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17/12/1996 | SUISSE | N°4C.282/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 décembre 1996, 4C.282/1996


123 III 120

20. Arrêt de la Ire Cour civile du 17 décembre 1996 dans la cause
L. S.A. contre B. et S. (recours en réforme)
A.- L'Entreprise L. S.A. (ci-après: L. S.A.) est spécialisée dans
la pose de carrelages et de faïences. Par contrat du 20 septembre
1986, B. et S. lui confièrent l'exécution, dans une résidence sise au
Grand-Saconnex, de travaux consistant en la fourniture et la pose de
carrelages dans une centaine de pièces d'eau. Il n'était pas question
que L. S.A. façonnât elle-même les carrelages; l'entreprise était
lib

re de les acquérir où elle le souhaitait. De fait, elle commanda
les carrelages à des socié...

123 III 120

20. Arrêt de la Ire Cour civile du 17 décembre 1996 dans la cause
L. S.A. contre B. et S. (recours en réforme)
A.- L'Entreprise L. S.A. (ci-après: L. S.A.) est spécialisée dans
la pose de carrelages et de faïences. Par contrat du 20 septembre
1986, B. et S. lui confièrent l'exécution, dans une résidence sise au
Grand-Saconnex, de travaux consistant en la fourniture et la pose de
carrelages dans une centaine de pièces d'eau. Il n'était pas question
que L. S.A. façonnât elle-même les carrelages; l'entreprise était
libre de les acquérir où elle le souhaitait. De fait, elle commanda
les carrelages à des sociétés italiennes. Le prix convenu dans le
contrat, qui faisait référence aux normes SIA, était un prix
unitaire, soit au mètre carré, soit au mètre linéaire, comprenant la
fourniture et la pose du matériel, sans distinction entre ces deux
éléments.
Considérant en droit:
1.- a) La cour cantonale a retenu que le travail confié à la
demanderesse avait consisté en la fourniture de carrelages acquis au
préalable auprès de tiers, puis en la pose de ceux-ci dans les pièces
d'eau, les cuisines, les paliers et les buanderies des bâtiments.
Elle a estimé que le travail de pose présentait un caractère manuel
et nécessitait un certain savoir-faire; la demanderesse avait dû
ajuster les carrelages et procéder à des découpes, activité qui, même
si elle avait entraîné l'usage de machines, conférait un caractère
artisanal au travail fourni. Comme la pose représentait le 60% du
prix facturé, soit une importance supérieure à celle des autres
prestations, l'autorité cantonale a admis qu'elle était en présence
de l'action d'un artisan au sens de l'art. 128 ch. 3 CO. Avec le
Tribunal de première instance, elle a considéré que le délai de cinq
ans prévu par cette disposition était écoulé au jour du dépôt en
conciliation de la demande.
Enfin, la cour cantonale a jugé que les défendeurs ne commettaient
pas d'abus de droit en invoquant la prescription.
2.- a) Selon la jurisprudence, l'applicabilité de l'art. 128 ch. 3
CO dépend exclusivement de la nature du travail auquel l'entrepreneur
s'est obligé. Dans le travail artisanal, l'activité manuelle revêt
une importance supérieure (ou au moins égale) à celle des autres
prestations qui supposeront notamment l'emploi de machines, des
travaux d'organisation, des tâches administratives. Cette notion
correspond au sens usuel de l'expression dans le langage courant.
L'artisanat est une activité économique qui s'exerce manuellement au
moyen d'outils ou d'instruments simples, pour façonner ou transformer
des matériaux. L'utilisation de machines rentre rarement dans ce
concept, qui s'oppose en outre à la livraison d'objets construits
industriellement en série (ATF 116 II 428 consid. 1; 109 II 112
consid. 2; cf. aussi les arrêts non publiés du 20.05.1996 dans la
cause 4C.416/1995 et du 12.02.1992 dans la cause 4C.318/1991).
Ont été, par exemple, reconnus comme travaux artisanaux des travaux
de gypserie ou de peinture, l'exécution de cadres avec des baguettes
préfabriquées coupées à la longueur requise, l'exécution de batteries
pour animaux, la pose d'installations sanitaires et des travaux de
ferblanterie, des travaux de transformation et de ventilation de
W.-C., le montage d'une antenne collective ou d'une installation
électrique, ainsi que l'exécution de travaux de nettoyage ou de
jardinage.
N'ont, en revanche, pas été considérés comme travaux artisanaux
l'édification d'une maison entière, la livraison et le montage de
portes et fenêtres normalisées, le déblaiement de l'emplacement d'un
gros incendie ou des travaux d'aplanissement de terrain avec un trax
(pour tous ces exemples voir GAUCH, Der Werkvertrag, 4e éd., n. 1291
s. et les références).
La jurisprudence a encore posé que l'art. 128 ch. 3 CO, en regard
de l'art. 127 CO, consacrait une exception et devait dès lors être
interprété restrictivement (ATF 116 II 428 consid. 1b et l'arrêt
cité). Dans la doctrine, on penche également pour cette
interprétation restrictive et pour que soit appliqué dans le doute le
délai normal de prescription de l'art. 127 CO, en particulier lorsque
le travail représente plus qu'un simple travail courant ou de routine
("um mehr als um ein schlichtes Alltagsgeschäft handelt") (GAUCH,
op.cit., n. 1288; TERCIER, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 3745).
3.- Le recours doit être admis. L'arrêt attaqué sera par
conséquent annulé. Le Tribunal fédéral est en mesure de statuer au vu
du dossier. Les défendeurs admettent qu'au cas où elle serait soumise
à la prescription décennale de l'art. 127 CO, la prétention de la
demanderesse serait bien fondée. Ils seront ainsi solidairement
condamnés à verser à celle-ci le montant de 12'000 fr. Les intérêts
partiront à compter du 19 décembre 1994, date de la mise en demeure
(art. 102 et 103 CO).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.282/1996
Date de la décision : 17/12/1996
1re cour civile

Analyses

Prescription de l'action de l'artisan pour son travail (art. 128 ch. 3 CO). La notion de travail artisanal doit être réservée aux travaux qui non seulement ne nécessitent pas l'emploi de technologies spéciales, mais aussi qui n'impliquent pas le recours à des mesures d'organisation particulières (précision de jurisprudence) (consid. 2b). La pose de carrelages dans une centaine de pièces d'eau ne rentre pas dans cette notion (consid. 2c).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-12-17;4c.282.1996 ?
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