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22/10/1998 | SUISSE | N°1P.509/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 1998, 1P.509/1998


124 I 327

40. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 22 octobre
1998 dans la cause Michailov contre Chambre d'accusation du canton de
Genève (recours de droit public)
A.- Le 17 octobre 1996, le Juge d'instruction du canton de Genève
a inculpé Sergueï Anatolevitch Michailov, ressortissant russe né en
1958, de participation à une organisation criminelle (art. 260ter CP)
et de blanchissage d'argent (art. 305bis CP). Michailov a été placé
immédiatement en détention préventive. Le 22 octobre 1996,
l'inculpation a été ét

endue aux chefs de violation des art. 28 de la
loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles p...

124 I 327

40. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 22 octobre
1998 dans la cause Michailov contre Chambre d'accusation du canton de
Genève (recours de droit public)
A.- Le 17 octobre 1996, le Juge d'instruction du canton de Genève
a inculpé Sergueï Anatolevitch Michailov, ressortissant russe né en
1958, de participation à une organisation criminelle (art. 260ter CP)
et de blanchissage d'argent (art. 305bis CP). Michailov a été placé
immédiatement en détention préventive. Le 22 octobre 1996,
l'inculpation a été étendue aux chefs de violation des art. 28 de la
loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des étrangers (LFAIE;
RS 211.412.41) et 23 de la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE;RS 142.20). Michailov était
soupçonné d'avoir transféré en Suisse des fonds provenant de diverses
activités illicites exercées en qualité de dirigeant de
l'organisation criminelle russe connue sous le nom de
"Solntsevskaya". Il était aussi reproché à Michailov d'avoir éludé le
régime d'autorisation régi par la LFAIE et d'avoir séjourné plus de
trois mois en Suisse sans autorisation valable.
Extrait des considérants:

(1.- Exceptionnellement, les griefs matériels soulevés dans le
recours doivent être examinés avant les griefs formels).

(2.- En l'espèce, le maintien de la détention préventive du
recourant ne viole ni la liberté personnelle, ni l'art. 5 CEDH).
3.- D'un point de vue formel, le recourant reproche à la Chambre
d'accusation d'avoir préjugé sa condamnation. Il y voit une violation
de l'art. 6 par. 1 CEDH, conférant à l'accusé notamment le droit de
voir sa cause entendue par un tribunal indépendant et impartial,
ainsi que des art. 4 Cst., 4 Cst. gen. et 6 par. 2 CEDH consacrant la
présomption d'innocence. Pour les raisons évoquées ci-dessus (consid.
1), ce grief sera examiné nonobstant le rejet du recours au fond.
a) Dans le système de la Convention européenne des droits de
l'homme, la procédure de contrôle de la détention préventive est
régie par l'art. 5 par. 4 CEDH, à teneur duquel toute personne privée
de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un
recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est
illégale. Le contrôle judiciaire de la détention selon l'art. 5 par.
4 CEDH ne doit pas nécessairement offrir les mêmes garanties
formelles que celles de l'art. 6 par. 1 CEDH régissant la procédure
devant l'autorité de jugement; de portée autonome, l'art. 5 par. 4
CEDH doit cependant respecter les garanties fondamentales de la
procédure découlant notamment du droit d'être entendu et de l'égalité
des armes (ATF 115 Ia 293 consid. 4 p. 299-302; 114 Ia 182 consid. 3b
et c p. 185-188, et les nombreuses références citées; cf. aussi les
arrêts non publié S. du 14 mars 1994 consid. 4d et C. du 4 mars 1982,
reproduit in: SJ 1982 p. 545; arrêt de la Cour européenne du 13
juillet 1995 dans la cause Kampanis c. Grèce, Série A, vol. 318 B,
par. 47; JACQUES VELU/RUSEN ERGEC, La Convention européenne des
droits de l'homme, Bruxelles, 1990, no346; JOCHEN A. FROWEIN/WOLFGANG
PEUKERT, EMRK-Kommentar, 2ème éd., Kehl, Strasbourg, Arlington, 1996,
N.143 ad art. 5; MARK E. VILLIGER, Handbuch der Europäischen
Menschenrechtskonvention, Zurich, 1993, N. 368/369). Tel qu'il est
formulé, le grief de violation de l'art. 6 par. 1 CEDH n'a pas de
portée propre dans ce contexte.
4.- a) Selon la formule évoquée pour la première fois, comme
telle, dans l'arrêt Fröbel et consorts du 10 mars 1904 (ATF 30 I 59
consid. 1 p. 64/65), la fonction du recours de droit public est
purement cassatoire (on évoque aussi à ce propos la nature, l'effet
ou le caractère cassatoire du recours de droit public). Ce principe -
déduit de l'art. 175 al. 3 OJ dans sa teneur du 22 mars 1893, devenu
depuis lors l'art. 90 al. 1 let. b OJ -, a pour conséquence qu'en cas
d'admission du recours, le dispositif de l'arrêt du Tribunal fédéral
se borne à indiquer que la décision cantonale est annulée, en tout ou
partie. A contrario, le Tribunal fédéral ne confirme ni ne réforme la
décision attaquée.
Cette règle a pour conséquence que sont seules recevables, à
l'appui du recours de droit public, les conclusions tendant à
l'annulation de la décision attaquée; les conclusions allant en-deçà
ou au-delà de l'annulation, ou tendant à autre chose que
l'annulation, sont irrecevables selon une jurisprudence constante
depuis 1904 (cf. en dernier lieu ATF 124 I 231 consid. 1d p. 234/235;
123 I 87 consid. 5 p. 96; 122 I 120 consid. 2a p. 323; 121 I 326
consid. 1b p. 328; 120 Ia 220 consid. 2b p. 222; 119 Ia 28 consid. 1
p. 30; 118 Ia 64 consid. 1e p. 68, et les arrêts cités; sur
l'historique de cette jurisprudence, cf. PHILIPPE GERBER, La nature
cassatoire du recours de droit public, thèse Genève, 1997, p. 43-58).
b) La jurisprudence a apporté à ces règles un certain nombre de
tempéraments.
aa) Lorsqu'il admet un recours de droit public et annule la
décision attaquée, le Tribunal fédéral peut aller au-delà de la
cassation lorsque la seule annulation de la décision attaquée ne
suffit pas à rétablir une situation conforme à la Constitution et
qu'une mesure positive est nécessaire (cf. GERBER, op.cit., p.
187ss). Ainsi, par


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.509/1998
Date de la décision : 22/10/1998
1re cour de droit public

Analyses

Art. 4 Cst. et 6 par. 2 CEDH; présomption d'innocence; nature cassatoire du recours de droit public; obligation de se conformer aux exigences de la CEDH. Au regard de la présomption d'innocence consacrée par les art. 4 Cst. et 6 par. 2 CEDH, l'autorité ne saurait justifier le maintien de la détention préventive en se référant à la peine à laquelle le prévenu sera condamné (consid. 3). Nature cassatoire du recours de droit public et exceptions à celle-ci (consid. 4a à 4c); manière de formuler le dispositif de l'arrêt lorsque le Tribunal fédéral rejette le recours tout en constatant que la décision attaquée viole la présomption d'innocence (consid. 4d). Le constat de violation de l'art. 4 Cst. et de l'art. 6 par. 2 CEDH, dans les considérants de l'arrêt plutôt que dans son dispositif, est compatible avec la Convention (art. 1er, 19 et 53 CEDH), compte tenu de la marge de manoeuvre dont dispose l'Etat pour s'acquitter de cette obligation internationale (consid. 4d/bb).


Références :

23.11.2000 38014/97; 11.12.2001 38014/97


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-10-22;1p.509.1998 ?
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