124 III 469
81. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 septembre 1998
dans la cause Z. S.A. contre W. (recours en réforme)
A.- a) W. a été engagé par X. S.A., le 1er juin 1973, comme
photocompositeur et responsable d'atelier de photocomposition.
Dès 1986, il a travaillé comme calculateur au département
«continu». La lettre modifiant les conditions de son engagement
prévoyait que les heures supplémentaires qui n'auraient pas été
compensées seraient rétribuées trimestriellement sur la base du
salaire horaire.
En 1993, à la suite d'une fusion entre X. S.A. et Y. S.A., W. a été
transféré, «tous droits acquis», dans la nouvelle société Z. S.A.
Au début de l'année 1994, la nouvelle société a souhaité harmoniser
et réglementer la politique des heures supplémentaires au sein de
l'entreprise. La direction a établi une note destinée aux chefs de
service et indiquant que seules les heures expressément demandées aux
collaborateurs par leur responsable seraient considérées comme heures
supplémentaires et, partant, compensées. Il n'est pas établi que W.,
qui n'était pas chef de service, ait eu connaissance de cette note.
b) W. consignait ses heures supplémentaires sur une formule remise
à son employeur à la fin de chaque mois. Le décompte ainsi établi
était reporté par l'employeur sur la fiche de salaire mensuelle de
l'intéressé. Ainsi, la fiche de salaire relative au mois de février
1994 contient un poste indiquant 80,5 heures supplémentaires, portant
le total de ces dernières à 472,75; celle de mars 1994 mentionne que
46 heures supplémentaires ont été effectuées durant ce mois.
Extrait des considérants:
2.- a) Selon l'art. 321c al. 3 CO, l'employeur est tenu de
rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas
compensées par un congé en versant le salaire normal majoré d'un
quart au moins, sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un
contrat-type de travail ou d'une convention collective.
L'art. 321c al. 3 CO n'est qu'en partie impératif; les parties
peuvent y déroger, mais seulement dans le cadre d'un accord écrit,
d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective de
travail (STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e
éd., n. 7 ad art. 321c CO; STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 21 ad
art. 321c CO; REHBINDER, Commentaire bernois, n. 11 ad art. 321c CO;
BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n.
9 ad art. 321c CO; BRÜHWILER, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e
éd., n. 11 ad art. 321c CO). Peu importe que l'art. 321c al. 3 CO ne
figure pas dans les catalogues des art. 361 et 362 CO, comportant les
listes des dispositions absolument ou relativement impératives, car
ces listes ne sont pas exhaustives. En effet, comme l'a indiqué le
Conseil fédéral, en visant expressément l'art. 321c al. 3 CO, lors de
la dernière révision de ces dispositions, les normes prévoyant
clairement à quelles conditions formelles et dans quelles limites
matérielles des dérogations sont licites ne figurent pas dans cet
inventaire (Message du Conseil fédéral du 9 mai 1984 concernant
l'initiative populaire «pour la protection des travailleurs contre
les licenciements dans le droit du contrat de travail» et la révision
des dispositions sur la résiliation du contrat de travail dans le
code des obligations, in FF 1984 II 574 ss, 639 in fine).
b) Contrairement à ce qu'a admis la cour cantonale, les indications
fournies par la défenderesse, en mai 1995, quant au non-paiement des
heures supplémentaires ne liaient nullement le demandeur. Supposé
même que le travailleur ait accepté ces indications, sa déclaration
serait dépourvue d'effet, faute d'avoir revêtu l'une des formes
prévues à l'art. 321c al. 3 CO. En l'absence de convention collective
de travail ou de contrat-type, l'accord du demandeur n'aurait été
valable que s'il avait été conclu en la forme écrite, condition qui
n'est pas réalisée en l'espèce.
3.- Il y a dès lors lieu d'examiner si l'employeur et le
travailleur pouvaient valablement convenir, en juin 1996, que les
heures supplémentaires accomplies jusqu'en mai 1995 ne seraient pas
rétribuées. Dans l'affirmative, il faudra déterminer si la lettre de
la défenderesse