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20/03/1998 | SUISSE | N°1A.34/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 mars 1998, 1A.34/1998


124 II 132

19. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 20 mars
1998 dans la cause A. contre Office fédéral de la police (recours de
droit administratif)
A.- Le 26 janvier 1996, la République du Kazakhstan a demandé à la
Suisse l'extradition de A., ressortissante kazakhe résidant à Genève.
Selon cette demande, A., ancienne représentante de la Banque
nationale de la République du Kazakhstan, est soupçonnée d'avoir
établi de fausses garanties bancaires au nom de la Banque nationale,
pour un montant de 2 milliards de doll

ars.
Le 9 avril 1997, l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office
fédéral) a acco...

124 II 132

19. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 20 mars
1998 dans la cause A. contre Office fédéral de la police (recours de
droit administratif)
A.- Le 26 janvier 1996, la République du Kazakhstan a demandé à la
Suisse l'extradition de A., ressortissante kazakhe résidant à Genève.
Selon cette demande, A., ancienne représentante de la Banque
nationale de la République du Kazakhstan, est soupçonnée d'avoir
établi de fausses garanties bancaires au nom de la Banque nationale,
pour un montant de 2 milliards de dollars.
Le 9 avril 1997, l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office
fédéral) a accordé l'extradition, sous diverses charges et conditions.
Par arrêt du 12 septembre 1997 (ATF 123 II 511), le Tribunal
fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable et au sens des
considérants, le recours de droit administratif formé par A. (ch. 1
du dispositif). Il a modifié le dispositif de la décision du 9 avril
1997 notamment comme suit (ch. 2 du dispositif):

"1. L'extradition de A. est accordée à la République du Kazkahstan
pour
les faits mentionnés dans la demande d'extradition du 9 janvier 1996
aux
conditions suivantes:
let. a. à e.
f. En sa qualité de chef d'Etat, le Président de la République du
Kazakhstan s'engage, conformément aux art. 2 et 5 Pacte ONU II, à
assurer
le respect des garanties de procédure énoncées ci-dessus (let. b, c,
d et
e). Il s'engage en particulier à respecter le principe
d'indépendance et
d'impartialité des autorités judiciaires chargées de la procédure
pénale
dirigée contre A. pour les faits visés dans la demande d'extradition
du 9
janvier 1996, tant dans la phase de l'instruction, qu'à l'audience de
jugement ou devant l'instance de recours juridictionnel.
let. g. et h. (...)
2. L'extradition de A. ne sera pas exécutée et le mandat d'arrêt
en vue
d'extradition du 22 décembre 1995 révoqué, si la République du
Kazakhstan
ne confirme pas les garanties mentionnées sous lettres a-e et g-h et
si le
Président de la République du Kazakhstan ne fournit pas la garantie
mentionnée sous lettre f, dans le délai qui lui sera imparti par
l'Office
fédéral.
ch. 3 et 4"

B.- Le 13 octobre 1997, l'Office fédéral a invité l'Etat requérant,
par l'entremise de son mandataire en Suisse, à fournir, dans un
Extrait des considérants:
2.- La recourante reproche à l'Office fédéral de ne pas lui avoir
donné l'occasion de s'exprimer, avant qu'il ne statue, sur les
garanties données par l'Etat requérant, dans la dernière version de
celles-ci, jointes à la note no 28/98 du 29 janvier 1998. Elle se
plaint à cet égard d'une violation de son droit d'être entendue.
3.- Selon la recourante, l'Etat requérant n'aurait pas donné
d'engagement suffisant s'agissant du respect de la condition visée au
ch. 1 let. f du dispositif de la décision du 9 avril 1997, dans sa
version du 12 septembre 1997, dans la mesure où cet engagement
n'émane pas du chef de l'Etat requérant.
a) Dans son arrêt du 12 septembre 1997, le Tribunal fédéral est
parvenu à la conclusion, comme l'Office fédéral avant lui, que
l'extradition inconditionnelle de la recourante n'entrait pas en
ligne de compte. Le système constitutionnel de l'Etat requérant,
présentant les traits d'un régime présidentiel très accentué, confère
au Président de la République des pouvoirs fort étendus, notamment
dans ses relations avec le pouvoir judiciaire qu'il domine
effectivement, au point qu'il existe incontestablement le risque de
voir les juges placés dans une relation de dépendance à l'égard du
Président de la République (ATF 123 II 511, consid. 5e/cc, p. 519).
En outre, la situation des droits de l'homme, et notamment des
détenus, est très mauvaise dans l'Etat requérant. Le Tribunal fédéral
en a conclu que:

"(...) Ce tableau très sombre de la situation des droits de
l'homme
dans
l'Etat requérant commande impérieusement de ne pas accorder sans
conditions
l'extradition de la recourante, compte tenu des risques qu'elle
courrait
de
se voir infliger des mauvais traitements au cours de sa détention,
ainsi
que des graves lacunes dont souffre, du point de vue de la
séparation des
pouvoirs, l'organisation du système judiciaire de l'Etat
requérant."
(consid. 5f).

Ces constatations ont conduit le Tribunal fédéral à subordonner
l'extradition de la recourante au respect, par l'Etat requérant, de
conditions détaillées et précises, reproduites intégralement dans le
dispositif de son arrêt de manière à prévenir toute équivoque à ce
sujet.
Le Tribunal fédéral a considéré que, compte tenu des relations très
particulières prévalant, dans l'Etat requérant, entre le pouvoir
exécutif
et le pouvoir judiciaire, il était indispensable de s'assurer
4.- Il reste à examiner si la garantie fournie par l'Etat
requérant sur ce point constitue un engagement suffisant au sens de
l'art. 80p al. 3 EIMP, ce que conteste la recourante.
a) Pour admettre la validité de l'assurance fournie par l'Etat
requérant conformément au ch. 1 let. f de la décision du 9 avril 1997
dans sa version du 12 septembre 1997, l'Office fédéral s'est fondé
sur les documents joints à la note diplomatique no28/98 du 29 janvier
1998 et sur leur traduction allemande. Après avoir noté que cette
déclaration n'émanait pas du Président de la République du
Kazakhstan, mais du Procureur général de l'Etat requérant, l'Office
fédéral l'a néanmoins tenue pour valide, aux motifs que seul le
Procureur général, autorité judiciaire suprême de l'Etat requérant,
était en mesure de garantir l'indépendance et l'impartialité du
pouvoir judiciaire, que le Président de la République n'était pas
compétent dans ce domaine et que le Procureur général, certes nommé
par le Président de la République, était cependant indépendant de
celui-ci, qui ne pouvait ni le révoquer, ni le destituer.
b) La solution retenue par l'Office fédéral ne tient pas compte
du ch. 1 let. f, 1ère phrase, du dispositif de la décision du 9 avril
1997 dans sa teneur du 12 septembre 1997, par laquelle il a été
demandé au Président de la République du Kazakhstan d'assurer le
respect des garanties visées au ch. 1 let. b, c, d et e de ce
dispositif. Ces garanties concernent le procès équitable, ainsi que
l'interdiction des tribunaux d'exception, de la peine de mort et des
traitements pouvant porter atteinte à l'intégrité physique et
psychique de la recourante. Or, la déclaration du Procureur général
du Kazakhstan, selon le ch. 6 de sa note no36-11-98 jointe à la note
diplomatique no28/98 du 29 janvier 1998, ne saurait remplacer sur ce
point précis celle requise du Président de la République comme chef
de l'Etat requérant. Indépendamment de ce qui concerne le deuxième
élément de la garantie requise, touchant à l'indépendance et à
l'impartialité des tribunaux, la déclaration de l'Etat requérant ne
satisfait pas à cet égard à une condition centrale de l'octroi de
l'extradition de la recourante. On ne saurait, pour ce motif déjà,
parler à ce propos d'un engagement suffisant au sens de l'art. 80p
al. 3 EIMP.
c) L'arrêt du 12 septembre 1997 (consid. 7b, deuxième paragraphe)
insiste sur les risques concrets d'une intervention du chef
5.- Le recours est admis partiellement au sens du considérant 4d
et e et la décision attaquée annulée. Le recours est rejeté
s'agissant des conclusions de la recourante tendant au refus de la
demande d'extradition et la levée immédiate de la détention
extraditionnelle. Eu égard à l'issue de la cause, la demande
d'assistance judiciaire présentée par la recourante a perdu son
objet.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.34/1998
Date de la décision : 20/03/1998
1re cour de droit public

Analyses

Art. 80p EIMP; contrôle des conditions posées à l'extradition. Droit d'être entendu dans la procédure de contrôle des conditions à la coopération internationale, régie par l'art. 80p EIMP (consid. 2). Portée des conditions posées à l'État requérant selon l'art. 80p EIMP; étendue de la mission de l'Office fédéral lorsqu'il vérifie si la réponse de l'État requérant constitue un engagement suffisant (consid. 3). En l'occurrence, les assurances données par l'État requérant ne correspondaient pas entièrement aux conditions formulées pour l'octroi de l'extradition (consid. 4a-d). Sur le vu des circonstances spéciales de la cause, il se justifie néanmoins d'impartir à l'État requérant un ultime délai pour fournir la garantie demandée (consid. 4e).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-03-20;1a.34.1998 ?
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