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23/09/1998 | SUISSE | N°1E.9/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 1998, 1E.9/1998


124 II 543

53. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 23
septembre 1998 dans la cause Etat de Genève contre hoirie de V.H. et
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (recours de
droit administratif)
Les membres de l'hoirie de V.H. sont propriétaires en commun d'une
parcelle bâtie - une villa et deux garages - sur le territoire de la
commune de Bellevue, à proximité de l'Aéroport international de
Genève. L'administration des biens successoraux a été confiée à un
exécuteur testamentaire. Le 31 août 199

2, ce dernier s'est adressé au
Département des travaux publics du canton de Genève (actuell...

124 II 543

53. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 23
septembre 1998 dans la cause Etat de Genève contre hoirie de V.H. et
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (recours de
droit administratif)
Les membres de l'hoirie de V.H. sont propriétaires en commun d'une
parcelle bâtie - une villa et deux garages - sur le territoire de la
commune de Bellevue, à proximité de l'Aéroport international de
Genève. L'administration des biens successoraux a été confiée à un
exécuteur testamentaire. Le 31 août 1992, ce dernier s'est adressé au
Département des travaux publics du canton de Genève (actuellement:
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement -
ci-après: le département cantonal) en demandant à l'Etat de Genève de
lui payer une "indemnité pour expropriation au sens de l'art. 44 LNA"
de 784'700 fr. ou, subsidiairement, de transmettre cette demande à la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement. Il invoquait
les nuisances causées par l'exploitation de l'Aéroport international
de Genève ainsi que les restrictions découlant du classement de la
parcelle dans les zones A et B du plan des zones de bruit de cet
aéroport, entré en vigueur le 2 septembre 1987.
Par lettre du 8 septembre 1992 adressée au Conseil d'Etat, le
Département fédéral des transports, des communications et de
l'énergie (actuellement: Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication - ci-après: le
département fédéral) a conféré à l'Etat de Genève le droit
d'expropriation en relation avec les nuisances auxquelles cette
parcelle est exposée, et il a invité ce canton à faire ouvrir, par le
Président de la Commission fédérale d'estimation compétente, une
«procédure d'expropriation destinée uniquement à statuer sur les
prétentions à indemnités». Cette procédure n'a pas été ouverte
immédiatement. En effet, le 11 décembre 1992, le conseiller d'Etat
chargé du département
Extrait des considérants:
1.- a) L'Etat de Genève, concessionnaire et exploitant de
l'Aéroport international de Genève jusqu'au 1er janvier 1994, s'est
vu conférer le droit d'expropriation dans la présente affaire par une
décision prise le 8 septembre 1992 par l'autorité fédérale
compétente. Dans cette procédure devant le Tribunal fédéral, l'Etat
de Genève - au demeurant toujours propriétaire du terrain sur lequel
se trouve l'aéroport - doit être considéré comme l'expropriant, ce
qu'il ne conteste du reste pas; il a donc qualité pour recourir (art.
78 al. 1 LEx [RS 711]; cf. consid. 2 non publié de l'arrêt publié aux
ATF 121 II 317).
b) Il se justifie de rendre à ce stade un jugement partiel sur la
question de la prescription. Cette question de principe doit
également être résolue dans un autre cas actuellement soumis au
Tribunal fédéral et il ressort du dossier qu'elle pourrait aussi se
poser dans plusieurs affaires concernant les nuisances de l'Aéroport
international de Genève, pendantes devant la Commission fédérale
d'estimation ou actuellement encore traitées - quand bien même les
procédures ont été introduites, pour certaines d'entre elles, il y a
plusieurs années - par le département cantonal, dans l'attente d'une
saisine de cette commission. Si la question de la prescription est
d'emblée examinée par le Tribunal fédéral, par ailleurs autorité de
surveillance des commissions d'estimation (art. 63 LEx), cela peut
être de nature à accélérer le traitement de ces différentes
procédures.
2.- Par la décision attaquée, la Commission fédérale d'estimation
a octroyé aux intimés, à la charge de l'Etat de Genève, une indemnité
pour "l'expropriation formelle des droits de voisinage (immissions)",
arrêtée à 143'340 fr., et une indemnité de 120'000 fr.
3.- a) En vertu de l'art. 5 LEx, les droits résultant des
dispositions du code civil sur la propriété foncière en matière de
rapports de voisinage peuvent faire l'objet d'une expropriation et
être supprimés ou restreints temporairement ou définitivement. Cela
s'applique en particulier au droit du propriétaire de se défendre
contre les immissions excessives ayant leur origine sur un fonds
voisin (art. 684 CC). Dès lors, si les immissions proviennent de
l'utilisation, conforme à sa destination, d'un ouvrage d'intérêt
public pour la réalisation duquel la collectivité disposait du droit
d'expropriation, le voisin ne peut pas exercer les actions du droit
privé, à raison du trouble ou en responsabilité, prévues à l'art. 679
CC. La prétention en versement d'une indemnité d'expropriation se
substitue à ces actions et il appartient non plus au juge civil, mais
au juge de l'expropriation de statuer sur l'existence du droit ainsi
que sur la nature et le montant de l'indemnité (ATF 123 II 481
consid. 7a; 121 II 317 consid. 4; 120 Ib 76 consid. 5a; 119 Ib 348
consid. 4b; 106 Ib 241 consid. 3 et les arrêts cités).
b) Le propriétaire foncier a en principe, en vertu de l'art. 667
al. 1 CC, le droit de s'opposer aux ingérences de tiers dans l'espace
aérien
4.- a) Dans le cas particulier - comme dans d'autres cas où des
voisins de l'Aéroport international de Genève ont demandé à être
indemnisés en raison des nuisances dues au trafic aérien -, le droit
d'expropriation n'a été conféré à l'Etat de Genève, par une décision
spéciale du département fédéral, qu'en relation avec les prétentions
des propriétaires de la parcelle concernée. L'Etat de Genève n'avait
en effet pas requis, préalablement et indépendamment de l'annonce de
prétentions par des propriétaires voisins, l'ouverture d'une ou
plusieurs procédures d'expropriation pour l'acquisition de tous les
droits nécessaires à la construction, à l'agrandissement ou à
l'exploitation de l'aéroport (cf. ATF 121 II 350 consid. 6b).
La question litigieuse n'est pas de savoir si, après que la
procédure d'expropriation a été engagée, les demandes d'indemnité ont
été produites par les intéressés dans les délais prescrits aux art.
36 et 41 LEx (délais de péremption, qui n'entrent pas en
considération dans le cas présent - cf. ATF 119 Ib 334 consid. 2c et
les arrêts cités), mais bien de savoir si l'ouverture de la procédure
d'expropriation a été demandée en temps utile par les membres de
l'hoirie
5.- a) La naissance de la prétention à indemnité en raison
d'immissions de bruit excessives (cf. art. 684 CC), point de départ
du délai de prescription (cf. supra, consid. 4a), correspond en
principe au moment à partir duquel sont remplies, cumulativement, les
trois conditions mises par la jurisprudence à l'octroi d'une
indemnité d'expropriation, à savoir l'imprévisibilité, la spécialité
et la gravité (cf. ATF 123 II 481 consid. 7a; 121 II 317 consid. 5b;
119 Ib 348 consid. 4b et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, les propriétaires voisins de l'Aéroport
international de Genève peuvent se prévaloir de l'imprévisibilité si
eux-mêmes - ou une personne à laquelle ils ont succédé - ont acquis
l'immeuble litigieux avant le 1er janvier 1961 (ATF 121 II 317
consid. 5a et 6b). En l'espèce, la parcelle litigieuse a été achetée
par feu V.H., dont les intimés sont les héritiers, en 1953. La
première condition est donc remplie.
6.- Il n'existe pas, en l'état, de plan d'assainissement de
l'Aéroport international de Genève, au sens des art. 16 ss LPE et 13
ss de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS
814.41). Les valeurs limites d'exposition au bruit des aéroports
7.- Dans la décision attaquée, la Commission fédérale
d'estimation a considéré que l'Etat de Genève avait soulevé
l'exception de prescription de façon manifestement tardive, compte
tenu de son attitude tout au long de la procédure. Il n'y a pas lieu
de se prononcer sur cette argumentation dans la présente cause. Il
suffit de noter qu'en principe, il n'est pas nécessaire que la
prescription soit invoquée d'emblée (cf. par exemple, en procédure
civile, ATF 123 III 213 consid. 4-5; 119 III 108), mais que des
circonstances spéciales justifient parfois la réplique (ou
contre-exception) de l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC
(cf. ATF 113 II 264 consid. 2e; 112 II 231 consid. 3e; 108 II 278
consid. 5b; 76 II 113 consid. 5; cf. KARL SPIRO, Die Begrenzung
privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen,
vol. I Berne 1975, p. 213 ss; PIERRE ENGEL, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd. Berne 1997, p. 802/803; GADOLA, op.cit., p.
55/56).
Si les intimés étaient intervenus auprès des autorités après le 2
septembre 1992, c'est notamment sous cet angle qu'il aurait fallu
examiner la façon dont l'Etat de Genève a réagi à leurs prétentions,
en proposant d'emblée une suspension de la procédure avec une


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.9/1998
Date de la décision : 23/09/1998
1re cour de droit public

Analyses

Expropriation formelle des droits des propriétaires voisins d'un aéroport d'être protégés contre les immissions de bruit et contre le survol de leur bien-fonds; prescription des prétentions à indemnité. Jugement partiel sur la question de la prescription (consid. 1). Fondement, dans une procédure d'expropriation formelle, des prétentions de propriétaires voisins d'un aéroport en relation avec les immissions de bruit et le survol; rappel de la jurisprudence (consid. 3). Application, en principe, d'un délai de prescription de cinq ans, dès la naissance des prétentions à indemnité, en cas d'expropriation formelle des droits des propriétaires voisins d'un ouvrage public d'être protégés contre les immissions de bruit et le survol (consid. 4). Détermination du point de départ de ce délai, en ce qui concerne les immissions de bruit, en fonction de la réalisation de la condition de la spécialité (consid. 5a). Choix d'une solution particulière pour fixer l'échéance du délai de prescription, en raison des différentes procédures - expropriation formelle, expropriation matérielle à cause du plan des zones de bruit - ouvertes en relation avec l'exploitation de l'Aéroport international de Genève (consid. 5b-c); application de cette solution à propos du survol (consid. 5d). Invocation abusive de la prescription (consid. 7)? L'application des normes fédérales sur la protection de l'environnement n'exclut en principe pas, dans le cas particulier, une indemnisation des voisins selon la loi fédérale sur l'expropriation (consid. 6).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-09-23;1e.9.1998 ?
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