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18. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 juin
1997 dans la cause Pharmacie Victoria SA et Joseph Ghaliounghi contre
Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de droit public)
A.- Selon l'art. 1er de la Convention intercantonale sur le
contrôle des médicaments du 3 juin 1971 (RS 812.101; ci-après: CICM
ou la Convention intercantonale), les cantons suisses ont constitué,
sous le nom d'"Union intercantonale pour le contrôle des médicaments"
(Union intercantonale), une corporation de droit public ayant sa
propre personnalité juridique et son siège à Berne. Selon l'art. 2
CICM, l'Union intercantonale a pour but de simplifier, de faciliter
et d'unifier le contrôle des médicaments utilisés en médecine humaine
et vétérinaire; elle dispose dans ce but de l'Office intercantonal de
contrôle des médicaments (OICM).
Aux termes de l'art. 29 du règlement d'exécution du 25 mai 1972 de
la Convention intercantonale édicté par l'Union intercantonale (état
du 23 novembre 1995), l'OICM classifie les substances médicamenteuses
selon les modes de vente suivants: A (Vente dans les pharmacies sur
ordonnance médicale à ne pas renouveler sans l'autorisation du
médecin); B (Vente dans les pharmacies sur
Extrait des considérants:
4.- Les recourants prétendent en outre que les mesures
incriminées ne
répondraient pas à un intérêt public pertinent. Ils font valoir que
l'interdiction qui leur est faite d'annoncer par voie de réclame des
réductions sur le prix de certains médicaments a pour but
d'entraver la
libre concurrence. Certes, dans un système concurrentiel, la
publicité est
une manière naturelle, voire nécessaire, de pratiquer la vente, car
les
producteurs et les négociants doivent renseigner les consommateurs
sur les
prix et les qualités de leurs marchandises (ETIENNE GRISEL, Liberté
du
commerce et de l'industrie, vol. I, Berne 1993, p. 123). Mais,
ainsi que
l'a indiqué à juste titre la Commission suisse des cartels, qui
s'est
occupée de la question de la vente des médicaments en Suisse, les
médicaments sont, en raison de leur toxicité, des biens particuliers
auxquels les mécanismes naturels du marché ne s'appliquent pas
totalement.
Il en découle que la limitation voire dans certains cas
l'interdiction de
faire de la publicité pour les médicaments se justifie pleinement
dès que
l'on admet que les médicaments représentent un bien particulier
dont il
convient de ne pas favoriser une consommation excessive. La
publicité a en
effet pour objectif de développer les ventes, ce qui va à
l'encontre de la
modération que l'on désire obtenir pour les médicaments (cf. La
distribution des médicaments en Suisse, in Publications de la
Commission
suisse des cartels 16/1981, p. 203 ss, spécialement p. 266).
Il existe donc manifestement un intérêt public prépondérant à
lutter contre
la consommation excessive ou abusive de médicaments et, par voie de
conséquence, à restreindre la publicité pour les médicaments dont
le but
est notamment d'inciter le public à en acheter davantage (voir
notamment,
THEOPHIL G. WIRTH, Apotheker und Apotheken im schweizerischen
Recht, thèse
Saint-Gall 1972, p. 202/203 et 208; PETER SCHLEGEL,
Heilmittelgesetzgebung
im Bund und im Kanton Zürich, thèse Zurich 1981, p. 178; PETER V.
SALADIN,
Das Recht auf Werbung und seine öffentlich-rechtlichen Schranken,
thèse
Berne 1969, p. 213). On peut remarquer que, même les substances
5.- Il convient ensuite d'examiner si l'interdiction de faire de
la réclame
pour des médicaments en se référant à l'octroi, l'offre ou la
promesse
d'avantages financiers ou autres avantages matériels respecte le
principe
de la proportionnalité. Il y a lieu de rappeler qu'il s'agit ici
des agents
thérapeutiques des catégories C et D pour lesquels la publicité est
en
principe autorisée et que l'interdiction de la publicité pour les
médicaments de la liste A et B n'est pas en cause; à noter que pour
les
médicaments de la liste E, la restriction à la publicité ici
critiquée
n'existe pas.
a) Selon la législation genevoise concernant les substances
thérapeutiques
interprétée à la lumière de la Convention intercantonale, si les
pharmaciens et les droguistes sont libres de consentir à leurs
clients des
avantages tels que des réductions sur le prix de certains
médicaments, ils
ne sont, en revanche, pas autorisés à le faire savoir au public par
le
biais de la publicité, ce qui peut paraître paradoxal. Or, force
est de
reconnaître que l'interdiction absolue faite aux pharmaciens et
droguistes
de mentionner dans la publicité destinée au
6.- a) Pour les pharmaciens qui exercent une profession
libérale, on doit
encore se demander si l'interdiction de la publicité portant sur les
réductions de prix sur les médicaments ne constitue pas une mesure
de
police nécessaire à prévenir toute atteinte à la bonne foi en
affaires et à
la dignité professionnelle. Autrement dit, il sied d'examiner si
même une
publicité qui, par hypothèse, ne serait pas tapageuse et ne
contiendrait
que des informations objectives serait inadmissible en vertu de
l'art. 22
al. 1 et 3 LEPS qui interdit aux pharmaciens de faire de la réclame
et
toutes espèces d'annonces autres que celles qui ont pour objet
d'annoncer
leur installation, leur changement de domicile professionnel, leur
absence
et leur retour, sous réserve de la publicité relative à la gestion
courante
de leur pharmacie.
b) Comme on l'a vu plus haut (consid. 2b non publié), le droit de
faire de
la publicité, qui découle de la liberté du commerce et de
l'industrie,
n'est pas absolu. S'agissant de la réclame faite par des personnes
qui
exercent une profession libérale (avocats, médecins, etc.), les
cantons
sont en droit de poser des règles plus strictes que celles qui sont
applicables généralement aux commerçants et aux industriels
proprement
dits. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux
avocats,
ceux-ci sont tenus d'avoir une attitude digne et correcte dans leurs
rapports avec leurs clients et le public en général. Ils ne doivent
pas
user de moyens de publicité de nature à jeter le discrédit sur leur
profession. Il est dès lors loisible aux cantons de leur interdire
une
publicité qui serait tapageuse, importune, mercantile ou trompeuse.
Les
mesures adoptées ne sauraient cependant aboutir en fait à une
interdiction
absolue de faire une réclame compatible avec la dignité
professionnelle et
l'ordre public et se rapportant, par exemple, à l'ouverture d'une
étude.
Pour délimiter ce qui est licite de ce qui ne l'est pas, il y a
lieu de
tenir compte des habitudes et des opinions généralement admises
dans la
profession et le canton (ATF 87 I 262 consid. 2; 96 I 34 ss). Dans
un arrêt
rendu récemment à propos d'un avocat zurichois (ATF 123 I 12 consid.