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21/05/1999 | SUISSE | N°U.328/98

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 1999, U.328/98


125 V 307

48. Arrêt du 21 mai 1999 dans la cause R. contre Zurich Compagnie
d'Assurances SA et Tribunal des assurances du canton du Valais
(voir aussi ATF 125 V 237)
A.- R., née en 1953, s'est mariée en 1974. Cinq enfants sont nés
de cette union, de 1974 à 1985. En 1989, la famille s'est installée
en Valais. La mésentente des époux s'est aggravée. L'épouse vivait
recluse au domicile conjugal. Les disputes étaient fréquentes. Le
mari se montrait brutal et exerçait des sévices sur la personne de sa
femme.
Le 30 janvier 1993, l

e mari s'en est pris violemment à son épouse.
Il lui a lancé un couteau de boucher qui l'a a...

125 V 307

48. Arrêt du 21 mai 1999 dans la cause R. contre Zurich Compagnie
d'Assurances SA et Tribunal des assurances du canton du Valais
(voir aussi ATF 125 V 237)
A.- R., née en 1953, s'est mariée en 1974. Cinq enfants sont nés
de cette union, de 1974 à 1985. En 1989, la famille s'est installée
en Valais. La mésentente des époux s'est aggravée. L'épouse vivait
recluse au domicile conjugal. Les disputes étaient fréquentes. Le
mari se montrait brutal et exerçait des sévices sur la personne de sa
femme.
Le 30 janvier 1993, le mari s'en est pris violemment à son épouse.
Il lui a lancé un couteau de boucher qui l'a atteinte à la cuisse;
elle a été hospitalisée du 31 janvier au 8 février 1993 à la suite de
l'intervention du frère de la blessée qui avait alerté la police. La
patiente présentait un état de malnutrition et de multiples
hématomes, d'âge variable, sur tout le corps.
Après cette hospitalisation, l'épouse a encore été frappée par son
mari, au moins deux fois; elle a été insultée et menacée de mort.
Le 15 mars 1993, l'époux est rentré énervé de son travail,
proférant des méchancetés envers sa femme. En fin de soirée, il l'a
approchée, muni d'un
Considérant en droit:
1.- a) Aux termes de l'art. 38 al. 1 LAA, si un survivant a
provoqué intentionnellement le décès de l'assuré, il n'a pas droit
aux prestations en espèces. Cette disposition reprend la solution
jadis consacrée à l'art. 98 al. 2 LAMA.
b) En l'espèce, la juridiction cantonale s'est fondée sur le
caractère intentionnel de l'homicide commis sur la personne du mari
de la recourante pour lui refuser tout droit à une rente de conjoint
survivant.
Celle-ci conteste ce point de vue en faisant valoir que selon les
constatations du juge pénal, elle a agi sous l'empire d'un état de
nécessité putatif excusable, c'est-à-dire en croyant par erreur se
trouver dans une situation de fait constituant l'état de nécessité au
sens de l'art. 34 CP. Selon elle, l'état de nécessité putatif est
proche de la légitime défense, laquelle permet l'acquittement même si
l'homicide est intentionnel. En d'autres termes, la recourante estime
que la solution des premiers juges est profondément injuste, dans la
mesure où elle priverait un survivant de tout droit à une rente même
s'il a agi en état de légitime défense, alors que, par exemple, celui
qui commet un accident en état d'ébriété et se retrouve lui-même
paralysé se voit octroyer une rente d'invalidité, éventuellement
réduite. Elle conclut que l'art. 38 al. 1 LAA est entaché d'une
lacune - qu'il appartient au juge de combler - en ce sens que ni son
cas, ni celui de la légitime défense suivi d'un acquittement n'ont
été envisagés par le législateur.
2.- a) (Interprétation de la loi; cf. ATF 124 V 189 consid. 3a et
les références)
b) L'art. 38 al. 1 LAA étant incontestablement un texte clair, il
convient d'examiner s'il existe des raisons objectives permettant de
penser qu'il ne restitue pas le sens véritable de la norme en cause.
c) Cette disposition légale trouve son fondement dans le principe
d'assurance. Celui-ci sous-tend de manière plus ou moins marquée
l'ensemble des branches des assurances sociales fédérales mais joue
en plein dans l'assurance-accidents obligatoire, comme le montrent le
classement des entreprises dans les classes et degrés du tarif des
primes, ainsi que le lien existant entre les indemnités journalières
et les rentes, d'une part, et le gain assuré, d'autre part
(MEYER-BLASER, Allgemeine Einführung/Übersicht in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], n. 46 ad ch. 17). Or, par nature, une
assurance couvre les conséquences d'événements dont la survenance
3.- a) En l'espèce, le juge pénal a reconnu R. coupable de meurtre
passionnel (art. 113 CP), en raison de l'état de profond désarroi
dans lequel elle se trouvait lorsqu'elle a abattu son mari: seule,
fréquemment battue, sans soutien, vivant dans un pays où elle ne
pouvait nouer des contacts sociaux en raison de l'attitude égoïste de
son époux, elle avait été amenée à agir afin d'échapper à la cruauté
de son mari, lequel, pensait-elle, était fermement décidé à la tuer.
Par ailleurs, il a jugé que la recourante avait agi en état de
nécessité putatif (art. 19 et 34 CP), dans la mesure où elle s'était
crue, par erreur, confrontée à un danger impossible à détourner
autrement que par l'accomplissement d'un meurtre. Etant donné les
autres moyens dont elle disposait objectivement pour écarter le
danger (la fuite, la demande de protection de la police, des services
sociaux, des autorités judiciaires, d'un avocat, de sa famille ou de
celle de son mari), son geste a été considéré néanmoins comme
disproportionné, de sorte que le juge pénal a nié le caractère non
punissable de l'infraction. Il a toutefois atténué la peine, compte
tenu du fait que l'erreur était excusable (ATF 122 IV 7 sv. consid.
4).
b) Sur le vu de ces constatations de fait - dont il n'existe pas de
motif de s'écarter - il est incontestable que la recourante a agi
intentionnellement, c'est-à-dire avec conscience et volonté (cf. ATF
112 V 159 consid. 4, 111 V 202 consid. 2a; DTA 1992 no 7 p. 105
consid. 4a). A cet égard, le fait qu'elle a été reconnue coupable de
meurtre passionnel ne change rien même si, par définition, l'auteur
bénéficie de circonstances atténuantes propres aux éléments
constitutifs de cette infraction.
4.- L'intimée a conclu à l'allocation de dépens. Bien qu'elle
obtienne gain de cause, elle ne saurait en prétendre, aucune
indemnité pour les frais de procès n'étant allouée, en règle
générale, aux organismes chargés de tâches de droit public (art. 159
al. 2 in fine OJ; ATF 118 V 169 sv. consid. 7 et les références).


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.328/98
Date de la décision : 21/05/1999
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 38 al. 1 LAA: faute d'un survivant. Droit à une rente de conjoint survivant de l'assurance-accidents obligatoire nié dans le cas d'une femme reconnue coupable de meurtre passionnel (art. 113 CP) sur la personne de son mari.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-05-21;u.328.98 ?
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