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28/04/1997 | SUISSE | N°1A.36/1997

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 avril 1997, 1A.36/1997


123 II 175

22. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 28 avril
1997 dans la cause X. contre Office fédéral de la police (recours de
droit administratif)
A.- X. a été arrêté en Suisse le 11 février 1995. Une enquête
pénale a été ouverte contre lui pour violation des lois de la guerre,
et confiée à un juge d'instruction militaire. Il lui était en
substance reproché d'avoir, lors de la guerre ethnique qui s'est
déroulée au Rwanda d'avril à juillet 1994, favorisé, commandité et
organisé des massacres de civils da

ns la région de Bisesero,
préfecture de Kibuye.
Le 12 mars 1996, la Chambre de première instanc...

123 II 175

22. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 28 avril
1997 dans la cause X. contre Office fédéral de la police (recours de
droit administratif)
A.- X. a été arrêté en Suisse le 11 février 1995. Une enquête
pénale a été ouverte contre lui pour violation des lois de la guerre,
et confiée à un juge d'instruction militaire. Il lui était en
substance reproché d'avoir, lors de la guerre ethnique qui s'est
déroulée au Rwanda d'avril à juillet 1994, favorisé, commandité et
organisé des massacres de civils dans la région de Bisesero,
préfecture de Kibuye.
Le 12 mars 1996, la Chambre de première instance du Tribunal pénal
international pour le Rwanda, à Arusha (Tanzanie; ci-après: le TPIR)
a officiellement demandé le dessaisissement en sa faveur de toutes
les procédures engagées contre X.
Par décision du 8 juillet 1996, le Tribunal militaire de cassation
a donné suite à cette demande. Il s'est estimé compétent pour statuer
en vertu de l'art. 9 de l'arrêté fédéral urgent relatif à la
coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre
les violations graves du droit international humanitaire, du 21
décembre 1995. Les parties avaient eu un accès suffisant au dossier.
La demande de dessaisissement portait manifestement sur les mêmes
faits que ceux pour lesquels le prévenu était poursuivi en Suisse, et
le TPIR était, à teneur de son Statut, compétent pour en connaître à
raison de la matière, de la personne, du lieu et du temps. Le
dessaisissement
Extrait des considérants:
1.- a) Selon l'art. 13 al. 2 de l'arrêté fédéral urgent du 21
décembre 1995 relatif à la coopération avec les tribunaux
internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit
international humanitaire (RS 351.20, ci-après: l'arrêté), le recours
de droit administratif est ouvert contre une décision de
transfèrement rendue en première instance fédérale par l'OFP (art. 4
al. 2 et 13 al. 1 de l'arrêté). Le recourant, qui fait l'objet de la
mesure, a qualité pour recourir au sens de l'art. 103 let. a OJ.
2.- a) Dans sa Résolution 827 (1993), le Conseil de sécurité des
Nations Unies a décidé la création d'un Tribunal international "ad
hoc" chargé de juger les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie;
il a adopté en même temps le Statut de cette juridiction, élaboré par
le Secrétaire général des Nations Unies. Selon ce texte, obligation
est faite à "tous les Etats" de collaborer de manière effective avec
ce tribunal, en adaptant si nécessaire leur législation interne.
Dans sa Résolution 955 du 8 novembre 1994, le Conseil de sécurité a
décidé la création d'un Tribunal spécial chargé de juger les
personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres
violations graves du droit international humanitaire commis au Rwanda
et, dans les Etats voisins, par les citoyens rwandais, entre le 1er
janvier et le 31 décembre 1994, et adopté le Statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR). Cette Résolution comporte les
mêmes obligations pour les Etats que la Résolution 827 (1993). Selon
l'art. 8 par. 2 de son Statut, le Tribunal international a la
"primauté" sur les juridictions nationales en cas de compétences
concurrentes, et peut demander en tout temps le dessaisissement en sa
faveur (cf. également l'art. 9 al. 2 de l'arrêté).
b) Le 2 février 1994, puis le 20 mars 1995, le Conseil fédéral a
décidé d'appliquer de manière autonome ces deux résolutions, en
considérant que ces textes s'inscrivent dans le cadre du chapitre VII
de la Charte des Nations Unies (maintien de la paix), qu'ils visent
l'application effective du droit international humanitaire, plus
particulièrement des Conventions de Genève, et que la Suisse a pris
part
3.- Dans sa décision du 8 juillet 1996, le Tribunal militaire de
cassation a prononcé le dessaisissement de l'autorité pénale suisse
en faveur du TPIR. Il s'est estimé compétent pour statuer, en vertu
de l'art. 9 al. 2 de l'arrêté fédéral. Selon cette disposition, le
dessaisissement est prononcé si la demande porte sur les mêmes faits
que ceux qui font l'objet de la procédure pénale ouverte en Suisse
(let. a) et si l'infraction relève de la compétence du tribunal
international (let. b). Le Tribunal militaire de cassation a estimé
que ces conditions étaient réunies. La demande du TPIR portait
manifestement sur les mêmes faits - indépendamment de leur
qualification juridique -
4.- Selon l'art. 10 de l'arrêté, toute personne peut être
transférée au tribunal international concerné aux fins de poursuite
pénale s'il ressort de la demande et des pièces jointes que
l'infraction (a) relève de la compétence de ce tribunal et (b) est
punissable en Suisse. L'OFP statue sur le transfèrement dès réception
de la demande. Les restrictions prévues aux art. 35 al. 1 et 36 à 40
EIMP ne sont pas applicables. Il en va de même des dispositions
relatives au principe de la spécialité (art. 38 et 39 EIMP), "en
raison de la confiance qui doit dominer dans les relations avec les
tribunaux". Afin d'assurer une collaboration efficace avec les
tribunaux internationaux, la Suisse a décidé de réduire autant que
possible les motifs susceptibles de faire obstacle à la remise.
L'expression "transfèrement" a donc été choisie à dessein par le
législateur pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une
extradition "classique", au sens de l'EIMP, eu égard à la nature de
l'autorité requérante et à ses conditions d'octroi (FF 1995 IV p.
1078).
a) Sans paraître en faire un grief distinct, le recourant estime
(partie en fait du recours) que l'acte d'accusation du TPIR serait
insuffisant, faute de détailler les faits qui lui sont reprochés.
Aucune instruction sérieuse n'aurait encore été menée par le TPIR.
Durant l'enquête en Suisse, il n'aurait pas bénéficié d'une défense
effec-tive de la part de son avocat; en particulier, aucune
confrontation n'aurait été mise sur pied avec les témoins à charge.
Les témoins entendus au Rwanda ne seraient pas crédibles.
Ces arguments ne sont guère pertinents. En effet, saisie d'une
demande de transfèrement, l'autorité suisse requise n'a pas à
vérifier le bien-fondé de l'accusation portée contre l'intéressé.
L'autorité requérante n'a pas à prouver les faits qu'elle allègue, ni
même à les
6.- Le recourant fait aussi état, dans la partie "en fait" de son
recours, de violations de ses droits de défense dans le cadre de la
procédure de transfèrement. Même s'il ne semble pas en faire un grief
formel, il convient d'examiner cette question.
a) Dans son mandat d'arrêt portant ordonnance de remise, du 15
juillet 1996, le Tribunal international requiert l'autorité suisse de
faire connaître à l'accusé l'ensemble de ses droits énoncés à l'art.
20 du Statut. Sous le titre "Les droits de l'accusé", cette
disposition a la teneur suivante:
7.- Pour l'essentiel, le recourant soutient que la procédure menée
devant le TPIR ne satisferait pas aux exigences d'un procès
équitable. Depuis sa création, cette juridiction connaîtrait des
problèmes de gestion et de financement, et ne fonctionnerait pas de
manière satisfaisante. Les importantes dépenses nécessaires à la
défense du recourant ne seraient pas remboursées. Les précisions
demandées au TPIR sur ce point n'auraient pas été obtenues, et on
pourrait redouter une violation des art. 6 par. 1 CEDH (égalité des
armes) et 6 par. 3 let. c et d CEDH (droits de la défense).
L'autorité requérante devrait être invitée à préciser quels montants
seront alloués au défenseur d'office afin de couvrir en tout cas ses
frais.
a) Lorsqu'elle accorde l'extradition ou l'entraide judiciaire, la
Suisse doit s'assurer que les procédures pour les besoins desquelles
elle offre sa collaboration garantissent aux personnes poursuivies un
standard minimum correspondant à celui offert par le droit des Etats
démocratiques, défini en particulier par la Convention européenne des
droits de l'homme ou le Pacte international du 16 décembre 1966
relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II, RS 0.103.2).
Cette obligation est consacrée à l'art. 2 let. a EIMP, dans sa
nouvelle teneur en vigueur dès le 1er février 1997, qui déclare
irrecevables les demandes de coopération lorsque la procédure à
l'étranger n'est pas conforme aux garanties de procédure fixées par
ces instruments
8.- Par acte du 28 février 1997 adressé au Tribunal fédéral, le
recourant a sollicité sa mise en liberté provisoire. Dans une
première partie, il fait état d'informations "sur la situation du
TPIR", obtenues postérieurement au dépôt du recours. En tant qu'elles
sont invoquées à l'appui du recours de droit administratif, après
l'échéance du délai de recours, ces informations nouvelles doivent
être écartées du dossier; leur contenu ne changerait de toute façon
rien à l'issue de la procédure de transfèrement, et ne permettraient
pas de revenir sur les considérations qui précèdent.
a) S'agissant de la détention aux fins de transfèrement, le
recourant reproche à l'OFP de ne pas avoir émis de mandat d'arrêt à
réception de la demande du TPIR. Le titre de détention serait
actuellement fondé sur la procédure nationale. Le recourant conteste
l'existence des charges retenues contre lui; il met en doute la
crédibilité des témoignages le mettant en cause. Compte tenu des
mesures d'instruction selon lui nécessaires, la procédure pourrait
encore durer, ce qui justifierait son élargissement. Le recourant
conteste l'existence d'un risque de fuite.
Invité à se déterminer sur la demande de mise en liberté, l'OFP
conclut à son irrecevabilité. Le recourant serait actuellement en
détention préventive, récemment prolongée jusqu'au 24 mars 1997 par
le Président du Tribunal de division I, et une telle demande devrait
être adressée à la justice militaire. Vu l'existence de ce titre de
détention, le prononcé d'un mandat d'arrêt aux fins de transfèrement
ne se justifierait pas.
b) Selon l'art. 12 de l'arrêté, l'OFP, saisi d'une demande de
transfèrement, décerne un mandat d'arrêt à cette fin. L'art. 47 al. 1
EIMP n'est pas applicable, ce qui signifie que l'arrestation doit
être prononcée même s'il apparaît que la personne poursuivie ne se
soustraira pas au transfèrement, ou qu'elle peut fournir un alibi
sans délai. La détention en vue d'un transfèrement à une juridiction
internationale est ainsi soumise au respect de conditions purement
formelles
9.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif
doit être rejeté. Le transfèrement du recourant est accordé au TPIR,
sans conditions. Dans la mesure où elle est recevable, la demande de
mise en liberté doit aussi être écartée.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.36/1997
Date de la décision : 28/04/1997
1re cour de droit public

Analyses

Transfèrement en faveur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Recevabilité du recours de droit administratif contre une décision de transfèrement (consid. 1); réglementation applicable (consid. 2). Le transfèrement a aussi pour objet de rendre définitive une décision de dessaisissement prononcée par les autorités militaires (consid. 3). Les conditions légales du transfèrement sont en l'espèce réalisées (consid. 4), et le droit d'être entendu de l'intéressé a été respecté (consid. 6). La procédure devant un tribunal international pénal du type du TPIR est présumée satisfaire aux exigences d'un procès équitable; il n'y a lieu ni de poser des conditions au transfèrement, ni d'interpeller le TPIR sur les modalités de la défense d'office des prévenus (consid. 7a et b), ni de s'interroger sur les possibilités d'exécuter en Suisse une éventuelle peine privative de liberté prononcée par le TPIR (consid. 7c). Rejet, dans la mesure où elle est recevable, d'une demande de mise en liberté (consid. 8).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-04-28;1a.36.1997 ?
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