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07/11/1996 | SUISSE | N°2A.216/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 novembre 1996, 2A.216/1996


122 II 464

57. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 7 novembre 1996 en la
cause G. contre Genève, Tribunal administratif et Service des
automobiles et de la navigation (recours de droit administratif)
A.- G. est titulaire d'un permis de conduire, délivré à Genève le
10 juin 1983.
Le 13 décembre 1994, il a poursuivi un véhicule en ville de Genève
en prenant des risques inconsidérés, puis a blessé l'automobiliste
poursuivi au moyen d'une chaîne avant de quitter les lieux. Soumis à
un examen médical à la suite de ces faits, la

Doctoresse S.,
médecin-conseil du Service des automobiles et de la navigation du
canton d...

122 II 464

57. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 7 novembre 1996 en la
cause G. contre Genève, Tribunal administratif et Service des
automobiles et de la navigation (recours de droit administratif)
A.- G. est titulaire d'un permis de conduire, délivré à Genève le
10 juin 1983.
Le 13 décembre 1994, il a poursuivi un véhicule en ville de Genève
en prenant des risques inconsidérés, puis a blessé l'automobiliste
poursuivi au moyen d'une chaîne avant de quitter les lieux. Soumis à
un examen médical à la suite de ces faits, la Doctoresse S.,
médecin-conseil du Service des automobiles et de la navigation du
canton de Genève (ci-après: le Service des automobiles), a déclaré G.
inapte à la conduite de véhicules à moteurs et a précisé que celui-ci
devait se soumettre à une expertise psychiatrique auprès de
l'Institut universitaire de médecine légale.
Par décision du 7 février 1995, déclarée exécutoire nonobstant
recours, le Service des automobiles a retiré le permis de conduire de
G. pour une durée indéterminée, en précisant que la levée de la
mesure ne pourrait être envisagée que sur présentation d'une
expertise favorable émanant de l'Institut universitaire de médecine
légale.
G. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif
du canton de Genève qui, le 21 février 1995, a convoqué les parties à
une audience de comparution personnelle. L'avocat du recourant s'est
présenté seul à cette audience qui s'est tenue le 3 mars 1995. La
nécessité d'une expertise a alors été reconnue et a été confiée à
l'Institut universitaire de médecine légale.
Déposé le 5 décembre 1995, le rapport d'expertise conclut à une
inaptitude de conduire pendant un délai d'environ cinq ans, en raison
d'un grave trouble de la personnalité, accompagné d'une grande
incapacité de contrôle des pulsions agressives.
Le Tribunal administratif a ensuite rejeté le recours par arrêt du
12 mars 1996. Il a notamment estimé que dans la mesure où il
disposait d'un dossier complet, il était à même de juger la cause sur
la base de l'expertise et des arguments développés par le recourant
dans sa lettre du 5 janvier 1996; par conséquent, il n'était pas
justifié d'entendre le recourant ou d'autoriser son conseil à
plaider, ni d'ordonner l'audition des experts. Sur le fond, le
retrait de sécurité du permis de conduire du recourant s'imposait au
regard du rapport d'expertise.
G. a formé un recours de droit administratif contre cet arrêt et a
conclu principalement à son annulation pour le motif que le retrait
Extrait des considérant:
3.- a) En ce qui concerne la procédure devant le Tribunal
administratif, le recourant invoque l'art. 6 par. 1 CEDH et prétend
que son droit d'être entendu personnellement et oralement avec son
conseil a été violé, de même que son droit de participer aux mesures
d'instruction ordonnées par le Tribunal administratif, tel que le
prévoit l'art. 42 al. 1 de la loi genevoise sur la procédure
administrative du 12 septembre 1985 (LPA) autorisant les parties à
participer à l'audition des témoins, à la comparution de personnes
ordonnées par l'autorité et aux examens auxquels celle-ci procède. Il
soutient que cette disposition cantonale doit être interprétée à la
lumière de l'art. 6 par. 1 CEDH, car la décision de retrait de son
permis de conduire pour une durée indéterminée a une influence
certaine sur ses droits de caractère civil, du moment qu'elle porte
une atteinte sévère à sa liberté de choix professionnel et à ses
loisirs. A cet égard, il mentionne notamment un poste de travail
qu'il avait en vue à la fin de l'année 1995 et pour lequel le permis
de conduire était nécessaire.
b) Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Le Tribunal fédéral interprète la notion conventionnelle de
"contestations sur des droits et obligations de caractère civil"
aussi largement que le font les organes de la Convention européenne
des droits de l'homme (ATF 121 I 30 consid. 5c p. 34; 119 Ia 88
consid. 3b p. 92, 321 consid. 6a/bb p. 329). Ainsi, l'art. 6 par. 1
CEDH ne concerne pas seulement les contestations de droit privé au
sens étroit - c'est-à-dire celles qui surgissent entre des
particuliers, ou entre
4.- a) Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle
de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de
la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours
sur le fond (ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ia 136 consid. 2b
p. 138 et les arrêts cités). Tel qu'il est garanti par l'art. 4 Cst.,
le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour
l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance
du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves
essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF
122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139; 118 Ia 17
consid. 1c p. 19; 116 Ia 94 consid. 3b p. 99; 115 Ia 8 consid. 2b p.
11). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas
cependant le juge de procéder à une appréciation anticipée des
preuves qui lui sont offertes, s'il a la certitude qu'elles ne
pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 120 Ib 224 consid. 2b
p. 229 et les arrêts cités).
b) Il faut tout d'abord préciser que, dans la mesure où l'expertise
était mise en oeuvre avant tout pour connaître la personnalité du
recourant, ce dernier ne saurait en principe déduire de l'art. 42 al.
1 LPA ou de l'art. 4 Cst. un droit d'assister à l'audition de tiers
par les experts (ATF 99 Ia 42 consid. 3b p. 46). Cela ne préjuge au
demeurant pas des conséquences à en tirer dans l'organisation de la
procédure après le dépôt du rapport d'expertise (ATF 119 Ia 260
consid. 6b p. 261).
c) Dans une procédure administrative, le droit d'être entendu
découlant de l'art 4 Cst. n'implique pas le droit d'être entendu
oralement (ATF 114 Ib 244 consid. 3 p. 246; 109 Ia 177 consid. 3 p.
178; 108 Ia 188 consid. 2a p. 191; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren
und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993, n. 55). La même
règle est d'ailleurs contenue à l'art. 41 LPA.
Sans remettre en cause cette jurisprudence, force est toutefois de
constater que la situation du recourant, qui est en quelque sorte
lui-même l'objet de l'expertise, est particulière. Une telle
expertise, dont la nécessité n'a pas été contestée, devait en effet
uniquement se prononcer


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.216/1996
Date de la décision : 07/11/1996
2e cour de droit public

Analyses

Retrait de sécurité du permis de conduire. Art. 6 par. 1 CEDH: la faculté de se prévaloir de cette disposition dans le cadre d'un retrait d'admonestation du permis de conduire doit être étendue au retrait de sécurité lorsque la possession du permis de conduire est directement nécessaire à l'exercice d'une profession ou, autrement dit, lorsqu'elle est inhérente à l'exercice de cette profession (consid. 3). Art. 4 Cst. Droit d'être entendu après le dépôt d'un rapport d'expertise: bien que le droit d'être entendu découlant de l'art. 4 Cst. n'implique pas le droit d'être entendu oralement, l'audition personnelle du recourant comme mode de preuve s'imposait en l'espèce, vu la nature particulière de l'expertise et le contenu sommaire du rapport (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-11-07;2a.216.1996 ?
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