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02/09/1997 | SUISSE | N°2P.325/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 septembre 1997, 2P.325/1996


123 I 241

21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2
septembre 1997 dans la cause C. contre Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et Département des finances et des affaires
sociales du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
Par testament authentique, D. a institué héritière unique C., sa
compagne de longue date; il est décédé le 14 décembre 1993, sans
laisser d'héritier réservataire.
Par décision du 17 février 1994, l'Office des droits de mutation et
du timbre du canton de Neuchâtel a réclamé Ã

  C. le paiement de
145'800 fr. à titre d'impôt cantonal et communal sur les successions
au ...

123 I 241

21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2
septembre 1997 dans la cause C. contre Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et Département des finances et des affaires
sociales du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
Par testament authentique, D. a institué héritière unique C., sa
compagne de longue date; il est décédé le 14 décembre 1993, sans
laisser d'héritier réservataire.
Par décision du 17 février 1994, l'Office des droits de mutation et
du timbre du canton de Neuchâtel a réclamé à C. le paiement de
145'800 fr. à titre d'impôt cantonal et communal sur les successions
au sens de la loi neuchâteloise du 21 mai 1912 concernant la
perception d'un droit sur les successions et sur les donations entre
vifs
Extrait des considérants:
2.- a) L'intéressée prétend que la loi cantonale est arbitraire et
contraire au principe de l'égalité de traitement dans la mesure où
elle impose plus lourdement un concubin que n'importe quel autre
parent du défunt avec lequel ce dernier n'avait peut-être aucune
relation personnelle. Elle affirme à cet égard que la famille
traditionnelle a perdu sa signification et que le droit fiscal ne
peut plus se fonder exclusivement sur les liens familiaux mais doit
également tenir compte du concubinage qui est aujourd'hui une forme
de vie commune répandue et socialement acceptée, ce qui justifierait
que les concubins soient traités comme les couples mariés. A l'appui
de sa thèse, elle cite de la jurisprudence qui, à son avis,
démontrerait que le concubinage est une communauté de vie comparable
au mariage. Elle soutient en outre que les principes du droit privé
successoral ne seraient pas pertinents en matière d'impôt sur les
successions. Elle demande l'application par analogie des règles
posées par le Tribunal fédéral au sujet de l'égalité de traitement
entre époux et concubins en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune.
3.- a) Selon l'art. 1 al. 1 de la loi cantonale, il est perçu, au
profit de l'Etat, un droit sur les successions, sur les legs et sur
les donations entre vifs. En vertu de l'art. 16 al. 1 de la loi
cantonale, pour la fixation du droit à percevoir, les degrés de
parenté ou d'alliance sont comptés d'après le système admis par le
code civil neuchâtelois (système identique à celui prévu par l'art.
20 CC).
L'art. 5 al. 1 de la loi cantonale a la teneur suivante:

"Sont exemptés du droit:
a) les successions en ligne directe, descendante ou ascendante;
b) les legs en faveur d'un descendant ou d'un ascendant du défunt;
c) les donations entre vifs en faveur d'un descendant ou d'un
ascendant
du donateur;
d) les dispositions en faveur du conjoint survivant, lorsqu'un ou
plusieurs enfants sont issus du mariage;
e) les dispositions en faveur du conjoint survivant, jusqu'à
concurrence
de 20'000 fr., si aucun enfant n'est issu du mariage;
f) les versements de capitaux effectués, ensuite d'un rapport de
service,
pour remplacer en particulier des retraites, rentes ou pensions;
g) les dispositions en faveur d'une personne autre que le conjoint
survivant ou un employé, jusqu'à concurrence de 2'000 fr."
4.- a) La loi cantonale prévoit un système selon lequel - sauf
dans les cas prévus à l'art. 5 al. 1 lettres f et g - les héritiers
sont exonérés ou imposés à un taux de faveur en fonction des liens
familiaux qui les unissaient au défunt. Les degrés de parenté sont
ceux qui sont prévus par le code civil (cf. l'art. 16 al. 1 de la loi
cantonale) et qui sont utilisés pour déterminer l'ordre et
l'importance des dévolutions successorales (cf. art. 457 ss et 470 ss
CC). De plus, la loi cantonale ne fait pas de distinction entre les
héritiers légaux ou institués mais se fonde uniquement sur le degré
de parenté avec le défunt. Elle ne prend pas en considération les
liens effectifs qui auraient pu exister entre ce dernier et le
contribuable. Le conjoint survivant est ainsi soit exonéré, soit
imposé à un taux réduit (art. 5 al. 1 lettres d-e et 17 lettre a de
la loi cantonale), sans que l'existence d'une communauté conjugale
effective ou sa durée au moment du décès de l'autre époux ne soient
prises en considération. Peu importe également que les conjoints
soient séparés de corps ou en instance de divorce au moment de ce
décès.
b) La plupart des législations cantonales en matière d'impôt sur
les successions et les donations prévoient, en principe, un taux
d'imposition privilégié, voire une exonération, pour le conjoint
survivant et les proches parents du défunt ou du donateur (cf.
Archives 48 p. 656 consid. 4 p. 660; ERNST HÖHN, Steuerrecht, 7ème
éd., Berne 1993, p. 494 et 502; YVO HANGARTNER, Verfassungsrechtliche
Fragen der Erbschafts- und Schenkungssteuern, in Steuerrecht im
Rechtsstaat, Festschrift für Prof. Dr. Francis Cagianut, Berne 1990,
p. 73).
5.- a) Certes, ainsi que le soutient la recourante, le concubinage
de longue durée présente des points communs avec la communauté
conjugale, notamment en raison des liens et des devoirs moraux qui se
créent entre les partenaires. La jurisprudence qu'elle cite n'est
toutefois pas pertinente dans le cas particulier. Elle concerne en
effet des arrêts en rapport avec les assurances sociales ou le droit
civil et non pas avec le droit fiscal; elle n'a en outre pas la
portée que l'intéressée entend lui donner.
En effet, en considérant que la concubine qui s'occupe du ménage et
reçoit de son compagnon des prestations en nature (sous forme de
nourriture et de logement), et éventuellement de l'argent de poche,
doit être considérée - contrairement à la femme mariée dans une
situation semblable - comme une personne exerçant une activité
lucrative dépendante soumise à l'obligation de cotiser à
l'assurance-vieillesse et survivants (ATF 110 V 1), le Tribunal
fédéral des assurances ne supprime pas une différence de traitement
entre conjoints
6.- a) Le Tribunal fédéral a certes examiné à plusieurs reprises
la question de l'égalité de traitement entre conjoints et concubins en
7.- Au vu de ce qui précède, force est de constater que la
réglementation de l'impôt litigieux - intimement liée au droit privé
des successions - ne peut être considérée comme contraire à l'art. 4
Cst. pour le motif qu'elle ne prévoit pas de statut particulier pour
les concubins ou ne les assimile pas à un couple marié. Il n'incombe
pas au Tribunal fédéral mais, le cas échéant, au législateur cantonal
de modifier le système légal dans le sens voulu par l'intéressée.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.325/1996
Date de la décision : 02/09/1997
2e cour de droit public

Analyses

Art. 4 Cst.: impôt sur les successions; imposition des concubins. La législation neuchâteloise en matière d'impôt sur les successions n'est pas contraire à l'art. 4 Cst. pour le motif qu'elle exonère ou impose les héritiers à un taux dépendant de leurs liens de parenté et non pas de leurs liens personnels avec le défunt, qu'elle ne prévoit pas de statut spécial pour les concubins et ne les assimile pas à un couple marié (consid. 2-7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-09-02;2p.325.1996 ?
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