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14/12/1998 | SUISSE | N°4P.25/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 1998, 4P.25/1998


125 III 65

12. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 14 décembre 1998
dans la cause M. contre B. (recours de droit public)
A.- En septembre 1994, M. a commencé à travailler, pour une durée
indéterminée, au service de B., qui exploite une entreprise de
sécurité. Son activité revêtait un caractère accessoire, car il était
vendeur à plein temps auprès d'une autre entreprise. Pendant une
année, M. a travaillé en moyenne 26 heures par mois pour B.
Le 31 octobre 1995, M. a perdu son emploi de vendeur. Ainsi, dès
novembre 1995

, B. est devenu son employeur principal et lui a donné
davantage de travail, car il s'était v...

125 III 65

12. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 14 décembre 1998
dans la cause M. contre B. (recours de droit public)
A.- En septembre 1994, M. a commencé à travailler, pour une durée
indéterminée, au service de B., qui exploite une entreprise de
sécurité. Son activité revêtait un caractère accessoire, car il était
vendeur à plein temps auprès d'une autre entreprise. Pendant une
année, M. a travaillé en moyenne 26 heures par mois pour B.
Le 31 octobre 1995, M. a perdu son emploi de vendeur. Ainsi, dès
novembre 1995, B. est devenu son employeur principal et lui a donné
davantage de travail, car il s'était vu confier un mandat de
surveillance relatif à un important chantier. Durant l'année 1996, M.
a travaillé en moyenne 157 heures par mois pour B. Son salaire
mensuel brut, calculé à l'heure, était, cette année-là, de 4'407
fr.55 en septembre, de 4'787 fr. en octobre, de 4'550 fr.10 en
novembre et de 2'623 fr.80 en décembre (mois pendant lequel le
travailleur a pris une partie de ses vacances, payées d'avance).
Le chantier en question étant terminé, B. a annoncé à M., à la fin
du mois de décembre 1996, un horaire fortement réduit pour le mois de
janvier 1997. Effectivement, le salaire mensuel brut de l'intéressé a
passé subitement à 332 fr.10 en janvier 1997. Le 21 du même mois, B.
a informé M. qu'il n'était plus en mesure de lui fournir le nombre
d'heures de travail habituel, le priant, en conséquence, de
s'adresser à sa caisse d'assurance-chômage. Celle-ci a toutefois
indiqué à l'employeur, dans une lettre du 10 février 1997, qu'elle
refusait de verser quoi que ce soit à son assuré durant les mois de
janvier à avril 1997, au motif que le contrat de travail n'avait pas
été résilié par l'employeur. M. a encore effectué 12 heures de
travail de février à avril 1997.
Le 26 février 1997, B. a résilié le contrat de travail de M. pour
la fin du mois d'avril 1997.
B.- Le 25 février 1997, M. a assigné B. en paiement de 8'269 fr.65
brut, soit 7'910 fr.70 à titre de salaire pour les mois de janvier et
février 1997 (moins un acompte de 300 fr.), plus une indemnité de
vacances de 658 fr.95. Le 10 avril 1997, il a déposé une demande
complémentaire dans laquelle il a réclamé, outre une seconde
indemnité de vacances de 658 fr.95, le paiement d'un montant
supplémentaire de 7'910 fr.70 à titre de salaire pour les mois de
mars et avril 1997, sous déduction de 160 fr.80 représentant le
salaire de 8 heures de travail accomplies durant ces deux mois. Ses
conclusions finales s'élevaient donc à 16'678 fr.50.
Extrait des considérants:
3.- a) D'après la cour cantonale, le recourant était conscient du
caractère précaire de son horaire de travail, qui était fixé à la fin
de chaque mois pour le mois suivant en fonction des besoins de
l'employeur, ainsi que de la disponibilité du travailleur. Comme
l'employeur ne garantissait aucun nombre minimal d'heures de travail
au recourant, il ne s'est pas trouvé en demeure lorsqu'il n'a plus
occupé celui-ci que pour un petit nombre d'heures durant les quatre
premiers mois de 1997.
Le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir appliqué de
manière insoutenable les art. 324 et 335c CO et d'avoir ainsi rendu
une décision arbitraire.
b) Comme le Tribunal fédéral l'a jugé récemment, la loi n'interdit
pas le travail sur appel (ATF 124 III 249 consid. 2a). Toutefois,
régie par le Titre dixième du Code des obligations, relatif au
contrat de travail, cette forme de travail doit respecter les
dispositions légales impératives (art. 361 et 362 CO). Saisi d'un
recours de droit public,
4.- a) Selon l'art. 335c CO, le contrat de travail peut être
résilié pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d'un mois
pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à
la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement (al. 1).
Ces délais peuvent être modifiés par accord écrit, contrat-type de
travail ou convention collective; des délais inférieurs à un mois ne
peuvent toutefois être fixés que par convention collective et pour la
première année de service (al. 2).
En l'occurrence, les parties étaient liées par un contrat oral.
Comme les rapports de travail avaient commencé en septembre 1994, la
résiliation du contrat est intervenue dans la troisième année de
service. Faute d'accord écrit contraire, le délai de congé était donc
de deux mois pour la fin d'un mois.
b) aa) Le délai de congé a notamment pour but de protéger le
travailleur après la résiliation, de telle sorte qu'il puisse
chercher une nouvelle place de travail tout en conservant l'essentiel
de ses ressources (ATF 124 III 346 consid. 2b p. 349 en bas;
STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 22 ad art. 335 CO; VISCHER, Der
Arbeitsvertrag, 2e éd., in Schweizerisches Privatrecht VII/1, III, p.
166). Le travailleur ne peut pas renoncer valablement à cet avantage,
les délais minimaux de congé prévus par la loi étant impératifs
(REHBINDER, Commentaire bernois, n. 4 ad art. 335c CO; STAEHELIN,
op.cit., n. 9 ad art. 335c CO; BRÜHWILER, Kommentar zum
Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 4 ad art. 335c CO). D'ailleurs, en
cas de licenciement immédiat injustifié, le travailleur ne peut pas
non plus renoncer valablement au salaire afférent au délai de congé
(art. 337c al. 1 et 362 CO).
Lorsqu'il permet une diminution brutale du volume mensuel de
travail, le contrat de travail sur appel vide de sa substance la
protection impérative liée au délai de congé; il en résulte une
violation manifeste de l'art. 335c CO (RONCORONI, Lavoro su chiamata
e lavoro occasionale, in Il Ticino e il diritto, Lugano 1997, p. 591
ss, 601/602; AUBERT, Le travail à temps partiel irrégulier, in Etudes
de droit du travail, Zurich 1995, p. 175 ss, 189/190;
BRUNNER/WAEBER/BÜHLER, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n.
4 et 5 ad '«Travail à temps partiel'», p. 338/339). Pour BRÜHWILER
également, le travailleur est protégé par le délai de congé si les
parties
5.- Selon la cour cantonale, dès lors qu'il a accepté de
travailler sur appel, en fonction des besoins de l'employeur, le
recourant ne saurait réclamer un salaire pour les mois de janvier à
avril 1997.
Comme le Tribunal fédéral l'a rappelé récemment, il résulte de
l'art. 324 al. 1 CO que le risque de l'entreprise incombe non pas au
travailleur, mais à l'employeur. En conséquence, lorsque, pour des
motifs économiques, il refuse la prestation de travail dûment
offerte, l'employeur tombe en demeure et reste devoir le salaire (ATF
124 III 346 consid. 2a p. 349 et les références). Cette règle est
impérative, de sorte que le travailleur ne peut pas valablement
renoncer à son bénéfice pendant la durée du contrat et durant le mois
qui suit la fin de celui-ci (art. 362 et 341 al. 1 CO).
D'ailleurs, selon l'art. 326 CO, lorsqu'en vertu du contrat le
travailleur travaille exclusivement aux pièces ou à la tâche pour un
seul employeur, celui-ci doit lui fournir du travail en quantité
suffisante (al. 1). Si le salaire payé au temps n'est pas fixé dans
un accord, un contrat-type de travail ou une convention collective,
l'employeur doit verser au travailleur l'équivalent du salaire moyen
aux pièces ou à la tâche qu'il gagnait jusqu'alors (al. 3).
L'employeur qui ne peut pas fournir suffisamment de travail aux
pièces ou à la tâche ni de travail payé au temps, n'en reste pas
moins tenu, conformément aux dispositions sur la demeure, de payer le
salaire qu'il devrait verser pour du travail payé au temps (al. 4).
Ces dispositions revêtent


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.25/1998
Date de la décision : 14/12/1998
1re cour civile

Analyses

Contrat de travail; travail sur appel. Lorsqu'il permet une diminution brutale du volume mensuel de travail, le contrat de travail sur appel vide de sa substance la protection impérative liée au délai de congé fixé à l'art. 335c CO (consid. 4). Il est arbitraire d'admettre que la personne travaillant sur appel peut valablement accepter d'assumer elle-même le risque de l'entreprise, qui incombe à l'employeur en vertu de l'art. 324 al. 1 CO (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-12-14;4p.25.1998 ?
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