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20/12/1996 | SUISSE | N°6S.665/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 décembre 1996, 6S.665/1996


123 IV 17

3. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 décembre
1996 dans la cause B. contre Ministère public du canton de Vaud
(pourvoi en nullité)
A.- En 1991, B., chef d'agence de la société Z., ainsi que
plusieurs comparses, dont certains étaient également employés de la
société Z., ont été contactés par T. qui leur a expliqué qu'il avait
des clients à la recherche d'un financement et qu'il avait conçu un
produit financier en vue de collecter des fonds.
Comme les bailleurs de fonds éventuels souhaitaient de

s garanties,
plusieurs séries de lettres au contenu mensonger ont été créées en
1991 au nom ...

123 IV 17

3. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 décembre
1996 dans la cause B. contre Ministère public du canton de Vaud
(pourvoi en nullité)
A.- En 1991, B., chef d'agence de la société Z., ainsi que
plusieurs comparses, dont certains étaient également employés de la
société Z., ont été contactés par T. qui leur a expliqué qu'il avait
des clients à la recherche d'un financement et qu'il avait conçu un
produit financier en vue de collecter des fonds.
Comme les bailleurs de fonds éventuels souhaitaient des garanties,
plusieurs séries de lettres au contenu mensonger ont été créées en
1991 au nom de la société Z.
Bien que les protagonistes aient su que des lettres circulaient et
que certains possesseurs tentaient de les négocier, de nouvelles
lettres de garantie irrévocables et abstraites portant sur plusieurs
millions de US dollars ont été établies, en septembre 1991, au nom et
sur le papier à l'en-tête de la société Z. Elles portaient la
signature de B., ainsi que d'un autre employé de la société Z.
Ayant appris l'existence des lettres de garantie, la société Z. a
déposé plainte le 15 octobre 1991.
Il a été constaté que les accusés avaient agi par appât du gain,
espérant toucher de substantielles commissions.
Il a également été relevé que les signataires des lettres de
garantie n'étaient pas inscrits au registre du commerce, à
l'exception de R., et qu'ils n'étaient pas formellement habilités à
engager la société Z.
B.- Par jugement du 20 novembre 1995, le Tribunal correctionnel du
district de Nyon a notamment condamné B., pour gestion déloyale
qualifiée et faux dans les titres, à la peine de douze mois
d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, mettant à sa charge
une partie des frais de la procédure.
Par arrêt du 1er février 1996, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois a rejeté avec suite de frais les recours
déposés par B.
C.- Contre cet arrêt, B. s'est pourvu en nullité à la Cour de
cassation pénale du Tribunal fédéral.
Considérant en droit:
1.- (Recevabilité).
2.- Le recourant conteste que les faits retenus soient
constitutifs d'un faux dans les titres.
a) L'art. 251 ch. 1 CP réprime la fabrication ou l'usage d'un faux,
tandis que l'art. 110 ch. 5 CP définit le titre. Les modifications de
ces dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 1995, sont sans
incidence en l'espèce (cf. FF 1991 II 1050 ss), de sorte qu'il faut
appliquer l'ancien droit (cf. art. 2 CP).
b) Le faux dans les titres vise non seulement la création d'un
titre faux ou la falsification d'un titre, mais également
l'établissement d'un titre mensonger (faux intellectuel; cf. ATF 121
IV 131 consid. 2b et les références citées). Il y a création d'un
titre faux lorsqu'une personne fabrique un titre dont l'auteur réel
ne coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux
intellectuel vise l'établissement d'un titre qui émane de son auteur
apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne
correspond pas à la réalité (ATF 122 IV 332 consid. 2b et c, 122 IV
25 consid. 2a, 120 IV 122 consid. 4c; concernant cette distinction,
cf. MARTIN SCHUBARTH, Zur Auslegung der Urkundendelikte, RPS 113/1995
p. 387 ss).
Il peut y avoir création d'un titre faux, que l'auteur apparent
soit une personne physique ou une personne morale (cf. BERNARD
CORBOZ, Le faux dans les titres, RJB 131/1995 p. 534 ss, 554). Comme
la volonté de la personne morale s'exprime par ses organes, il faut
considérer que, lorsque des individus (notamment des employés) non
habilités à engager une société établissent et signent un document
donnant l'apparence qu'il émane de la personne morale, ils créent un
faux (cf. en droit allemand KARL LACKNER, Strafgesetzbuch, 21e éd.
Munich 1995, Art. 267 no 19 et les arrêts cités).
En l'espèce, le recourant a signé, avec l'un de ses comparses,
plusieurs lettres, au nom et sur papier à l'en-tête de la société Z.,
confirmant l'existence de garanties de la part de cette compagnie
pour des montants de plusieurs millions de US dollars. Ces lettres
faisaient ainsi croire que l'engagement émanait bien de Z. Or, il a
été constaté en fait, d'une manière qui lie la Cour de cassation
(art. 277bis al. 1 PPF), que les signataires de ces documents étaient
certes des employés de Z., mais qu'ils n'avaient pas la compétence
d'engager leur employeur en ce domaine. Le recourant a donc contribué
à la création de faux documents.
3.- Le recourant conteste que les faits retenus puissent être
qualifiés de gestion déloyale.
a) Comme on ne voit pas en quoi le nouveau texte légal, entré en
vigueur le 1er janvier 1995, pourrait être plus favorable à l'accusé
(cf. FF 1991 II 1017 ss), il faut appliquer l'ancien art. 159 CP (cf.
art. 2 CP).
Les éléments de cette infraction ont été analysés de manière
détaillée à l'ATF 120 IV 190 consid. 2b auquel il suffit de se
référer.
b) Le recourant conteste avoir eu la position de gérant. Selon la
jurisprudence citée, seul peut avoir une position de gérant celui qui
dispose d'une indépendance suffisante et qui jouit d'un pouvoir de
disposition autonome sur les biens qui lui sont remis; ce pouvoir
peut se manifester non seulement par la passation d'actes juridiques,
mais également par la défense, sur le plan interne, d'intérêts
patrimoniaux ou par des actes matériels; il faut cependant que le
gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune
d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une
entreprise (ATF 120 IV 190 consid. 2b et les arrêts cités).
En l'espèce, le recourant était chef d'agence de la société Z. La
direction d'une agence implique nécessairement un certain pouvoir de
représentation et une certaine autonomie dans la gestion des affaires
de l'agence et de son personnel. La cour cantonale n'a donc pas violé
le droit fédéral en considérant que le recourant n'était pas un
simple exécutant, mais un gérant, tenu par une obligation
contractuelle de veiller sur les intérêts pécuniaires de son
employeur, selon la formule de l'art. 159 al. 1 aCP. Que le recourant
ait excédé les limites de son autonomie ou de son pouvoir de
représentation - ce qui est généralement le cas en matière de gestion
déloyale - n'y
4.- (Suite de frais).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.665/1996
Date de la décision : 20/12/1996
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 251 ch. 1 aCP; création de titres faux. Il y a création de titres faux lorsque des employés d'une personne morale non habilités à engager celle-ci établissent et signent, sur le papier à l'en-tête de la société, des lettres de garantie émises à son nom (consid. 2). Art. 159 aCP; gestion déloyale; atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui. Eléments constitutifs de la gestion déloyale qualifiée réalisés lorsque le chef d'agence d'une société, agissant par appât du gain, signe, sous la raison sociale de son employeur, des garanties irrévocables et abstraites n'ayant aucune existence (consid. 3; confirmation de jurisprudence).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-12-20;6s.665.1996 ?
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