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02/12/1997 | SUISSE | N°4C.109/1997

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 décembre 1997, 4C.109/1997


124 III 126

24. Arrêt de la Ie Cour civile du 2 décembre 1997 dans la cause M.
contre T. S.A., Agence de travail temporaire (recours en réforme)
A.- a) Par contrat du 20 mai 1994, M. a été engagé comme maçon par
T. S.A., Agence de travail temporaire. Le contrat prévoyait que, dès
le septième mois de travail, le délai de congé était d'un mois et que
le droit aux indemnités en cas de maladie était de 180 jours. Selon
un avenant du 5 août 1994, le salaire horaire brut a été fixé à 24 fr.
M. est tombé malade le 14 janvier 1995; sa

capacité de travail est
nulle depuis le 17 janvier 1995.
Par lettre du 24 mars 1995, T. S.A...

124 III 126

24. Arrêt de la Ie Cour civile du 2 décembre 1997 dans la cause M.
contre T. S.A., Agence de travail temporaire (recours en réforme)
A.- a) Par contrat du 20 mai 1994, M. a été engagé comme maçon par
T. S.A., Agence de travail temporaire. Le contrat prévoyait que, dès
le septième mois de travail, le délai de congé était d'un mois et que
le droit aux indemnités en cas de maladie était de 180 jours. Selon
un avenant du 5 août 1994, le salaire horaire brut a été fixé à 24 fr.
M. est tombé malade le 14 janvier 1995; sa capacité de travail est
nulle depuis le 17 janvier 1995.
Par lettre du 24 mars 1995, T. S.A. a résilié le contrat de travail
de M. avec effet au 30 avril 1995.
b) Le 11 mai 1995, l'Assurance X., auprès de laquelle T. S.A. a
conclu un contrat d'assurance collective, a informé M. qu'elle lui
verserait 180 indemnités journalières et que le droit du travailleur
serait épuisé le 12 juillet 1995. M. a effectivement reçu les
indemnités journalières dues jusqu'à cette date.
B.- Par demande déposée le 18 août 1995 devant la juridiction
genevoise des prud'hommes, M. a assigné T. S.A. en paiement de 61'236
fr. plus intérêts à 5% dès le 18 août 1995. Selon la demande, cette
somme correspond à 540 jours d'indemnité de perte de gain, soit la
différence entre, d'une part, la couverture de 720 jours prévue par
l'art. 27 de la Convention collective nationale pour le secteur
Extrait des considérants:
1.- La cour cantonale n'a pas exclu que le demandeur ait droit à
720 indemnités journalières selon l'art. 27 CN. Cependant, elle a
considéré que la question n'était pas pertinente, parce que
l'intéressé ne pouvait prétendre à de telles indemnités après la fin
du contrat de travail.
Devant le Tribunal fédéral, le demandeur persiste à soutenir qu'il
a droit aux indemnités prévues par la CN. Cette question doit être
examinée d'emblée, car, à supposer que le travailleur ait tort sur ce
point, le recours devrait être rejeté sans plus ample examen.
a) Selon l'art. 27 CN, les travailleurs soumis à la convention
doivent être assurés collectivement par leur employeur pour une
indemnité journalière en cas d'incapacité de travail attestée par un
certificat médical. La couverture d'assurance doit naître le jour où
le travailleur commence ou aurait dû commencer le travail en vertu du
contrat. Après un jour de carence à la charge du travailleur, ce
dernier
2.- a) A suivre la cour cantonale, qui se réfère à l'ATF 113 II
259, le droit aux indemnités de perte de gain prend fin avec la
cessation des rapports de travail. Partant de cette prémisse, les
juges cantonaux ont conclu que, même s'il avait eu droit au paiement
de 720 indemnités en cas de maladie, le demandeur n'aurait pas pu
s'en prévaloir, dès l'instant où le contrat de travail s'était éteint
le 30 avril 1995. Le travailleur devait donc se contenter des
prestations versées par l'assurance jusqu'au 12 juillet 1995.
Pour le demandeur, au contraire, le fait que les rapports de
travail aient pris fin le 30 avril 1995 n'entraîne nullement
l'extinction des droits qu'il peut tirer de l'art. 27 CN.
b) Selon la jurisprudence citée par la Chambre d'appel, d'une
manière générale, en cas d'incapacité de travail, le droit au salaire
cesse en même temps que les rapports contractuels, sauf accord
contraire exprès (ATF 113 II 259 consid. 3). Toutefois, la
jurisprudence a déjà admis que, lorsqu'il se voit reconnaître, en cas
d'incapacité de travail, un droit à des indemnités versées par une
assurance pendant une longue période, sans restriction d'aucune
sorte, le travailleur peut de bonne foi comprendre qu'il bénéficiera
de cette couverture même si le contrat de travail prend fin avant
l'épuisement de son droit aux indemnités (arrêt du 11 septembre 1995
dans la cause 4C.196/1995, consid. 4, in: SJ 1996 p. 373; dans le
même sens, s'agissant précisément du cas dans lequel le travailleur
est au bénéfice d'une assurance perte de gain: BRÜHWILER, Kommentar
zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 10a ad art. 324a CO, p. 155;
STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 34
ad art. 324a/b CO, p. 176; JÖRG MATHIAS ZINSLI, Krankheit im
Arbeitsverhältnis,
3.- Certes, lorsque le demandeur est tombé malade le 14 janvier
1995, la convention nationale n'était plus étendue, puisque
l'extension a perdu ses effets durant une courte période, du 1er
janvier au 14 février 1995. Cette circonstance n'a toutefois pas
d'incidence sur les obligations de l'employeur. En effet, selon la
convention collective, la défenderesse était tenue d'assurer le
demandeur dès le premier jour d'emploi; c'est parce qu'elle n'a pas
satisfait à cette obligation lors de l'engagement que, le 14 janvier
1995, le demandeur n'a pas pu bénéficier d'une couverture d'assurance
conforme à la convention collective. En outre, à supposer que la
défenderesse eût voulu, du 1er janvier au 14 février 1995, priver son
salarié du bénéfice d'une assurance collective conforme à la
convention, l'intéressé aurait eu le droit de passer dans l'assurance
individuelle de la caisse en conservant la même couverture, tout en
se trouvant libéré de l'obligation de payer des primes (art. 27 ch. 1
CN). L'omission de la défenderesse est donc bien en relation de
causalité avec le préjudice supporté par le demandeur.
4.- Lorsqu'il omet de conclure une assurance au bénéfice du
travailleur alors qu'il s'y est obligé, l'employeur doit réparer le
préjudice subi par l'intéressé. Il doit lui verser les montants que
l'assurance aurait payés (ATF 115 II 251 consid. 4b).
Ainsi, la défenderesse est tenue de verser au demandeur les
montants que l'assurance eût acquittés. L'arrêt attaqué doit donc
être annulé. Mais comme il ne contient pas les indications
nécessaires, il y a lieu de retourner le dossier à l'autorité
cantonale, pour qu'elle se prononce sur ce point (art. 64 al. 1 OJ).
A cette fin, elle déterminera le montant de l'indemnité journalière
qu'eût versé l'assurance et le multipliera par 720 (art. 27 ch. 1
CN). Elle déduira du montant ainsi obtenu les sommes versées par la
défenderesse ou son assurance en rapport avec l'incapacité de travail
du demandeur, qui a commencé le 14 janvier 1995.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.109/1997
Date de la décision : 02/12/1997
1re cour civile

Analyses

Droit au salaire en cas d'empêchement de travailler pour un travailleur engagé par une entreprise locataire de services soumise à une convention collective de travail avec déclaration d'extension (art. 20 LSE). Au nombre des dispositions de la convention collective de travail étendue qui concernent le salaire, au sens où l'entend l'art. 20 LSE, figurent celles relatives au salaire en cas d'empêchement de travailler dû à des causes inhérentes à la personne du travailleur sans faute de sa part (consid. 1). Lorsque le travailleur se voit reconnaître, en cas d'incapacité de travail, un droit à des indemnités d'une assurance perte de gain pendant une longue période, sans restriction d'aucune sorte, le travailleur peut considérer de bonne foi qu'il bénéficiera de la couverture d'assurance même si le contrat de travail est résilié avant l'expiration de cette période (consid. 2). Rapport de causalité entre l'omission de l'employeur de mettre le travailleur au bénéfice d'une assurance collective conforme à la convention nationale étendue et le préjudice supporté par ce dernier (consid. 3). Sanction de cette omission (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-12-02;4c.109.1997 ?
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