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10/02/1998 | SUISSE | N°U.111/97

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 février 1998, U.111/97


124 V 52

8. Arrêt du 10 février 1998 dans la cause R. contre Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents contre R. et Tribunal
administratif du canton de Genève
A.- a) A la suite d'un accident de moto survenu le 6 août 1978 en
France, au cours duquel il fut grièvement blessé, R., né le 3 février
1956, assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA), est devenu tétraplégique et présente d'importants
troubles neuropsychologiques dan

s le cadre d'une démence
post-traumatique. L'évolution défavorable de son état de santé ...

124 V 52

8. Arrêt du 10 février 1998 dans la cause R. contre Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents contre R. et Tribunal
administratif du canton de Genève
A.- a) A la suite d'un accident de moto survenu le 6 août 1978 en
France, au cours duquel il fut grièvement blessé, R., né le 3 février
1956, assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA), est devenu tétraplégique et présente d'importants
troubles neuropsychologiques dans le cadre d'une démence
post-traumatique. L'évolution défavorable de son état de santé a
nécessité, à partir du mois de mars 1984, une hospitalisation
permanente, d'abord à l'Hôpital cantonal de Genève, puis à la
clinique psychiatrique de Bel-Air et, à partir du 3 décembre 1992, à
l'Hôpital de Loëx, à Bernex.
Depuis le 1er août 1979, R. perçoit une rente entière et une
allocation pour impotent de l'assurance-invalidité (AI).
Par décision du 4 septembre 1980, la CNA a alloué à son assuré, à
partir du 5 juillet 1980, une rente d'invalidité fondée sur une
incapacité de travail de 100%, ainsi qu'une "rente d'impotent"
(recte: une majoration de la rente pour impotence [cf. art. 77 al. 1,
seconde phrase, LAMA]) de 30%. Ces prestations étaient toutefois
réduites pour cause de surindemnisation, en conformité avec la LAI.
La CNA a pris en charge la totalité des frais d'hospitalisation de
l'assuré mais en contrepartie, par décision du 13 avril 1984, elle a
"interrompu" le droit de celui-ci à la "rente d'impotent" pour la
durée du séjour à l'hôpital.
b) Une procédure menée devant les tribunaux français, opposant la
CNA et l'assuré d'une part au coresponsable de l'accident du 6 août
1978, P. et son assureur-responsabilité civile d'autre part, s'est
terminée par un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry, du 10 mai 1994,
dont le dispositif est le suivant:

"Confirme la décision déférée en ce qu'elle a alloué à R. une
indemnité
de 100'000 F [français] et condamné la M.G.F.A. IARD à verser au
père de R.
ès qualités ladite somme.
La réforme pour le surplus.
Dit que la M.G.F.A. IARD devra rembourser à la CNA
1) les frais médicaux et d'hospitalisation pris en charge par cet
organisme et actuellement échus soit la contre-valeur en francs
français à
la date du présent arrêt de la somme de 812'967,80 Frs suisses;
Considérant en droit:
1.- (Jonction de causes; cf. ATF 120 V 466 consid. 1 et les
références).
2.- (Pouvoir d'examen étendu; cf. ATF 121 V 222 consid. 1, 366 sv.
consid. 1c, 120 V 448 consid. 2a/aa, 117 V 306 consid. 1a).
3.- D'après l'art. 118 al. 1 LAA, les prestations d'assurance
allouées pour les accidents qui sont survenus avant l'entrée en
vigueur de la LAA, le 1er janvier 1984, et pour les maladies
professionnelles qui se sont déclarées avant cette date, sont régies
par l'ancien droit (LAMA). Toutefois, dans ces cas, les assurés de la
CNA sont soumis dès l'entrée en vigueur de la LAA aux dispositions de
cette loi, notamment en ce qui concerne le traitement médical accordé
après la fixation de la rente (art. 21), si le droit naît après
l'entrée en vigueur de la loi (art. 118 al. 2 let. a LAA).
En l'espèce, l'hospitalisation permanente de l'assuré est devenue
nécessaire à partir du mois de mars 1984, c'est-à-dire
postérieurement à l'entrée en vigueur de la LAA et c'est aussi à
partir de cette époque que les frais d'hospitalisation ont été pris
en charge par la CNA dans leur intégralité.
Par ailleurs, à partir du 26 septembre 1983, date qui marque le
début d'une hospitalisation à l'Hôpital cantonal de Genève, la CNA a
"interrompu" le service de la "rente d'impotent" allouée à son assuré
depuis le 5 juillet 1980, ainsi qu'elle le lui a signifié par
décision du 13 avril 1984. Par la suite, la caisse a décidé de
suspendre le droit à la "rente d'impotent" dès le 10 mai 1984
(décisions des 10 avril 1985 et 27 juin 1985).
Dans sa décision du 7 novembre 1995 qui est à l'origine du litige,
la CNA a rétabli à partir du 1er décembre 1995 le droit de l'assuré à
la "rente d'impotent", calculée sous la forme d'un supplément de 30%
à la rente d'invalidité, comme le prévoyait l'art. 77 al. 1, seconde
phrase, LAMA.
La CNA a confirmé, dans sa décision sur opposition du 28 juin 1996,
que, d'après elle, c'est l'ancien droit qui s'applique à cette
prestation car le droit à cette dernière est né avant le 1er janvier
1984, date de l'entrée en vigueur de la LAA et, par la suite, il n'a
été que suspendu en application de la pratique abandonnée par la
caisse à partir du 1er décembre 1995.
Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce point, lequel
doit néanmoins être examiné d'office.
4.- Aux termes de l'art. 21 al. 1 let. d LAA, lorsque la rente a
été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art.
10 à 13 LAMA) sont accordées à son bénéficiaire lorsqu'il présente
une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient
notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne
subisse une notable détérioration. On vise ici les assurés totalement
invalides dont l'état de santé peut être amélioré ou tout au moins
stabilisé grâce à des mesures médicales, même si cela reste sans
influence sur leur capacité de gain (MAURER, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, Berne 1985, p. 384). La prise en charge de
telles mesures par l'assureur-accidents ne fait pas obstacle au
maintien du droit de l'assuré à une allocation pour impotence grave
(ATF 116 V 48 sv. consid. 6).
5.- Pour déterminer le montant des frais de soins à sa charge, la
CNA s'est fondée sur une analyse du temps consacré, durant une
journée de 24 heures, aux actes à caractère médical d'une part et au
"nursing" d'autre part. Sur la base des données fournies par
l'Hôpital de Loëx, elle a fixé le montant de ces frais à 2'600 francs
par mois, soit en chiffres ronds 87 francs par jour, alors que le
montant facturé à l'assuré par l'établissement hospitalier s'élève à
248 francs par jour.
Dans son recours, l'assuré conteste "avec force" ce calcul et il
allègue qu'en réalité la CNA a fixé ce montant de telle façon que
"l'intégralité des prestations versées à titre de frais médicaux, de
rente d'impotent et de perte de gain suffisent juste à couvrir les
frais d'hospitalisation".
Pour leur part, les juges cantonaux se sont bornés à constater que
le montant fixé par la CNA tenait compte des informations fournies
par l'Hôpital de Loëx et que ce chiffre devait être confirmé, bien
que l'assuré le juge insuffisant.
Or, sur ce point, tant la décision sur opposition litigieuse que le
jugement entrepris ne sont pas motivés de manière conforme à la loi.
Il est en effet impossible de comprendre comment la CNA est parvenue
à ce résultat et, plus particulièrement, selon quels critères elle a
chiffré la valeur des soins médicaux administrés à l'assuré. Dès
lors, on ne saurait reprocher à ce dernier le manque de précision de
sa contestation s'il n'a pas été informé en détail, dans une décision
motivée, des éléments de calcul retenus par l'assureur-accidents pour
fixer le montant de sa prestation.
6.- Le recourant R. soutient encore que le changement de pratique
de la CNA lui porte un lourd préjudice dans la mesure où il est
intervenu à l'issue du procès civil intenté au responsable de
l'accident dont il a été victime et au cours duquel lui-même n'a pu
faire valoir aucune prétention à la couverture de ses frais
d'hospitalisation, puisque la CNA était subrogée dans ses droits
(art. 41 LAA). D'après lui, les calculs opérés par les juges français
pour fixer le montant des frais d'hospitalisation remboursables à la
CNA ne tiennent compte que d'une manière insuffisante de l'étendue du
dommage - ce qui serait le véritable motif du changement de
7.- Pour sa part, la CNA motive son recours par des moyens
exactement inverses. Elle reproche en effet aux premiers juges "de
lier l'application correcte de la LAA à des considérations tirées du
droit de la responsabilité civile" et elle soutient que l'étendue de
ses prestations ne saurait en aucune façon dépendre de la possibilité
de l'assuré de recouvrer le découvert auprès du tiers responsable de
l'accident. Elle reconnaît toutefois que "dans le cadre du recours
contre le tiers responsable, les répercussions du changement de
pratique devront être discutées et convenues entre toutes les parties
intéressées". Elle déclare n'avoir jamais nié son devoir d'assistance
envers l'assuré et se déclare d'ores et déjà prête à lui céder ses
droits à l'encontre de l'assureur RC du responsable de l'accident.
8.- Le juge des assurances sociales ne saurait se prononcer sur
l'étendue du dommage que la CNA, légalement subrogée dans les droits
de l'assuré contre le tiers responsable (art. 41 LAA), pouvait ou
pourrait encore faire valoir contre ce dernier. Cette question relève
en effet du juge civil. De même, il n'y pas lieu d'examiner ici les
modalités de l'exercice du droit de recours contre le tiers
responsable (cf. G. FRÉSARD-FELLAY, Le concours de prétentions de
l'assurance sociale suisse et de la responsabilité civile en cas
d'accident de circulation survenant en France, in: RSA 1993, p. 225
ss), ni l'étendue du privilège conféré à l'assuré par l'art. 42 al. 1
LAA (voir à ce sujet ATF 120 II 62 consid. 3c et les références), car
ce n'est pas l'objet du litige.
En réalité, dans le cadre du présent procès, le débat porte sur la
protection des droits de l'assuré, modifiés dans un sens restrictif
par le changement de pratique de la CNA, eu égard au comportement de
cette dernière dans l'exercice de son droit de recours contre le
tiers responsable.
Or, sur ce point, le raisonnement des premiers juges est
convaincant: du moment que la CNA, se fondant sur l'art. 41 LAA, a
réclamé au tiers
9.- Aux termes du dispositif du jugement attaqué - qui peut seul
faire l'objet du recours de droit administratif - la CNA est
condamnée à rembourser à l'assuré les frais hospitaliers médicaux et,
à partir du 1er décembre 1995, les deux tiers des frais
d'hospitalisation non médicaux.
Sur le vu de ce qui précède, ce jugement n'est pas contraire au
droit fédéral, étant cependant précisé que dans la nouvelle décision
qu'elle sera appelée à rendre, la CNA devra fixer d'une part le
montant de l'allocation pour impotent à laquelle l'assuré pourrait
prétendre si la caisse ne prenait pas en charge une partie des frais
d'hospitalisation non médicaux et, d'autre part, la composition et le
montant des frais médicaux (couverts à 100%) et des frais non
médicaux (couverts aux deux tiers) à l'Hôpital de Loëx. Une fois ces
éléments chiffrés, la caisse statuera sur le montant réduit de
l'allocation pour impotent à laquelle l'assuré a droit, en sus de la
rente d'invalidité et du remboursement des frais d'hospitalisation
dans la mesure sus-indiquée.
10.- Les deux recours se révèlent ainsi mal fondés. (Frais et
dépens)


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.111/97
Date de la décision : 10/02/1998
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 118 al. 2 let. c LAA: Droit transitoire. Droit applicable à une allocation pour impotent versée tout d'abord sous la forme d'une majoration de la rente d'invalidité au sens de l'art. 77 al. 1, seconde phrase LAMA, à la suite d'un accident survenu en 1978, puis suspendue pendant 12 ans et à nouveau allouée à partir du mois de décembre 1995. Art. 21 al. 1 let. d LAA: Traitement médical après la fixation de la rente. Etendue du droit d'un assuré invalide à 100% et dont l'état de santé nécessite une hospitalisation permanente à la prise en charge des frais d'hospitalisation (médicaux et non médicaux). Art. 4 al. 1 Cst. Protection de la bonne foi de l'assuré en cas de changement de pratique de l'assureur-accidents.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-02-10;u.111.97 ?
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