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21/04/1999 | SUISSE | N°6S.833/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 avril 1999, 6S.833/1998


125 IV 79

12. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 avril
1999 dans la cause X. contre Ministère public du canton de Vaud
(pourvoi en nullité)
A.- Le 8 mai 1998, X., cycliste professionnel, a été victime d'un
très grave malaise alors qu'il participait à l'étape
Montreux-Veysonnaz du Tour de Romandie. D'abord admis à l'hôpital de
zone de Martigny, il a ensuite été transféré d'urgence aux soins
intensifs du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à
Lausanne.
Le 16 juillet 1998, les docteurs Y., à

Lausanne, et Z., à
Epalinges, ont adressé une dénonciation pénale au Procureur général
du can...

125 IV 79

12. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 avril
1999 dans la cause X. contre Ministère public du canton de Vaud
(pourvoi en nullité)
A.- Le 8 mai 1998, X., cycliste professionnel, a été victime d'un
très grave malaise alors qu'il participait à l'étape
Montreux-Veysonnaz du Tour de Romandie. D'abord admis à l'hôpital de
zone de Martigny, il a ensuite été transféré d'urgence aux soins
intensifs du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à
Lausanne.
Le 16 juillet 1998, les docteurs Y., à Lausanne, et Z., à
Epalinges, ont adressé une dénonciation pénale au Procureur général
du canton de Vaud; ils affirmaient notamment que X. avait failli
mourir après s'être fait injecter par voie intraveineuse un produit
chimique de la classe des fluorocarbones destiné à augmenter sa
capacité physique.
Le 22 juillet 1998, le substitut du Juge d'instruction cantonal,
auquel la dénonciation avait été transmise, a décidé d'ouvrir une
enquête contre inconnu pour lésions corporelles graves,
subsidiairement mise en danger de la vie d'autrui.
Par lettre du 1er septembre 1998, X. a manifesté son intention
d'intervenir dans la procédure en qualité de victime au sens de la
loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5);
il précisait cependant que cette démarche ne devait pas être
interprétée comme une admission partielle ou totale du bien-fondé des
accusations proférées par les dénonciateurs.
Interrogé le 29 septembre 1998 par le magistrat instructeur, X. a
certifié qu'il n'avait jamais utilisé de produits dopants et que
personne ne lui avait jamais administré un produit dopant ou
dangereux à son insu. Il a toutefois refusé de lever le secret
médical, faisant valoir que les circonstances entourant son
hospitalisation concernaient sa sphère intime. Au sujet des
infractions propres à justifier son intervention en qualité de
victime au sens de la LAVI, il a indiqué qu'il s'agissait de
l'atteinte à l'honneur qu'il avait subie à la suite des révélations
et de la dénonciation des docteurs Z. et Y.
B.- Par ordonnance du 6 octobre 1998, le substitut du Juge
d'instruction cantonal a dénié à X. le droit de se prévaloir du
statut de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, l'admettant à
participer à la procédure pénale en tant que lésé. Il a considéré que
l'atteinte à l'honneur alléguée ne suffisait pas à faire de
l'intéressé une victime au sens de la LAVI et que se prévaloir d'un
tel statut tout en niant avoir subi les conséquences d'une infraction
qui le justifiât constituait un abus de droit.
Par arrêt du 19 novembre 1998, le Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X. contre cette
ordonnance.
Extrait des considérants:
1.- a) Le recourant fait valoir que, du moment qu'une enquête
avait été ouverte pour lésions corporelles graves commises sur sa
personne, la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI devait
lui être reconnue et qu'il était donc en droit d'intervenir dans la
procédure en cette qualité.
Ce n'est pas pour avoir méconnu que le recourant pourrait revêtir
la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI dans la mesure
où il pourrait avoir subi une atteinte à sa santé du fait d'une
infraction que l'autorité cantonale a refusé de lui reconnaître cette
qualité, mais parce qu'elle a considéré que le comportement du
recourant constituait un abus de droit.
b) L'interdiction de l'abus de droit est le corollaire du principe
de la bonne foi, énoncé par l'art. 2 CC; ces principes ont été
étendus par la jurisprudence relative à l'art. 4 Cst. à l'ensemble
des domaines du droit, en particulier à la procédure pénale (ATF 107
Ia 206 consid. 3a p. 211 in limine et les références citées). L'abus
de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins
étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de
telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est
censé protégé soit manifeste (ATF 107 Ia 206 consid. 3a p. 211 in
fine).
c) L'enquête ouverte en l'espèce visait à établir si le grave
malaise subi par le recourant le 8 mai 1998 était consécutif à
l'injection d'un produit dopant et, partant, si des lésions
corporelles graves, éventuellement une mise en danger de la vie
d'autrui, avaient été commises. Dans ce contexte, le recourant, tout
en contestant avoir jamais utilisé de produits dopants et qu'on lui
ait jamais administré un produit dopant ou dangereux à son insu, a
revendiqué le statut de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, afin
de pouvoir intervenir dans la procédure en cette qualité.
Au stade actuel de la procédure, il n'est pas établi si le
recourant est ou non une victime des infractions dénoncées, de sorte
qu'il apparaît
2.- (suite de frais).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.833/1998
Date de la décision : 21/04/1999
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 2 al. 1 LAVI et art. 8 al. 1 LAVI, art. 2 al. 2 CC; statut de victime au sens de la LAVI; droit d'intervenir comme partie dans la procédure pénale; abus de droit. Lorsque la prétendue victime d'une infraction dénoncée par un tiers la conteste, le statut de victime ne peut pas lui être refusé pour ce motif. Elle ne saurait toutefois participer à la procédure pénale dans la mesure où sa démarche ne vise qu'à contrôler, voire contrecarrer, la procédure. Un tel comportement constitue un abus de droit (consid. 1c et d).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1999-04-21;6s.833.1998 ?
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