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22/10/1996 | SUISSE | N°B.2/96

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 1996, B.2/96


122 V 320

48. Arrêt du 22 octobre 1996 dans la cause Fondation Pictet de
libre passage contre W. et Tribunal administratif, Genève
A.- La Fondation Pictet de libre passage (ci-après: la Fondation)
a été créée par Messieurs Pictet et Cie, à Genève. Elle a été
inscrite au Registre du commerce le 27 janvier 1989. Elle est régie
par les art. 80 ss CC et déploie son activité sur l'ensemble du
territoire suisse. Elle a pour but le maintien et le développement de
la prévoyance professionnelle par la gestion commune des prestations
de

libre passage qui lui sont confiées. Elle est soumise à la
surveillance de l'Office fédéral...

122 V 320

48. Arrêt du 22 octobre 1996 dans la cause Fondation Pictet de
libre passage contre W. et Tribunal administratif, Genève
A.- La Fondation Pictet de libre passage (ci-après: la Fondation)
a été créée par Messieurs Pictet et Cie, à Genève. Elle a été
inscrite au Registre du commerce le 27 janvier 1989. Elle est régie
par les art. 80 ss CC et déploie son activité sur l'ensemble du
territoire suisse. Elle a pour but le maintien et le développement de
la prévoyance professionnelle par la gestion commune des prestations
de libre passage qui lui sont confiées. Elle est soumise à la
surveillance de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Peut
s'y affilier, selon ses statuts, toute personne quittant une
institution de prévoyance et ayant droit à une prestation de libre
passage (art. 6 ch. 1); l'affiliation est acquise par la conclusion
d'une convention de prévoyance qui définit les droits et obligations
de l'affilié et de la Fondation (art. 6 ch. 2). La fortune de la
Fondation est constituée par le capital de dotation (mille francs),
le versement des affiliés, les revenus de la fortune, ainsi que les
donations de tiers (art. 8 ch. 1). Elle est exclusivement et
irrévocablement consacrée à la prévoyance professionnelle des
affiliés (art. 8 ch. 2).
Selon le règlement de la Fondation, celle-ci conclut avec chaque
affilié une convention de prévoyance destinée exclusivement et
irrévocablement à la prévoyance professionnelle au sens de la
législation fédérale. La Fondation ouvre un compte de libre passage
en faveur de l'affilié. Seules les prestations de libre passage
d'institutions de prévoyance pour le personnel exonérées d'impôts
peuvent être déposées sur un compte de libre passage. La
Considérant en droit:
1.- Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les
conditions formelles de validité et de régularité de la procédure,
soit en particulier le point de savoir si c'est à juste titre que la
juridiction cantonale est entrée en matière sur le recours (ou sur
l'action). Lorsque l'autorité de première instance a ignoré qu'une
condition mise à l'examen du fond du litige par le juge faisait
défaut et a statué sur le fond, c'est un motif pour le tribunal,
saisi de l'affaire, d'annuler d'office le jugement en question (ATF
120 V 29 consid. 1 et les arrêts cités).
2.- a) Selon l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui
connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant
institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1). Les
décisions des tribunaux cantonaux peuvent être déférées au Tribunal
fédéral des assurances par la voie du recours de droit administratif
(al. 4). Cette disposition s'applique, d'une part, aux institutions
de prévoyance enregistrées de droit privé ou de droit public - aussi
bien en ce qui concerne les prestations minimales que les prestations
plus étendues (art. 49 al. 2 LPP) - et, d'autre part, aux fondations
de prévoyance en faveur du personnel non enregistrées (art. 89bis al.
6 CC).
b) La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est
doublement définie.
Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige: il faut que
la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques
de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large
(ATF 122 III 59 consid. 2, 120 V 18 consid. 1a, 117 V 50 consid. 1,
116 V 220 consid. 1a; WALSER, Der Rechtsschutz der Versicherten bei
Rechtsansprüchen aus beruflicher Vorsorge, Mélanges pour le 75ème
anniversaire du TFA, p. 477 ss). Ce sont donc principalement des
litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations
de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et
des cotisations (BERENSTEIN, A propos d'un arrêt du Tribunal fédéral
des assurances relatif à la compétence des tribunaux genevois, SJ
1988 p. 114; RIEMER, Das Recht der beruflichen Vorsorge in der
Schweiz, § 6, p. 127, note 3). En revanche, les voies de droit de
l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un
fondement juridique autre que le droit de la prévoyance
professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du
droit de ladite prévoyance (ATF 122 III 59 consid. 2; MEYER-BLASER,
Die Rechtsprechung von Eidgenössischem Versicherungsgericht und
Bundesgericht zum BVG, in RSAS 1995 p. 105 ss).
Cette compétence est également limitée par le fait que la loi
désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une
contestation, savoir les institutions de prévoyance, les employeurs
et les ayants droit (sur cette question, voir: MEYER, Die Rechtswege
nach dem BVG, RDS [106] 1987 I p. 610 ss; SCHWARZENBACH-HANHART, Die
Rechtspflege nach dem BVG, RSAS 1983 p. 174). En ce qui concerne en
particulier la notion d'institution de prévoyance au sens de l'art.
73 al. 1 LPP, elle n'est pas différente de celle définie à l'art. 48
LPP (cf. MAURER, Bundessozialversicherungsrecht, p. 240). Il s'agit
des institutions de
3.- Tout récemment, le Tribunal fédéral des assurances a eu à
connaître d'une affaire qui mettait en cause une fondation bancaire
dont le statut était analogue, sinon identique, à celui de la
fondation recourante (arrêt H.-B. du 6 mars 1996 publié dans Plädoyer
1996/3 p. 74 et dans SVR 1996 BVG no 51 p. 151). Un affilié, qui
était sorti de l'institution de prévoyance de son employeur, avait
fait verser le montant de sa prestation de libre passage sur un
compte de libre passage auprès d'une fondation bancaire. Cet affilié
étant décédé quelque temps plus tard, il s'est agi pour le tribunal
de dire à qui le montant de l'avoir devait être versé (à la veuve ou
à l'épouse divorcée). Le tribunal, implicitement, a reconnu sa
compétence, ainsi que celle du tribunal cantonal selon l'art. 73 al.
1 LPP. Dans une autre affaire, qui opposait cette fois une
institution d'assurance à un ayant droit, le tribunal a constaté,
sans motivation particulière, que le litige relevait des juridictions
mentionnées à l'art. 73 LPP (arrêt R. du 29 novembre 1994,
partiellement publié dans la RSAS 1996 p. 161).
4.- Dans leurs déterminations complémentaires, la recourante et
l'OFAS avancent un certain nombre d'arguments qui justifieraient à
leurs yeux que la présente cause soit soumise aux juridictions de
l'art. 73 LPP.
Tout d'abord, selon la recourante, un refus d'assimiler les
fondations bancaires à des institutions de prévoyance créerait des
inégalités de traitement, sous l'angle des voies de droit, entre les
personnes qui choisiraient de laisser leur prestation de sortie
auprès d'une institution de prévoyance et celles qui opteraient pour
le transfert à une fondation bancaire ou à une institution
d'assurance. Mais ce risque, pratiquement, est inexistant, car les
institutions de prévoyance ne sont en principe pas autorisées à gérer
durablement des comptes de libre passage (art. 4 LFLP; RCC 1988 p.
568; ERIKA SCHNYDER, Le nouveau droit du libre passage, Aspects de la
sécurité sociale [ASS] 2/1995, p. 36). Autre est la question de la
poursuite de l'assurance auprès de l'ancienne institution de
prévoyance après la dissolution des rapports de travail (affiliation
dite "externe"). Mais il s'agit ici d'une forme de maintien de la
prévoyance tout à fait différente de celle du compte de libre
passage, puisque l'affilié "externe" continue en règle ordinaire à
cotiser et qu'il est soumis, pour ce qui est des prestations
notamment, aux mêmes règles qu'un affilié ordinaire (cf. ATF 113 V
290 consid. 4c; arrêt O. du 7 juillet 1993, publié dans la RSAS 1994
p. 62).
Quant au fait que les avoirs affectés au maintien de la prévoyance
sont insaisissables avant leur exigibilité, comme le sont les
prestations du deuxième pilier (ATF 120 III 71) et celles garanties
aux termes de contrats ou de conventions de prévoyance liée (ATF 121
III 285), on ne voit pas en quoi il devrait influer sur les voies de
droit à suivre en cas de litige au sujet du sort de ces avoirs. Il
n'est pas davantage déterminant, à cet
5.- En conclusion il y a lieu d'admettre que les voies de droit de
l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation oppose,
comme en l'espèce, une institution de libre passage à un affilié. La
jurisprudence des arrêts H.B. et R., cités au début du considérant
3, dans la mesure où elle adopte une solution contraire, ne saurait
être maintenue. Le jugement attaqué doit dès lors être annulé et la
demande déclarée irrecevable pour défaut de compétence du tribunal
administratif.
6.- Le litige portant sur le montant d'un avoir bancaire auprès
d'une fondation de libre passage ne concerne pas de prestations
d'assurance, de sorte qu'il y aurait lieu, en principe, à perception
de frais de justice (art. 134 OJ a contrario). Comme la nouvelle
jurisprudence s'applique pour la première fois en l'espèce, il
convient toutefois de renoncer à prélever des frais (ATF 119 Ib 415
consid. 3).
Par ailleurs, la Fondation recourante, bien qu'elle obtienne
formellement gain de cause, dans la mesure où le jugement attaqué
doit être annulé, et qu'elle soit représentée par un avocat, n'a pas
droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ in fine; ATF 112 V 49 consid.
3, 362 consid. 6).


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.2/96
Date de la décision : 22/10/1996
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 73 LPP: compétence ratione materiae. Les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation oppose une institution de libre passage (fondation bancaire, institution d'assurance) à un affilié. De telles institutions ne sont pas, en effet, des institutions de prévoyance au sens de l'art. 73 LPP.


Références :

24.10.1996 GG 24101/96; 06.03.1996 B 14/95


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-10-22;b.2.96 ?
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