124 III 501
87. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 5 novembre 1998
dans la cause dame M. contre M. (recours de droit public)
Dans une convention sous seing privé du 22 novembre 1993,
homologuée le 17 décembre de la même année par le Tribunal de
première instance de Genève pour valoir ordonnance de mesures
protectrices de l'union conjugale, M. a reconnu devoir à son épouse,
dame M., par mois et d'avance, à titre de participation à son
entretien et à celui, partiel ou total, de leurs deux enfants, la
somme de 15'000 fr. A l'époque, les deux enfants, N. et A., étaient
déjà majeurs. N. était avocate-stagiaire; elle est devenue depuis
lors avocate. A. est étudiant en médecine.
Le 31 mars 1995, l'épouse a confirmé qu'elle acceptait de ne
recevoir, pour la période s'étendant du 1er mars au 31 décembre 1995,
qu'un montant mensuel de 10'000 fr., renonçant purement et simplement
au solde des pensions pour ladite période.
Le 16 octobre 1996, dame M. a fait notifier à M. un commandement de
payer les sommes de 30'000 fr. plus intérêt à 5% dès le 1er octobre
1995 et de 150'000 fr. plus intérêt à 5% dès le 1er janvier 1996.
Elle indiquait comme titre de la créance: "contributions d'entretien
dues pour les mois d'octobre 1995 à octobre 1996 fixées par
convention du 22 novembre 1993 et jugement du Tribunal de première
instance de Genève du 17 décembre 1993". L'opposition faite à cette
poursuite par M. a été levée définitivement par le Président du
Tribunal du district de Nyon. Sur recours de M., la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a réformé cette
décision en ce sens que l'opposition au commandement de payer était
maintenue.
Dame M. a formé un recours de droit public pour violation de
l'interdiction de l'arbitraire prévue à l'art. 4 Cst. Le Tribunal
fédéral a admis son recours et annulé l'arrêt de la Cour cantonale.
Extrait des considérants:
3.- La recourante fait valoir que les juges cantonaux ont
outrepassé de manière arbitraire le pouvoir de cognition accordé au
juge de la mainlevée dans le cadre de l'art. 81 al. 1 LP. Leur
décision aboutirait en outre à un résultat choquant.
a) En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée
sur un jugement exécutoire d'un canton, le juge ordonne la mainlevée
définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par
titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis,
postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la
prescription.
Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir
ni à interpréter le titre de mainlevée qui lui est produit (ATF 113
III 6 consid. 1b p. 9/10; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite
et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 144). La loi elle-même (art.
81 al. 1 LP) imposant au débiteur le fardeau de la preuve et fixant
le mode de preuve, le juge ne peut admettre que les moyens de défense
du débiteur - étroitement limités (ATF 115 III 97 consid. 4 p. 100) -
que celui-ci prouve par titre. A la différence de ce qui se passe
pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), il ne suffit donc
pas d'invoquer la vraisemblance du paiement: le titre de mainlevée au
sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe,
cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du
contraire (ATF 104 Ia 14 consid. 2 p. 15). Par ailleurs, il
n'appartient pas au juge saisi d'une requête de mainlevée définitive
de trancher des questions de droit matériel délicates ou pour la
solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important,
la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond;
il en va de même de la question de savoir si le comportement du
créancier constitue un abus de droit et viole les règles de la bonne
foi (ATF 115 III 97 consid. 4b in fine, p. 101; 113 III 82 consid. 2c
p. 86).
b) L'extinction de la dette - moyen de défense invoqué ici par le
débiteur - peut intervenir non seulement par paiement, remise de
dette, compensation ou accomplissement d'une condition résolutoire,
mais aussi en vertu de toute autre cause de droit civil
(JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN, SchKG, 4e éd., n. 6 ad art. 81, p. 357;
DIETER GESSLER, Scheidungsurteile als definitive Rechtsöffnungstitel,
RSJ 1987, p. 249 et les références à la note 4). On l'a vu, c'est au
débiteur qu'il incombe d'établir que la dette est éteinte. En cas
d'extinction partielle, le juge ne peut refuser la mainlevée
définitive pour la partie éteinte de la dette que si la cause de
cette extinction