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05/06/1997 | SUISSE | N°1A.1/1997

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juin 1997, 1A.1/1997


123 II 268

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 juin
1997 dans la cause Office fédéral de la police contre Chambre
d'accusation du canton de Genève, X. et E. SA (recours de droit
administratif)
Saisi d'une demande d'entraide judiciaire émanant du Procureur de
la République près le Tribunal de première instance de Latina
(Italie), le Juge d'instruction du canton de Genève a fait procéder,
le 13 septembre 1995, à la perquisition de locaux loués par la
société panaméenne E. SA au Port franc de Genève, et susc

eptibles de
contenir des objets d'art anciens volés en Italie. La saisie de ces
objets a ...

123 II 268

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 juin
1997 dans la cause Office fédéral de la police contre Chambre
d'accusation du canton de Genève, X. et E. SA (recours de droit
administratif)
Saisi d'une demande d'entraide judiciaire émanant du Procureur de
la République près le Tribunal de première instance de Latina
(Italie), le Juge d'instruction du canton de Genève a fait procéder,
le 13 septembre 1995, à la perquisition de locaux loués par la
société panaméenne E. SA au Port franc de Genève, et susceptibles de
contenir des objets d'art anciens volés en Italie. La saisie de ces
objets a été ordonnée. Des photographies de l'ensemble des oeuvres
ont été remises aux enquêteurs italiens, présents à la perquisition.
Le 20 septembre 1995, une procédure pénale a été ouverte à Genève,
contre inconnu, pour recel. Dans ce cadre, le juge d'instruction
genevois a ordonné, le 9 octobre 1995, la saisie conservatoire de
l'ensemble des objets se trouvant dans les locaux de E. SA, et en a
interdit l'accès.
Le 15 novembre 1995, le Procureur de Latina a adressé au Juge
d'instruction du canton de Genève une nouvelle demande d'entraide,
dans le cadre d'une enquête pénale dirigée contre l'ayant droit de la
société E. SA, X., marchand d'art italien soupçonné de recel.
Extrait des considérants:
1.- a) Selon l'art. 25 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale (EIMP, RS 351.1), le recours de
droit administratif est, sauf disposition contraire de la loi,
directement ouvert contre les décisions rendues par les autorités
cantonales de dernière instance. L'OFP a qualité pour recourir en
vertu de l'art. 25 al. 3 EIMP (cf. aussi l'art. 80h let. a EIMP,
nouvelle teneur du 4 octobre 1996, en vigueur dès le 1er février
1997).
b) Pour les intimés, la décision attaquée serait une décision
incidente, car elle ne mettrait pas un terme à la procédure
d'entraide, mais ne ferait que surseoir à son exécution jusqu'à
l'issue de la procédure pénale nationale. Le recours serait
irrecevable, faute, d'une part, d'un préjudice irréparable (art. 45
al. 1 PA) et, d'autre part, d'avoir été déposé dans le délai de dix
jours prescrit à l'art. 106 al. 1 OJ. Pour l'OFP, la décision
attaquée constituerait un jugement partiel, soit une décision finale
attaquable dans les trente jours dès sa notification.
aa) La décision attaquée a pour effet l'annulation de l'ordonnance
d'entrée en matière et de clôture rendue par le juge d'instruction,
ce dernier étant invité à statuer à nouveau à l'issue de la procédure
nationale. La cour cantonale a considéré que la transmission des
objets saisis à l'Etat requérant était prématurée, mais elle a
réservé la possibilité d'une nouvelle décision dans ce sens; elle n'a
donc pas mis un terme définitif à la procédure d'entraide. Sa
décision, assimilable à une suspension de la procédure, revêt un
caractère incident (ATF 116 Ia 154 consid. 2a p. 159), et on ne
saurait la qualifier de jugement partiel, puisqu'elle ne se prononce
pas sur les conditions d'octroi de l'entraide judiciaire, et ne donne
aucune instruction qui pourrait lier le juge d'instruction sur ce
point.
bb) La jurisprudence tient toutefois pour recevables les recours
dirigés contre les décisions par lesquelles l'autorité suspend une
procédure, ou décide de surseoir à statuer. Dans ces cas en effet, il
doit pouvoir être remédié immédiatement à un retard injustifié
lorsque l'autorité suspend sans raison suffisante le traitement d'une
procédure; le recours est également ouvert lorsque l'autorité décide
formellement de reporter la décision, en l'espèce relative à l'octroi
de
3.- Pour la Chambre d'accusation, il n'est pas hautement
vraisemblable que les pièces saisies soient le produit d'une
infraction; les avis d'experts produits par les intimés permettraient
de douter des conclusions figurant dans le rapport annexé à la
demande d'entraide.
4.- a) L'art. 74 al. 2 aEIMP prévoyait la remise à l'Etat
requérant des "autres" objets et valeurs qui proviennent d'une
infraction, en vue de leur restitution aux ayants droit, même en
dehors de toute procédure pénale. Comme le relève la cour cantonale,
cette dernière possibilité est réservée aux cas où la situation est
dépourvue d'ambiguïté, par exemple lors d'un flagrant délit. Dans les
cas ordinaires, dans lesquels la situation doit encore être
éclaircie, la remise ne peut avoir lieu qu'en exécution d'une
décision étrangère de confiscation définitive et exécutoire (art. 94
EIMP). La nouvelle réglementation n'apporte pas de modification
essentielle sur ce point; l'art. 74a (nouveau) EIMP permet la remise
de l'objet saisi à titre conservatoire par l'Etat requis, à tous les
stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision
définitive et exécutoire de l'Etat requérant. L'expression "en règle
générale" a été employée par le législateur afin de permettre une
procédure rapide et peu formaliste dans les cas où une restitution
s'impose à l'évidence, par exemple lorsqu'il n'existe aucun doute sur
la provenance illicite des valeurs saisies, et sur le bien-fondé
d'une remise à l'ayant-droit (ATF 123 II 134, consid. 5c). Sans être
tenue à restitution (l'art. 74a [nouveau] EIMP est, à l'instar de
l'art. 74 aEIMP, une "Kann-Vorschrift"), l'autorité requise dispose
d'un large pouvoir d'appréciation afin de décider, sur la base d'une
appréciation consciencieuse de l'ensemble des circonstances, si et à
quelles conditions la remise peut avoir lieu (ATF 115 Ib 517 consid.
7h p. 540). Elle peut exiger de l'autorité requérante des
renseignements complémentaires, ou lui fixer un délai pour
l'ouverture d'une procédure formelle de confiscation (ATF 115 Ib 517
consid. 8c p. 546).
b) Comme l'a relevé la cour cantonale, on ne se trouve
manifestement pas dans une situation qui justifierait la remise
immédiate des pièces saisies à l'Etat requérant, à titre de produit
de l'infraction.
5.- Le 13 février 1997, le Procureur de Latina a adressé au juge
d'instruction genevois une nouvelle demande d'entraide; il indique
que X. a été renvoyé en jugement pour recel, l'audience ayant été
fixée au 23 juin 1997. La remise des objets saisis serait
indispensable afin de prouver leur provenance et leur authenticité.
Cette requête a un objet différent des demandes d'entraide soumises
au présent examen: elle ne tend pas, comme ces dernières, à la
restitution du produit de l'infraction, mais à la remise des objets
litigieux comme moyens de preuve dans le procès pénal italien, au
sens de l'art. 74 al. 1 EIMP. Il appartiendra en premier lieu au juge
d'instruction de statuer sur cette nouvelle requête, en recherchant
notamment si une telle remise est envisageable, ou s'il est
préférable de la reporter, compte tenu de l'avancement de la
procédure pénale pendante en Suisse (art. 74 al. 3 EIMP). En présence
d'objets archéologiques d'une telle importance, tant sur le plan
quantitatif que culturel, le juge d'instruction devra procéder à une
pesée soigneuse des éléments en présence. Dans le respect de
l'obligation générale de célérité (art. 17a [nouveau] EIMP), il devra
tenir compte des nécessités respectives de son enquête (art. 74 al. 3
EIMP et 6 par. 1 in fine CEEJ) et de celle menée en Italie, en
considérant notamment - sur le vu des risques liés au transport des
pièces - la possibilité d'autoriser les enquêteurs étrangers à se
rendre à Genève pour y procéder à leur examen.
En tout état, la restitution - totale ou partielle - des objets aux
ayants droit, ne pourra avoir lieu qu'une fois intervenue une
décision définitive et exécutoire des tribunaux italiens, portant sur
des objets déterminés et identifiés (art. 74a al. 1 et 3 [nouveau]
EIMP, art. 27 al. 3 let. a, i de la Convention 141). La sauvegarde
des intérêts contradictoires en présence requiert donc en l'espèce
une collaboration particulièrement étroite des autorités d'entraide,
dans le triple but de faciliter le déroulement des procédures pénales
en cours, de permettre le moment venu la restitution des objets
archéologiques à leurs ayants droit, et de contribuer ainsi à la
réalisation du but de la Convention européenne de 1992 pour la
protection du patrimoine archéologique, précitée (art. 1er al. 1;
art. 2 let. iii; art. 10 let. i, ii, et v).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.1/1997
Date de la décision : 05/06/1997
1re cour de droit public

Analyses

Entraide judiciaire internationale; art. 74a EIMP; remise du produit de l'infraction. Recevabilité du recours de droit administratif contre une décision suspendant provisoirement l'examen d'une demande d'entraide, dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale nationale (consid. 2b). Conditions d'une remise du produit de l'infraction (consid. 4a). En l'espèce, les renseignements fournis par l'autorité requérante ne permettent pas d'établir avec certitude la provenance délictueuse des objets saisis, et leur légitime propriétaire; la remise ne pourrait donc avoir lieu que sur la base d'un jugement de confiscation rendu dans l'Etat requérant (consid. 4b/aa). Les besoins de la procédure nationale s'opposent également, en l'état, à une telle remise (consid. 4b/bb). Le séquestre ordonné dans le cadre de la procédure pénale suffit au maintien de la situation existante (consid. 4b/dd). L'autorité d'exécution devra tenir compte de l'obligation de célérité (consid. 4c), et statuer sur une nouvelle demande tendant à la remise des objets saisis comme moyens de preuve (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-06-05;1a.1.1997 ?
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