas prévalu de l'art. 3 CEExtr. excluant
l'extradition lorsque l'infraction est de caractère politique. C'est
la raison pour laquelle l'Office fédéral a statué lui-même sur
l'ensemble des griefs qui lui étaient soumis et n'a pas directement
transmis la cause au Tribunal fédéral selon l'art. 55 al. 2 de la loi
fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière
pénale (EIMP; RS 351.1), se bornant à affirmer, sans autre examen,
que les faits visés dans la demande ne pouvaient être considérés
comme des infractions politiques. Ce nonobstant et compte tenu du
caractère particulier du délit politique, il se justifie de déroger à
la règle et de vérifier d'office si ce motif s'oppose à l'extradition.
a) Aux termes de l'art. 3 al. 1 CEExtr., l'extradition ne sera pas
accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est
considérée par l'Etat requis comme une infraction politique ou comme
un fait connexe à une telle infraction (cf. aussi l'art. 3 al. 1
EIMP, de portée analogue). L'application de l'art. 3 CEExtr.
n'affecte pas les obligations contractées par les Etats parties aux
termes de toute autre convention internationale de caractère
multilatéral (art. 3 al. 4 CEExtr.). Entre dans cette catégorie la
Convention européenne pour la répression du terrorisme, conclue à
Strasbourg le 27 janvier 1977 et entrée en vigueur pour la Suisse le
20 août 1983 et le 1er juin 1986 pour l'Italie (CERT; RS 0.353.3),
dont l'art. 3 précise que, pour ce qui concerne les relations
extraditionnelles entre les Etats parties à cette Convention, les
autres traités et accords liant ces Etats, y compris la CEExtr., sont
modifiés dans la mesure où leurs dispositions sont incompatibles avec
la CERT. Il n'y a pas lieu en revanche de prendre en considération le
Premier Protocole additionnel à la CEExtr., conclu à Strasbourg le 15
octobre 1975 (RS 0.353.11), dont l'art. 1er précise la portée du
délit politique, car, à la différence de la Suisse, la République
italienne n'a pas ratifié ce Protocole (cf. consid. 1a ci-dessus).
b) Ni la CEExtr., ni la CERT ne définissant la notion de délit
politique, les Etats parties disposent à cet égard d'un large pouvoir
d'appréciation (ATF 115 Ib 68 consid. 5 p. 84). Le Tribunal fédéral
10.- Il convient encore d'examiner si l'extradition ne doit pas
également être accordée pour les délits visés aux art. 270 et 270bis
CP it., mis en relation avec les art. 302 et 306 CP it., malgré leur
caractère de délits politiques absolus.
a) et b) (L'application de l'art. 3 al. 2 EIMP, selon le principe
de faveur, ne conduirait pas à accorder l'extradition, les conditions
fixées par cette norme pour déroger à la protection du délit
politique n'étant pas réalisées en l'espèce).
c) (...) L'exclusion de l'extradition du recourant pour les délits
politiques absolus réprimés par les art. 306 CP it., mis en relation
avec