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26/04/1999 | SUISSE | N°2P.262/1997

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 1999, 2P.262/1997


125 I 209

21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 26 avril
1999 dans la cause JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA et Decaux SA
contre Ville de Genève, Etat de Genève et Société Générale
d'Affichage (recours de droit public)
Le Département des travaux publics et de l'énergie du canton de
Genève et la Ville de Genève ont fait paraître dans la Feuille d'avis
officielle du canton de Genève du 30 septembre 1996 un avis de
soumission publique ouvrant «une inscription pour la mise en
soumission du droit exclusif:

a) d'apposer de la publicité par voie d'affichage sur le domaine
public et sur le domaine pat...

125 I 209

21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 26 avril
1999 dans la cause JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA et Decaux SA
contre Ville de Genève, Etat de Genève et Société Générale
d'Affichage (recours de droit public)
Le Département des travaux publics et de l'énergie du canton de
Genève et la Ville de Genève ont fait paraître dans la Feuille d'avis
officielle du canton de Genève du 30 septembre 1996 un avis de
soumission publique ouvrant «une inscription pour la mise en
soumission du droit exclusif:
a) d'apposer de la publicité par voie d'affichage sur le domaine
public et sur le domaine patrimonial vu du domaine public de la Ville
de Genève et du canton de Genève au sens de l'art. 2, al. 2, de la
loi sur les routes; b) d'exploiter publicitairement les panneaux de
chantiers placés sur les voies publiques». Un cahier des charges a
été communiqué aux candidats intéressés, ainsi que divers
renseignements complémentaires.
Quatre sociétés, dont la société JC Decaux Mobilier Urbain Genève
SA, à Genève (ci-après: JC Decaux SA), et la Société Générale
d'Affichage (SGA), ont déposé leurs offres. Celles-ci ont été
dépouillées le 6 novembre 1996 en présence du Conseil administratif
de la Ville de Genève et d'un représentant de l'Etat de Genève, ainsi
que des représentants des soumissionnaires.
Par courrier du 20 août 1997 adressé au Président du Conseil
d'Etat, JC Decaux SA a demandé la récusation des deux Conseillers
d'Etat qui avaient assisté à un entretien qui avait eu lieu le 8
juillet 1997 avec une délégation de la Ville de Genève pour discuter
de la concession du monopole d'affichage en question.
Par arrêté du 27 août 1997, le Conseil d'Etat du canton de Genève a
concédé à la Société Générale d'Affichage le droit exclusif d'apposer
de la publicité par voie d'affichage sur le domaine public et sur le
domaine patrimonial vu du domaine public de la Ville et du canton de
Genève, ainsi que d'exploiter publicitairement les clôtures de
chantiers mises en place sur le domaine public ou privé, et ce pour
une durée de dix ans à compter du 1er janvier 1998, conformément aux
droits et obligations et selon les modalités découlant de la
convention à signer ultérieurement par les parties en cause. Dans la
même décision, le Conseil d'Etat a pris acte de la récusation
volontaire des Conseillers d'Etat, Jean-Philippe Maître et Philippe
Joye, qui avaient participé à la séance susmentionnée du 8 juillet
1997.
La convention tripartite fixant les conditions de l'attribution de
la concession en cause a été signée le 9 septembre 1997 par l'Etat de
Genève, la Ville de Genève et la Société Générale d'Affichage.
Agissant par la voie du recours de droit public, JC Decaux SA, à
Genève, et la société mère Decaux SA, à Neuilly-sur-Seine (France),
Extrait des considérants:
6.- a) Il convient d'examiner d'emblée la question de savoir si la
concession du monopole d'affichage en cause est ou non soumise à la
nouvelle législation sur les marchés publics, car les règles de
procédure applicables au cas particulier en dépendent.
Invoquant le principe de la force dérogatoire du droit fédéral au
sens de l'art. 2 Disp. trans. Cst., les recourantes font valoir que
les règles cantonales sur la concession du monopole de l'affichage
seraient contraires au droit fédéral. Selon les recourantes, c'est à
tort que les nouvelles dispositions sur les marchés publics
n'auraient pas été appliquées à la procédure d'octroi de la
concession litigieuse. En omettant notamment de spécifier par avance
tous les critères d'adjudication du marché public en cause, les
autorités intimées auraient violé d'une part la loi fédérale du 6
octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02), dont l'art. 5
(entré en vigueur le 1er juillet 1996) s'applique à tous les marchés
publics cantonaux et communaux et, d'autre part, plusieurs règles de
l'Accord GATT/OMC sur les marchés publics conclu à Marrakech le 15
avril 1994, entré en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1996 (RS
0.632.231.42; ci-après: AMP).
b) Point n'est cependant besoin d'examiner plus avant les moyens
soulevés par les recourantes, dans la mesure où la réglementation sur
les marchés publics n'était de toute manière pas applicable à la
procédure d'octroi de la concession du monopole d'affichage
publicitaire sur le domaine public. En effet, pareille concession
n'entre pas dans la notion de «marché public» au sens de cette
législation. Ni la loi fédérale sur le marché intérieur, ni l'Accord
GATT/OMC sur les marchés publics ne contiennent une définition du
marché public. Selon la doctrine, on parle communément de marché
public pour désigner l'ensemble des contrats passés par les pouvoirs
publics avec des soumissionnaires (privés) portant sur l'acquisition
de fournitures, de constructions ou de services. L'adjectif «public»
fait ici référence à la personnalité de l'acquéreur de la prestation
et non pas au régime juridique applicable à ces contrats: en Suisse,
ceux-ci restent soumis au droit privé (NICOLAS MICHEL, Droit public
de la construction, Fribourg 1996, n. 1872, p. 376 s.). On se trouve
en présence
7.- Les recourantes allèguent la violation de l'art. 6 par. 1 CEDH
et affirment que la décision concernant le refus d'accorder une
concession du monopole de l'affichage sur le domaine public doit être
soumise à un tribunal indépendant et impartial au sens de cette
disposition.
a) Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi, qui décidera en particulier des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil.
Le Tribunal fédéral interprète la notion conventionnelle de
«contestations sur des droits et obligations de caractère civil» aussi
8.- Dénonçant la violation de l'art. 6 CEDH et des art. 4 et 58
Cst., les recourantes soutiennent que les membres du Conseil d'Etat
ne présentaient pas toutes les garanties d'indépendance et
d'impartialité voulues et qu'ils auraient donc dû se récuser.
a) La garantie découlant de l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 58
Cst. permet au plaideur d'exiger la récusation d'un juge dont la
situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute
sur son impartialité. Elle tend notamment à éviter que des
circonstances extérieures à la cause, constatées objectivement, ne
puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une
partie. Par ailleurs, les règles cantonales sur l'organisation et la
composition des tribunaux doivent être conçues de façon à assurer
l'indépendance et l'impartialité des juges (ATF 125 I 119 consid. 3a
et les arrêts cités). Selon plusieurs arrêts du Tribunal fédéral,
l'art. 4 Cst. - qui est seul applicable
9.- a) Invoquant l'art. 4 Cst., les recourantes se plaignent de ce
que l'arrêté attaqué ne contient pas une motivation suffisante. Il
est vrai que le Conseil d'Etat n'a pas mentionné les motifs sur
lesquels il a fondé sa décision; il n'a pas précisé les raisons pour
lesquelles il avait donné sa préférence à la Société Générale
d'Affichage plutôt qu'à la société JC Decaux SA. Mais dans une très
large mesure, celle-ci connaissait les motifs de cette décision,
puisqu'elle a pu déposer un recours qui n'a pas moins de
septante-cinq pages et qui est accompagné de deux avis de droit.
Point n'est cependant besoin de s'attarder sur ce grief, car ce vice
de forme a de toute manière été réparé au cours de la présente
procédure du recours de droit public, dès lors que les recourantes
ont eu la possibilité, conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, de
présenter un mémoire complémentaire pour prendre position sur les
motifs contenus dans la réponse des autorités intimées et qu'il n'en
résulte, pour les recourantes, aucun préjudice (ATF 107 Ia 1 ss; ZBl
90/1989 p. 363, consid. 4d).
b) Se référant à l'art. 4 Cst., les recourantes semblent reprocher
au Conseil d'Etat de ne pas leur avoir donné l'occasion de s'exprimer
par oral avant que la décision soit prise. Ce grief est toutefois mal
fondé. En effet, les exigences minimales déduites de l'art. 4 Cst.
n'impliquent pas le droit de s'exprimer oralement devant l'autorité
appelée à statuer (ATF 122 II 464 consid. 4c et les références
citées).
c) Les recourantes laissent entendre que JC Decaux SA n'a pas pu
présenter une offre valable en raison des faux renseignements fournis
par les autorités. Découlant directement de l'art. 4 Cst. et valant
pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi
donne au citoyen le droit d'être protégé dans la confiance légitime
10.- Les recourantes mettent en cause pour la première fois devant
le Tribunal fédéral la constitutionnalité du monopole d'affichage sur
le domaine public et le patrimoine administratif de l'Etat et la
Ville de Genève. Elles tiennent ce monopole pour contraire à l'art.
31 Cst.
a) A l'instar d'autres libertés publiques, la liberté du commerce
et de l'industrie garantie par l'art. 31 Cst. n'est pas absolue. En
particulier, l'art. 31 al. 2 Cst. réserve les prescriptions
cantonales sur l'exercice du commerce et de l'industrie, par quoi il
faut entendre non seulement les mesures de police proprement dites,
mais également d'autres mesures d'intérêt général tendant à procurer
du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à
accroître ce bien-être, telles que les mesures sociales ou de
politique sociale (ATF 100 Ia 445 consid. 5 p. 449). Ces restrictions
cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées par
un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la
proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des buts d'intérêt public poursuivis. Les restrictions cantonales à
la liberté du commerce et de l'industrie ne peuvent toutefois se
fonder sur des motifs de politique économique et intervenir dans la
libre concurrence pour favoriser certaines formes d'exploitation en
dirigeant l'économie selon un certain plan, à moins que cela ne soit
prévu par une disposition constitutionnelle spéciale (ATF 123 I 12
consid. 2a p. 15; 121 I 129 consid. 3b p. 131-132; 120 Ia 67 consid.
2a p. 70; 119 Ia 348 consid. 2b p. 353-354 et les arrêts cités).
L'art. 31 al. 2 Cst. autorise les cantons
11.- Les recourantes soutiennent que l'octroi de la concession
litigieuse serait entachée d'arbitraire. Force est toutefois
d'admettre que, compte tenu notamment de la grande liberté
d'appréciation dont disposait l'autorité concédante en la matière, la
décision attaquée n'apparaît pour le moins pas insoutenable. Il n'est
en tout cas pas démontré que l'offre déposée par JC Decaux SA était
objectivement supérieure à celle présentée par la Société Générale
d'Affichage, si bien que la concession du droit d'affichage sur le
domaine public aurait dû revenir de plein droit à JC Decaux SA. En
particulier, on ne saurait affirmer que l'offre de JC Decaux SA était
meilleure du


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.262/1997
Date de la décision : 26/04/1999
2e cour de droit public

Analyses

Art. 4 Cst. et art. 31 Cst.; art. 6 par. 1 CEDH. Concession du droit exclusif d'affichage publicitaire sur le domaine public. Notion de marché public. Monopole de fait. Notion de «marché public». La concession du monopole d'affichage ne constitue pas un marché public (consid. 6). Inapplicabilité de l'art. 6 par. 1 CEDH, car la législation topique ne reconnaît aux particuliers aucun droit à l'octroi d'une telle concession (consid. 7). Différence entre l'art. 4 Cst. régissant la récusation des membres d'un gouvernement cantonal et les art. 6 CEDH et 58 Cst. applicables aux seuls membres des tribunaux (consid. 8). La procédure relative à l'octroi de la concession en question n'a été entachée d'aucun vice de forme contraire à l'art. 4 Cst. (consid. 9). Admissibilité d'un monopole sous l'angle de l'art. 31 Cst. Distinction entre les monopoles de fait et les monopoles de droit. En l'espèce, la concession du droit exclusif d'apposer des placards publicitaires, en tant que limitée au domaine public, respecte le principe de la proportionnalité (consid. 10). L'octroi de la présente concession n'est pas arbitraire (consid. 11).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-04-26;2p.262.1997 ?
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