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02/11/1999 | SUISSE | N°2A.444/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 1999, 2A.444/1998


125 II 497

50. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 novembre
1999 dans la cause Claude Tamborini contre Autorité indépendante
d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (recours de
droit administratif)
Le 3 novembre 1997, la Télévision suisse romande a consacré son
émission «Droit de Cité» à l'élection du Conseil d'Etat genevois du
16 novembre 1997.
Tous les candidats à cette élection avaient été invités à y
participer, y compris Claude Tamborini, lui-même candidat sur la
liste de l'Allian

ce des citoyens contribuables, et avaient été
informés du déroulement des débats: les dix candidats ...

125 II 497

50. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 novembre
1999 dans la cause Claude Tamborini contre Autorité indépendante
d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (recours de
droit administratif)
Le 3 novembre 1997, la Télévision suisse romande a consacré son
émission «Droit de Cité» à l'élection du Conseil d'Etat genevois du
16 novembre 1997.
Tous les candidats à cette élection avaient été invités à y
participer, y compris Claude Tamborini, lui-même candidat sur la
liste de l'Alliance des citoyens contribuables, et avaient été
informés du déroulement des débats: les dix candidats des partis
représentés au Parlement cantonal seraient présents sur le plateau,
tandis que les candidats des deux formations restantes, dont
l'Alliance des citoyens contribuables, se verraient assigner des
sièges dans le public et disposeraient d'un temps d'intervention
limité sur chacun des thèmes abordés dans l'émission.
Par lettre du 24 octobre 1997, Claude Tamborini a refusé de
participer à l'émission, expliquant en substance qu'on ne lui
réservait pas une place équitable.
En introduction de l'émission, le présentateur a informé le public
de l'absence de l'intéressé en mentionnant les motifs de celle-ci. Il
n'a toutefois pas donné lecture du courrier précité, contrairement à
ce que lui avait demandé Claude Tamborini.
Par décision du 3 avril 1998, l'Autorité indépendante d'examen des
plaintes en matière de radio-télévision (ci-après: l'Autorité de
plainte) a rejeté la plainte par laquelle Claude Tamborini critiquait
en particulier, sous l'angle du reflet équitable de la diversité des
opinions, le traitement différent que le diffuseur avait réservé aux
divers candidats à l'élection du Conseil d'Etat.
Agissant le 9 septembre 1998 par la voie du recours de droit
administratif, Claude Tamborini demande au Tribunal fédéral d'annuler
la décision du 3 avril 1998 de l'Autorité de plainte, de constater la
violation du droit des programmes faisant l'objet du présent recours
Extrait des considérants:
1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125 I 14 consid. 2a
p. 16, 253 consid. 1a p. 254).
aa) Selon la jurisprudence, l'Autorité de plainte est habilitée à
examiner les plaintes concernant les émissions diffusées (voir art.
58 al. 2, 60 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 1991 sur la radio et
la télévision [LRTV; RS 784.40] et Message du Conseil fédéral du 28
septembre 1987 relatif à la LRTV, FF 1987 III 688), mais est
incompétente pour traiter des litiges portant sur le droit d'accès
aux médias.
En l'espèce, l'Autorité de plainte a reconnu à juste titre sa
compétence, car l'objet du litige n'est pas le droit d'antenne - la
SSR ayant offert au recourant de participer à l'émission incriminée
-, mais bien la manière dont ladite émission a été aménagée quant aux
conditions et au temps de parole octroyés aux participants.
bb) La qualité pour recourir contre une décision de l'Autorité de
plainte se détermine exclusivement selon l'art. 103 OJ et ne résulte
pas simplement de la participation à la procédure devant cette
autorité. Conformément à l'art. 103 lettre a OJ, le recourant doit
être touché par la décision attaquée plus que la généralité des
administrés et le rapport qu'il a avec l'objet du litige doit être
particulier et digne d'être pris en considération; le recourant doit
avoir un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée (ATF 123 II 115 consid. 2a p.
117; 121 II 359 consid. 1a p. 361, 454 consid. 1a p. 455; BERNARD
CORBOZ, Le contrôle populaire des émissions de la radio et de la
télévision, Mélanges Patry, Lausanne 1988, p. 279 ss spéc., p. 291
ss).
En l'espèce, le recourant est personnellement touché par la
décision attaquée, plus qu'un quelconque téléspectateur. En effet, il
a été invité à participer aux débats litigieux en raison de sa
candidature à l'élection traitée par l'émission et son absence a fait
l'objet d'une information en début d'émission.
Le droit de recours suppose encore, conformément à la jurisprudence
relative à l'art. 103 lettre a OJ, un intérêt actuel et pratique à
obtenir l'annulation de la décision attaquée, à moins que la
contestation ne puisse se reproduire en tout temps dans des
circonstances identiques ou analogues et que sa nature ne permette
pas de la soumettre
2.- a) Selon les art. 3 et 4 LRTV, qui concrétisent l'art. 55bis
Cst., la radio et la télévision doivent dans l'ensemble contribuer à
la libre formation de l'opinion des auditeurs et des téléspectateurs,
leur fournir une information générale diversifiée et fidèle, pourvoir
à leur formation générale et à leur divertissement, et développer
leurs connaissances civiques (art. 3 al. 1 lettre a LRTV). Considérés
dans leur ensemble, les programmes offerts dans une zone de diffusion
ne doivent privilégier aucun parti ou groupe d'intérêts, ni aucune
idéologie ou doctrine (art. 3 al. 2 LRTV). Les programmes présentent
fidèlement les événements; ils reflètent équitablement la pluralité
de ceux-ci ainsi que la diversité des opinions (art. 4 al. 1er LRTV);
les vues personnelles et les commentaires doivent être identifiables
comme tels (art. 4 al. 2 LRTV). Par ailleurs, selon l'art. 26 al. 2
LRTV, la SSR tient compte, au travers de l'ensemble de ses
programmes, des particularités du pays et des besoins des cantons.
Elle contribue en particulier, par une conception équilibrée des
programmes, à la libre formation de l'opinion publique, notamment en
adoptant une politique d'information fidèle qui accorde la priorité
aux événements d'intérêt national ou aux événements relatifs à la
région linguistique concernée (lettre b) (voir aussi ATF 123 II 402
consid. 2b p. 406 ss et 122 II 471 consid. 4 p. 478 ss).
L'indépendance et l'autonomie de la SSR en matière de programmes
est de plus régie par l'art. 5 LRTV, selon lequel:

"1Les diffuseurs conçoivent librement leurs programmes. Ils en
assument
la responsabilité.
2Sauf disposition contraire du droit fédéral, les diffuseurs ne
sont liés
par aucune instruction des autorités fédérales, cantonales ou
communales.
3.- a) Le recourant soutient en premier lieu que la SSR a violé
son devoir d'objectivité en ne lui accordant pas les mêmes conditions
de parole, de présence et d'intervention à l'écran que celles
octroyées aux autres candidats provenant des partis représentés au
Grand Conseil. Or, le candidat, inconnu, d'un nouveau parti politique
doit justement se faire connaître comme tel - contrairement aux élus
qui ont eu la durée de leur mandat pour se manifester - et mériterait
même, de ce fait, un temps d'antenne supérieur. Par ailleurs, le mode
de faire adopté par la SSR est d'autant moins admissible en
l'occurrence que le nombre peu élevé des candidats (quatorze)
permettait un tour de table dont la durée n'aurait pas excédé les
limites du temps de l'émission. Enfin, les directives de la SSR en
matière d'élections fédérales ne sauraient s'appliquer aux élections
cantonales.
b) aa) L'indépendance et l'autonomie de la SSR dans la conception
de ses programmes ne peuvent s'exercer que dans le cadre des
prescriptions étatiques (art. 55bis Cst., art. 5 LRTV). En
particulier, ainsi qu'on l'a vu, la SSR a pour mandat de contribuer à
la libre formation de l'opinion publique, par une information fidèle
notamment (art. 26 al. 2 lettre b LRTV). Elle n'est donc pas déliée
d'une responsabilité spécifique dans le processus de formation de la
volonté politique, d'autant que les émissions de caractère politique
ont une action certaine sur l'opinion et sont de nature à influencer
les résultats des votations et élections (cf. ATF 98 Ia 73 consid. 3c
p. 82;
4.- En second lieu, le recourant se plaint de ce que seul un
résumé de sa lettre d'explication du 24 octobre 1997 a été présenté à
l'antenne. Il souligne à cet égard que le temps qui lui avait été
imparti initialement aurait dû être utilisé intégralement à cet effet.
Cependant, l'exigence d'objectivité et de reflet équitable des
opinions n'obligeait en rien le diffuseur à réserver un droit
d'antenne au recourant en dépit du refus de celui-ci de participer à
l'émission, ni à transmettre aux téléspectateurs l'intégralité du
courrier en cause (art. 5 al. 3 LRTV). Il était en tout cas suffisant
que l'animateur en expose la substance, pourvu que ce compte-rendu
soit objectif, ce que le recourant n'a pas contesté (cf. ATF 119 Ib
166 consid. 3b p. 171, selon lequel le public doit être informé de
manière appropriée de la motivation d'une personne qui refuse sa
collaboration ou s'oppose à la diffusion d'une émission qui lui est
consacrée).
Ce grief doit donc également être écarté. En conséquence, le
recours est mal fondé et doit être rejeté.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.444/1998
Date de la décision : 02/11/1999
2e cour de droit public

Analyses

Art. 55bis Cst.; art. 3, 4, 5 et 26 al. 2 LRTV; droit à des conditions et à un temps d'antenne déterminés; élection à un exécutif cantonal. Recevabilité du recours; compétence de l'Autorité de plainte pour revoir l'aménagement d'une émission quant aux conditions et au temps de parole octroyés aux participants (consid. 1). Étendue et limites de l'autonomie de la SSR dans la conception d'émissions traitant d'élections et de votations, en particulier d'élections à un exécutif cantonal. Application du principe de l'égalité des chances électorales (consid. 2 et 3). Celui qui refuse de participer à une émission ne peut exiger davantage que celle-ci présente objectivement les motifs de ce refus (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-11-02;2a.444.1998 ?
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