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30/09/1999 | SUISSE | N°4C.219/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 septembre 1999, 4C.219/1999


126 III 14

5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 30 septembre 1999
dans la cause Epoux M. contre l'Etat de Berne (recours en réforme)
A.- Le 17 juillet 1995, Les époux M. descendaient du Chasseral,
avec leurs deux chiens de race Samoyède tenus en laisse, par un
sentier qui n'est pas indiqué comme chemin pédestre. Ce sentier
traverse un pâturage, clôturé par un fil de fer barbelé, où se
trouvaient, en stabulation libre, 25 vaches allaitantes avec leurs
veaux; ce bétail appartenait aux Etablissements pénitentiaires de
Witzw

il, qui sont un service du canton de Berne. Pour accéder au
pâturage, il fallait passer ...

126 III 14

5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 30 septembre 1999
dans la cause Epoux M. contre l'Etat de Berne (recours en réforme)
A.- Le 17 juillet 1995, Les époux M. descendaient du Chasseral,
avec leurs deux chiens de race Samoyède tenus en laisse, par un
sentier qui n'est pas indiqué comme chemin pédestre. Ce sentier
traverse un pâturage, clôturé par un fil de fer barbelé, où se
trouvaient, en stabulation libre, 25 vaches allaitantes avec leurs
veaux; ce bétail appartenait aux Etablissements pénitentiaires de
Witzwil, qui sont un service du canton de Berne. Pour accéder au
pâturage, il fallait passer une ouverture en triangle et, pour en
sortir, ouvrir un fil électrifié au moyen d'une griffe isolante.
Lorsque les époux M. ont pénétré dans le pâturage avec leurs
chiens, les vaches, qui étaient couchées à une centaine de mètres
environ, ont commencé à mugir et se sont rapidement rapprochées.
Prenant peur, les époux M. ont lâché leurs chiens. Au lieu de
s'éloigner, ceux-ci se sont mis à courir autour de leurs maîtres. Les
vaches, très excitées, ont bousculé, renversé et piétiné les époux M.
Ceux-ci ont été gravement blessés.
Le lendemain de l'accident, le vétérinaire d'arrondissement a
constaté que les vaches avaient un comportement normal. Les tests
effectués par la police ont montré qu'elles adoptaient immédiatement
un comportement typique de défense de leur progéniture en présence
d'un chien, mais qu'elles ne manifestaient pas d'hostilité à l'égard
des personnes. Le troupeau était placé sous la surveillance d'un
berger expérimenté, qui l'inspectait deux fois par jour. Il n'a pas
été établi qu'un accident de ce genre se soit déjà produit ailleurs.
Le matin du 17 juillet 1995, les vaches-mères étaient calmes.

B.- Les époux M. ont introduit une action en paiement fondée sur
l'art. 56 CO contre l'Etat de Berne. Les tribunaux bernois ont
Extrait des considérants:
1.- a) Il n'est pas contesté que les animaux en cause, appartenant
au canton, n'étaient pas utilisés en l'espèce dans l'accomplissement
d'une tâche d'autorité, de sorte que la responsabilité du détenteur
relève de l'art. 56 CO et qu'il s'agit bien d'une contestation civile
(cf. ATF 115 II 237 consid. 2c). Le défendeur ne remet pas en
question sa qualité de détenteur au sens de cette dernière
disposition.
b) La responsabilité du détenteur d'un animal, prévue par l'art. 56
CO, est indépendante de toute faute, mais elle suppose une violation
objective du devoir de diligence incombant à l'intéressé
(OFTINGER/STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, II/1, 4ème éd., §
21, no 3 p. 357 s.; ROLAND BREHM, Commentaire bernois, no 38 ad art.
56 CO; ANTON K. SCHNYDER, Commentaire bâlois, no 1 ad art. 56 CO;
PIERRE WIDMER, in Münch/Geiser, Schaden-Haftung-Versicherung, no
2.13; ALFRED KELLER, Haftpflicht im Privatrecht, I, 5ème éd., p. 161).
Le détenteur ne peut être amené à répondre du fait de son animal
que si l'on parvient à la conclusion, à la suite d'une analyse
purement objective, qu'il n'a pas déployé toute la diligence
commandée par les circonstances. Il faut donc pouvoir indiquer ce
qu'il devait faire ou ne pas faire. Par exemple, s'agissant d'un
chien, le détenteur doit prendre les mesures adéquates pour que
l'animal ne puisse pas sortir d'une propriété et s'engager sur la
route toute proche (cf. ATF 110 II 136 consid. 2b) ou il doit
interdire clairement au public l'accès à un jardin où se trouve un
animal dangereux (ATF non publié du 25 septembre 1984 dans la cause
4C.210/1984, consid. 2c).
La diligence due se détermine au regard de l'ensemble des
circonstances concrètes. Ainsi, on peut exiger davantage d'un
détenteur qui sait, en raison d'un précédent, que son animal est
agressif (cf. ATF 81 II 512 consid. 3).
Comme il résulte implicitement de l'argumentation des recourants
qui se réfèrent à la jurisprudence en matière de risque d'avalanche
(cf. ATF 122 IV 193 consid. 2a; 117 IV 415 consid. 5a et 6a; 115 IV
189 consid. 3a), la détermination de la diligence due a donné lieu à
une jurisprudence abondante dans le domaine pénal, qui peut être
largement transposée ici.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.219/1999
Date de la décision : 30/09/1999
1re cour civile

Analyses

Responsabilité du détenteur d'un animal (art. 56 CO). La responsabilité d'une collectivité publique pour le dommage causé par des animaux lui appartenant, non utilisés dans l'accomplissement d'une tâche d'autorité, relève du droit privé (consid. 1a). Critères d'appréciation du devoir de diligence du détenteur d'un animal (consid. 1b). Examen en l'espèce de l'étendue du devoir de diligence incombant au propriétaire d'un troupeau de vaches allaitantes, en stabulation libre dans un pâturage, ayant piétiné un couple de promeneurs accompagnés de chiens. Admission de la preuve libératoire de l'art. 56 al. 1 in fine CO, vu en particulier le caractère extraordinaire de l'accident (consid. 1c).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-09-30;4c.219.1999 ?
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