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20/11/1998 | SUISSE | N°2P.108/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 novembre 1998, 2P.108/1998


125 II 86

10. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20
novembre 1998 dans la cause Groupement G2IR3 contre Conseil communal
de La Chaux-de-Fonds, Groupement STEP 2300 et Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
A.- En mars 1997, la Direction des Travaux publics de la commune
de La Chaux-de-Fonds (ci-après: la commune ou le pouvoir
adjudicateur) a lancé par voie de presse un appel d'offres public
pour un marché de services portant sur l'assainissement et
l'extension de sa station d'épuration (

procédure dite sélective).
Considérant en droit:

I. Droit applicable
1.- A...

125 II 86

10. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20
novembre 1998 dans la cause Groupement G2IR3 contre Conseil communal
de La Chaux-de-Fonds, Groupement STEP 2300 et Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
A.- En mars 1997, la Direction des Travaux publics de la commune
de La Chaux-de-Fonds (ci-après: la commune ou le pouvoir
adjudicateur) a lancé par voie de presse un appel d'offres public
pour un marché de services portant sur l'assainissement et
l'extension de sa station d'épuration (procédure dite sélective).
Considérant en droit:

I. Droit applicable
1.- Avant d'examiner la recevabilité du présent recours de droit
public, il convient de déterminer quel est le droit applicable au cas
d'espèce, étant entendu que la réglementation sur les marchés publics
a subi ces dernières années de profondes mutations tant sur le plan
international que national.
a) Parmi les accords GATT/OMC figure notamment l'Accord sur les
marchés publics conclu à Marrakech le 15 avril 1994, entré en vigueur
pour la Suisse le 1er janvier 1996 (RS 0.632.231.422; RO 1996 p. 609
ss; ci-après: AMP). Tombent dans le champ d'application de cet accord
certains types de marchés publics passés par les entités
adjudicatrices limitativement énumérées à l'Annexe 1 (entités du
gouvernement fédéral) et à l'Annexe 2 (entités des gouvernements
sous-centraux, c'est-à-dire les cantons suisses) de l'appendice I à
l'AMP, à condition toutefois que les valeurs seuils soient atteintes.
En revanche, les marchés publics des communes (suisses) sont pour
l'heure exclus du champ d'application de cet accord. A noter
toutefois que les pouvoirs publics et les entreprises publiques
suisses, y compris au niveau local (communal), actifs dans les
domaines de l'eau (potable), de l'énergie, des transports urbains,
des aéroports et des installations portuaires sont visés par l'Annexe
3 de l'appendice I à l'AMP (cf. Message du Conseil fédéral du 19
septembre 1994 relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC [Cycle
d'Uruguay] [Message 1 GATT], in FF 1994 IV 1 ss, plus spécifiquement
p. 345/348, 355/358 et 395. Voir aussi EVELYNE CLERC, L'ouverture des
marchés publics: Effectivité et protection juridique, Thèse Fribourg
1997, p. 292/295; PETER GALLI/DANIEL LEHMANN/PETER RECHSTEINER, Das
öffentliche Beschaffungswesen in der Schweiz, Zurich 1996, n. 6, p.
3; MARKUS METZ/GERHARD SCHMID, Rechtsgrundlagen des öffentlichen
Beschaffungswesens, in ZBl 99/1998, p. 49 ss, n. 1, p. 50; ATTILIO R.
GADOLA, Rechtsschutz und andere Formen der Überwachung der
Vorschriften über das öffentliche Beschaffungswesen, in PJA 1996 p.
967 ss, p. 969). En l'espèce, le marché public adjugé par la commune
de La Chaux-de-Fonds
2.- a) A teneur de l'art. 9 LMI, les restrictions à la liberté
d'accès au marché, en particulier en matière de marchés publics,
doivent faire l'objet de décisions sujettes à recours (al. 1); le
droit cantonal prévoit au moins une voie de recours devant une
instance cantonale indépendante de l'administration. La décision
rendue par cette instance est définitive; le recours de droit public
devant le Tribunal fédéral est réservé (al. 2); si, en matière de
marchés publics, un recours à l'échelon cantonal ou un recours de
droit public est fondé et qu'un contrat a déjà été passé avec le
soumissionnaire, l'instance cantonale ou le Tribunal fédéral se borne
à constater dans quelle mesure la décision contestée viole le droit
fédéral (al. 3). La loi fédérale sur le marché intérieur est entrée
en vigueur le 1er juillet 1996. S'agissant de la disposition relative
à la protection juridictionnelle en matière de marchés publics (art.
9 al. 1 à 3 en relation avec l'art. 5 LMI), la date de l'entrée en
vigueur a été reportée au 1er juillet 1998 (RO 1996 p. 1742). A noter
que la règle matérielle de l'art. 5 LMI est, quant à elle, applicable
à compter du 1er juillet 1996 (CLERC, op.cit., p. 441). Selon l'art.
11 al. 1 LMI, un délai transitoire de deux ans a été en outre accordé
aux cantons et communes pour leur permettre d'adapter leurs
prescriptions à celles de la LMI et d'édicter les dispositions
d'organisation nécessaires (exigence d'une instance cantonale de
recours indépendante de l'administration au sens de l'art. 9 al. 2
LMI).
Dès lors que l'entrée en vigueur de l'art. 9 al. 2 i.f. LMI a été
reportée, le recours de droit public au Tribunal fédéral réservé par
cette disposition devrait rester fermé jusqu'au 1er juillet 1998
(CLERC, op.cit., p. 476/477; GALLI/LEHMANN/RECHSTEINER, op.cit., n.
58 ss, plus spéc. n. 60a p. 19/20; THOMAS COTTIER/BENOÎT MERKT, Die
Auswirkungen des Welthandelsrechts der WTO und des Bundesgesetzes
über den Binnenmarkt auf das Submissionsrecht der Schweiz, in: Die
neue schweizerische Wettbewerbsordnung im internationalen Umfeld,
Berne 1997, p. 35 ss, en particulier p. 55 et 76). Il en irait
différemment si la LMI était entrée intégralement en vigueur avec un
délai transitoire de deux ans pour la mise sur pied d'une voie de
recours au niveau cantonal. Durant ce délai, le Tribunal fédéral
3.- a) Au regard de l'art. 84 al. 1 OJ, la voie du recours de
droit public n'est ouverte que si l'acte attaqué émane d'une autorité
cantonale agissant en vertu de la puissance publique et qui affecte
d'une
4.- D'après la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ rendue sous
l'empire du droit antérieur, comme le soumissionnaire évincé n'a en
principe aucun intérêt juridiquement protégé à l'adjudication, il est
aussi dépourvu de la qualité pour recourir au fond (art. 88 OJ)
contre la décision d'adjudication de première instance ou contre
celle de l'autorité de recours, le recourant pouvant seulement se
plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni
de justice formel (voir ci-dessus, consid. 3b). Or cette
jurisprudence est dépassée dans la mesure où l'intérêt juridiquement
protégé au sens de l'art. 88 OJ découle désormais du droit de fond, à
savoir de la loi fédérale sur le marché intérieur et de l'Accord
intercantonal sur les marchés publics. Cette nouvelle législation
tend en effet à protéger les soumissionnaires, ceux-ci pouvant se
prévaloir des garanties de concurrence, d'impartialité, d'égalité et
de transparence qui régissent la procédure de passation des marchés
publics. Il s'ensuit que les soumissionnaires évincés ont dorénavant
qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ non seulement pour soulever
des griefs se rapportant au déroulement formel de la procédure de
soumission publique, mais encore pour contester le bien-fondé de la
décision d'adjudication (aspect matériel). Il y a donc lieu
d'examiner la qualité pour agir du recourant sous l'angle des
dispositions de l'art. 84 al. 1 lettre b OJ
5.- a) Le recours de droit public n'a en principe qu'un effet
cassatoire (ATF 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87 consid. 5 p. 96; 122 I
120 consid. 2a, 351 consid. 1f p. 355; 121 I 326 consid. 1b; 120 Ia
220 consid. 2b et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral peut
cependant exceptionnellement donner des instructions lorsqu'une
situation conforme à la Constitution, au concordat ou à l'accord
international ne peut être rétablie par la seule annulation de l'acte
attaqué (cf. ATF 118 Ia 184 consid. 1d; Walter Kälin, Das Verfahren
der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, p. 362). En
matière de marchés publics, il y a lieu d'observer que les contrats
avec les soumissionnaires choisis sont souvent conclus, voire
exécutés, avant que les tribunaux aient pu se prononcer sur la
validité de la procédure de soumission. Pour éviter qu'un recours ne
retarde ou ne renchérisse l'exécution des travaux, l'art. 9 al. 3 LMI
exclut l'annulation de la décision d'adjudication au cas où le
contrat serait déjà conclu; le Tribunal fédéral doit alors se borner
à constater dans quelle mesure la décision viole les règles sur la
passation des marchés publics. Le législateur fédéral a ainsi limité
le pouvoir de décision du Tribunal fédéral à la seule constatation de
l'illicéité lorsque le contrat est déjà conclu (CLERC, op.cit., p.
570 s. Sur les critiques de l'art. 9 al. 3 LMI, voir PHILIPPE GERBER,
La nature cassatoire du recours de droit public, thèse Genève 1997,
p. 171 ss). A noter que l'art. 18 al. 2 AIMPu. contient une règle
semblable à celle de l'art. 9 al. 3 LMI. Il s'agit là de dispositions
qui conduisent à déroger au principe de l'effet cassatoire du recours
de droit public. Jusqu'à présent,
6.- Saisi d'un recours de droit public fondé sur l'art. 84 al. 1
lettre b OJ, le Tribunal fédéral examine en principe librement
l'interprétation et l'application des dispositions concordataires
faites par les autorités cantonales (ATF 115 Ia 212 consid. 2a; 112
Ia 75 consid. 1b; 109 Ia 335 consid. 5 p. 339 et les références
citées). Cela vaut notamment pour ce qui concerne les règles assurant
la régularité de la procédure d'adjudication. Le Tribunal fédéral
s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir
compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions
d'appréciation (ATF 121 I 279 consid. 3d p. 284; 120 Ia 74 consid. 5
p. 79; 119 Ia 411 consid. 2c p. 416, 445 consid. 3c p. 451). Il en va
de même lorsqu'il s'agit de problèmes de nature essentiellement
technique (ATF 119 Ia 378 consid. 6a p. 383; 103 Ia 272 consid. 6c p.
278). En ce qui concerne plus particulièrement les marchés publics,
le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation
lors de l'adjudication (voir notamment, MICHEL, op.cit., n. 1975 p.
398 et 2021 p. 407). L'appréciation du Tribunal fédéral ne saurait
donc se substituer à celle du pouvoir adjudicateur; seul l'abus ou
l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné. Le Tribunal
fédéral ne peut donc revoir l'appréciation des prestations offertes
sur la base des critères d'adjudication qu'avec une retenue
particulière, parce qu'une telle appréciation suppose souvent des
connaissances techniques, qu'elle repose nécessairement sur une
comparaison des offres soumises par les soumissionnaires et qu'elle
comporte aussi, inévitablement, une composante subjective de la part
du pouvoir adjudicateur (cf. jurisprudence en matière d'examens
applicable ici
7.- a) Aux termes de l'art. 13 lettre f AIMPu, les dispositions
d'exécution cantonales doivent garantir «des critères d'attribution
propres à adjuger le marché à l'offre économiquement la plus
avantageuse». Contrairement à l'exigence posée par l'art. 3 AIMPu, le
canton de Neuchâtel n'a pas encore édicté de dispositions d'exécution
sur ce point. L'art. 16 al. 3 AIMPu précise toutefois que même en
l'absence d'une réglementation d'exécution cantonale, les
dispositions de l'AIMPu peuvent être invoquées directement à l'appui
du recours. Encore faut-il, selon CLERC (op.cit., p. 538), qu'elles
soient suffisamment claires et précises pour être invoquées
directement. Or tel est bien le cas en l'espèce. L'art. 13 lettre f
AIMPu constitue une règle suffisamment précise pour être directement
applicable, surtout si cette disposition est mise en relation avec
les Directives qui, en attendant la réglementation d'exécution
cantonale, ont une portée importante. Même si elles n'ont pas force
juridiquement contraignante (CLERC, op.cit., p. 538), elles
expliquent comment comprendre les principes auxquels les cantons se
sont astreints. En cas de doute, le texte de l'AMP, comme celui de la
LMP peuvent aussi fournir des éléments d'argumentation (cf.
Jean-Baptiste Zufferey/Benoît Revaz, Le nouveau droit des marchés
publics, Fribourg 1997, p. XVI et XVII). Selon le § 28 al. 1 des
Directives, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant présenté
l'offre économiquement la plus avantageuse. Dans l'évaluation, le
rapport prix/prestations doit être observé. Dans ce cadre, en dehors
du prix, des critères particuliers peuvent être pris en
considération, comme la qualité, les délais, la rentabilité, les
coûts d'exploitation, le service après-vente, l'écologie, la
convenance de la prestation, la valeur technique, l'esthétique,
l'assurance qualité, la créativité et l'infrastructure.
b) Le groupement recourant se plaint pour l'essentiel d'une
violation de l'Accord intercantonal sur les marchés publics. Il
reproche en bref au pouvoir adjudicateur d'avoir omis de mentionner à
l'avance tous les critères d'adjudication qui seraient pris en compte
dans
8.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. Le
contrat ayant déjà été passé avec l'adjudicataire, il n'est pas
possible d'annuler la décision attaquée (voir ci-dessus, consid. 5).
Aussi la conclusion du recourant tendant à l'annulation de la
décision attaquée est-elle devenue sans objet. Pour le surplus, il
convient de constater que la décision attaquée est illicite dans le
sens des considérants. Dès lors que son intérêt pécuniaire est en
cause, la commune de La Chaux-de-Fonds doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). La commune versera en outre au
groupement recourant une indemnité équitable à titre de dépens (art.
159 al. 2 OJ). Ayant renoncé à se déterminer sur le fond, le
Groupement STEP 2300, qui n'a pas pris de conclusions, n'a pas à
allouer de dépens au recourant qui obtient gain de cause.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.108/1998
Date de la décision : 20/11/1998
2e cour de droit public

Analyses

Marché public adjugé par une commune; nouveau droit des marchés publics (AMP; LMP; LMI et AIMPu); recours de droit public en la matière; énumération des critères d'adjudication selon l'ordre d'importance; principe de la transparence. Droit applicable à l'adjudication du marché public en cause (consid. 1). Portée de l'art. 9 al. 2 LMI, dont l'entrée en vigueur a été reportée au 1er juillet 1998, soit après l'adjudication litigieuse (consid. 2). Recevabilité du recours de droit public contre les décisions d'adjudication cantonales et communales au regard des art. 84 et 88 OJ. Abandon de l'ancienne jurisprudence relative aux marchés publics (notamment ATF 119 Ia 424) à la suite de la modification notable de la législation en la matière (consid. 3 et 4). Constatation de l'illicéité de la décision d'adjudication lorsque le contrat entre l'adjudicataire et le pouvoir adjudicateur a déjà été conclu (art. 9 al. 3 LMI et art. 18 al. 2 AIMPu). Intérêt actuel du soumissionnaire évincé à une telle constatation (consid. 5). Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral dans le domaine des marchés publics (consid. 6). Obligation pour le pouvoir adjudicateur d'énumérer les critères d'adjudication par ordre d'importance ou selon leur importance relative (cf. art. 21 al. 2 LMP). Adjudication du marché à celui qui présente l'offre économiquement la plus avantageuse (art. 13 lettre f AIMPu). Portée du principe de la transparence. Admission du recours (consid. 7 et 8).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-11-20;2p.108.1998 ?
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