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17/04/1997 | SUISSE | N°1A.386/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 avril 1997, 1A.386/1996


123 II 161

21. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 17 avril
1997 dans la cause A., son épouse Z., ses enfants D. et N. et les
sociétés B., J., R. et X. contre Chambre d'accusation du canton de
Genève (recours de droit administratif)
A.- Le 7 décembre 1996, Interpol Moscou a fait parvenir aux
autorités suisses une demande d'entraide judiciaire formée par le
Procureur général de la Fédération de Russie, "Moskauer
Transportstaatsanwaltschaft" (selon la traduction allemande de la
demande), pour les besoins d'une procéd

ure pénale ouverte en décembre
1993 contre A., ancien Vice-ministre. Ce dernier, alors e...

123 II 161

21. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 17 avril
1997 dans la cause A., son épouse Z., ses enfants D. et N. et les
sociétés B., J., R. et X. contre Chambre d'accusation du canton de
Genève (recours de droit administratif)
A.- Le 7 décembre 1996, Interpol Moscou a fait parvenir aux
autorités suisses une demande d'entraide judiciaire formée par le
Procureur général de la Fédération de Russie, "Moskauer
Transportstaatsanwaltschaft" (selon la traduction allemande de la
demande), pour les besoins d'une procédure pénale ouverte en décembre
1993 contre A., ancien Vice-ministre. Ce dernier, alors en détention,
est soupçonné d'exportations illicites de matières premières et
d'abus de fonction, pour avoir participé à l'exportation de 200
tonnes de déchets de cuivre en violation de la réglementation
applicable, en
Extrait des considérants:
1.- d) L'art. 103 let. a OJ reconnaît la qualité pour agir par la
voie du recours de droit administratif à toute personne touchée par
la décision attaquée et disposant d'un intérêt digne de protection à
sa modification ou son annulation. Selon la règle spéciale du nouvel
art. 80h let. a EIMP, qui codifie la jurisprudence constante du
Tribunal fédéral (FF 1995 III p. 31), le recourant doit en outre être
personnellement et directement touché par la mesure d'entraide. La
personne visée par la procédure pénale étrangère peut recourir au
mêmes conditions (nouvel art. 21 al. 3 EIMP); la condition
alternative de l'ancien art. 21 al. 3 EIMP, selon laquelle était
aussi admis à agir celui dont les droits de défense dans la procédure
pénale étrangère pouvaient être lésés, a été abrogée (cf. FF 1995 III
p. 19).
aa) Pour être personnellement et directement touché par une mesure
d'entraide, l'intéressé doit se trouver dans un rapport suffisamment
étroit avec la décision attaquée. La jurisprudence reconnaît ainsi la
qualité pour recourir au titulaire d'un compte bancaire au sujet
duquel des renseignements sont demandés (ATF 118 Ib 547 consid. 1d et
les arrêts cités), à la personne qui doit se soumettre
personnellement à une perquisition ou une saisie (ATF 118 1b 442
consid. 2c - concernant la saisie de documents en main d'une banque
-, ATF 121 II 38 - remise du dossier d'une procédure civile à
laquelle l'intéressé est partie), ou au témoin appelé à donner des
renseignements le concernant personnellement (ATF 121 II 459; cf.
également le nouvel art. 9a OEIMP). Elle dénie en revanche cette
qualité au détenteur économique d'un compte bancaire visé par la
demande, ou à l'auteur de documents saisis en main d'un tiers (ATF
116 Ib 106 consid. 2a), même si la transmission des renseignements
requis entraîne la révélation de son identité (ATF 114 Ib 156 consid.
2a et les arrêts cités; pour un résumé de la jurisprudence relative à
la qualité pour recourir, cf. ATF 122 II 130).
bb) La recevabilité du recours formé par les membres de la famille
A. apparaît en l'espèce douteuse à plusieurs égards. En effet, les
décisions attaquées impliquent le séquestre et la production de
documents se trouvant en main de tiers, soit deux écoles et des
commerçants. Quand bien même les renseignements contenus dans ces
documents se rapportent directement à l'activité des recourants, les
mesures d'investigation ordonnées à ce propos ne
3.- Les recourants soutiennent en premier lieu que l'entraide ne
peut être admise, faute d'une procédure pénale menée à l'étranger. Le
"Procureur des transports" de la ville de Moscou ne serait pas une
autorité judiciaire et on ignorerait si ses enquêtes peuvent mener à
l'ouverture d'une procédure pénale proprement dite. Par ailleurs,
l'autorité requérante devrait être invitée à produire une attestation
de licéité au sens de l'art. 76 let. c EIMP.
a) Selon l'art. 1 al. 3 EIMP, la loi ne s'applique qu'aux affaires
pénales dans lesquelles le droit de l'Etat requérant permet de faire
appel au juge. Par procédure liée à une cause pénale, il faut
entendre notamment la poursuite d'infractions, au sens de l'art. 1er
précité, les mesures administratives à l'égard de l'auteur d'une
infraction, ou l'exécution de jugements pénaux (art. 63 al. 3 EIMP).
Selon la jurisprudence, il n'est pas nécessaire, pour que la Suisse
prête son concours au sens de l'art. 1 EIMP, que l'Etat requérant ait
ouvert une procédure judiciaire proprement dite contre les personnes
impliquées; l'entraide peut être accordée à une autorité non
judiciaire, voire à une autorité administrative, pour autant que
l'enquête soit susceptible d'aboutir au renvoi des personnes
poursuivies devant un tribunal compétent pour en connaître (ATF 118
Ib 457 consid. 4b et la jurisprudence citée). Tel est manifestement
le cas en l'espèce.
6.- Les recourants évoquent enfin les défauts graves qui
entacheraient, selon eux, la procédure menée à l'étranger. Ils
invoquent les art. 3, 5, 6 et 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950 (CEDH, RS 0.101). Placé en détention préventive le 16
août 1995, A. n'aurait obtenu un contrôle judiciaire de cette mesure
qu'en octobre 1996, contrairement à ce qu'exige l'art. 5 par. 3 CEDH.
La détention aurait été subie dans des conditions inadmissibles; A.
aurait été privé de ses lunettes malgré sa myopie, et aurait dû être
hospitalisé à sa sortie de prison. Les recourants produisent divers
rapports évoquant notamment les conditions de détention dans les
maisons d'arrêt en Russie.
a) Selon l'art. 2 EIMP, la demande d'entraide judiciaire est
irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à l'étranger
[a] n'est pas conforme aux principes de procédure fixés par la CEDH
ou par le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, du 16
7.- Dans sa réponse au recours, le MPC demande la levée des
scellés apposés sur les documents remis par les banques et les
établissements scolaires. Saisie d'un recours de droit administratif
en matière d'entraide judiciaire, la cour de céans est compétente
pour ordonner une telle mesure (art. 69 al. 3 dernière phrase PPF,
par renvoi de l'art. 9 EIMP). On ne saurait exclure que les documents
remis sous scellés contiennent certains renseignements utiles à
l'autorité requérante. Cela suffit pour rendre la perquisition
"admissible" (art. 69 al. 3 dernière phrase PPF), et pour faire droit
à la demande du MPC (art. 69 al. 2 PPF). Même si l'on ignore encore
si l'Etat requérant déclarera accepter les conditions mentionnées
ci-dessus, il n'y a pas lieu de surseoir à l'ouverture des scellés.
L'obligation de célérité posée à l'art. 17a EIMP commande en effet
que l'exécution de la demande suive son cours, pour autant que les
intéressés n'en subissent aucun préjudice irréparable. Or, s'il
devait apparaître ultérieurement que l'entraide doit être refusée sur
le vu de la réponse de l'Etat requérant, les personnes intéressées
n'en subiraient aucun préjudice et les


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.386/1996
Date de la décision : 17/04/1997
1re cour de droit public

Analyses

Entraide judiciaire avec la Fédération de Russie. Les recourants n'ont qualité pour agir (art. 80h let. b EIMP) que dans la mesure où ils s'opposent au blocage et aux investigations relatifs à leur propre compte bancaire; ne peuvent être remises en cause les mesures concernant d'autres comptes et la saisie de documents en mains tierces (consid. 1d). L'autorité requérante dispose de pouvoirs analogues à ceux d'une autorité de poursuite ordinaire; les conditions de l'art. 1er al. 3 EIMP sont réalisées (consid. 3a), et il n'y a pas lieu d'exiger une attestation de licéité au sens de l'art. 76 let. c EIMP (consid. 3b). Les incertitudes relatives aux conditions générales du respect des droits de l'homme dans l'Etat requérant ne justifient pas un refus de l'entraide judiciaire, mais des garanties préalables spécifiques doivent être exigées conformément à l'art. 6 CEDH et à l'art. 14 du Pacte ONU II (consid. 6). La demande de levée des scellés peut, en l'état, être admise (consid. 7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-04-17;1a.386.1996 ?
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