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11/09/1996 | SUISSE | N°1A.201/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 septembre 1996, 1A.201/1996


122 II 373

47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 11
septembre 1996 dans la cause X. contre Office fédéral de la police
(recours de droit public et de droit administratif)
A.- Par note verbale du 5 janvier 1996, l'Ambassade de Turquie à
Berne a requis l'extradition de X., ressortissant turc né le 3 juin
1963, résidant à Genève. Cette demande, fondée sur la Convention
européenne d'extradition conclue à Paris le 13 décembre 1957
(CEExtr.; RS 0.353.1), est présentée pour les besoins d'une procédure
pénale ouver

te en Turquie contre X., accusé du meurtre de son épouse,
perpétré à Adana le 16 avril 1993....

122 II 373

47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 11
septembre 1996 dans la cause X. contre Office fédéral de la police
(recours de droit public et de droit administratif)
A.- Par note verbale du 5 janvier 1996, l'Ambassade de Turquie à
Berne a requis l'extradition de X., ressortissant turc né le 3 juin
1963, résidant à Genève. Cette demande, fondée sur la Convention
européenne d'extradition conclue à Paris le 13 décembre 1957
(CEExtr.; RS 0.353.1), est présentée pour les besoins d'une procédure
pénale ouverte en Turquie contre X., accusé du meurtre de son épouse,
perpétré à Adana le 16 avril 1993. A la demande sont joints, outre le
texte des dispositions pénales applicables dans l'Etat requérant, un
mandat d'arrêt du 17 avril 1993, un acte d'accusation établi le 23
juin 1993 par le Ministère public d'Adana, un procès-verbal relatant
les déclarations de témoins, ainsi qu'un rapport d'autopsie. Selon
l'art. 449 al. 1 du Code pénal turc, l'homicide de parents est
passible de la réclusion à vie.
Arrêté le 20 janvier 1996 à Genève et placé en détention
extraditionnelle, X. s'est opposé à son extradition.
Le 13 mai 1996, l'Office fédéral de la police a accordé
l'extradition de X. à la Turquie pour les faits qui font l'objet de
la demande; toutefois, il a réservé le cas où la Commission fédérale
de recours en matière d'asile accorderait celui-ci à X.

B.- Agissant séparément par la voie du recours de droit
administratif et du recours de droit public, X. demande préalablement
au Tribunal fédéral de procéder à l'audition des témoins entendus
dans la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant, ainsi que
d'une personne ayant appartenu autrefois à l'armée turque; il
requiert principalement l'annulation de la décision du 13 mai 1996
et, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause à l'Office fédéral
pour nouvelle décision. Il demande en outre l'assistance judiciaire.
A l'appui du recours de droit administratif, il invoque les art. 12
et 33 PA, 104 let. a et b OJ, l'art. 3 al. 2 CEExtr, ainsi que les
art. 2 et 3 CEDH. Dans le cadre du recours de droit public, il se
plaint de la violation de son droit d'être entendu garanti par l'art.
4 Cst.
Extrait des considérants:
1.- a) L'extradition entre la Suisse et la Turquie est régie par
la CEExtr., à laquelle les deux Etats sont parties. La loi fédérale
sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981
(EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution restent applicables
aux questions qui ne sont réglées ni explicitement ni implicitement
par la Convention, ou lorsque le droit autonome pose des conditions
plus favorables pour l'octroi de l'extradition (ATF 122 II 140
consid. 2; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2b p.
191/192 et les arrêts cités).
b) La décision de l'Office fédéral accordant l'extradition peut
faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral
en vertu de l'art. 55 al. 3 EIMP, mis en relation avec l'art. 25 de
la même loi. Le recourant, qui peut manifestement se prévaloir d'un
intérêt digne de protection à obtenir l'annulation ou la modification
de la décision attaquée, a qualité pour agir au sens de l'art. 21 al.
3 EIMP (ATF 118 Ib 442 consid. 2b et c p. 445-448; 116 Ib 106 consid.
2a p. 109/110, et les arrêts cités). Le recours de droit public est
ainsi irrecevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ. Toutefois, dans
les domaines qui relèvent de la juridiction administrative fédérale,
le recours de droit administratif permet aussi de soulever le grief
tiré de la violation des droits constitutionnels en relation avec
l'application du droit fédéral (ATF 120 Ib 379 consid. 1b p. 381/382;
118 Ia 8 consid. 1b p. 10; 116 Ib 10, 175 consid. 1 p. 178, et les
arrêts cités). Les griefs soulevés à l'appui du recours de droit
public concernant la violation du droit d'être entendu du recourant
peuvent ainsi être examinés dans le cadre du recours de droit
administratif.
c) Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
attaquée sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 118 Ib
269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine le recours avec une cognition
pleine. C'est cependant au juge du fond, et non au juge de
l'extradition, qu'il appartient de se prononcer sur la culpabilité de
la personne visée par la demande d'extradition (ATF 112 Ib 215
consid. 5b p. 220; 109 Ib 60 consid. 5a p. 63, et les arrêts cités).
Il n'est fait exception à cette règle que lorsque
2.- Le recourant invoque l'art. 3 al. 2 CEExtr., aux termes duquel
l'extradition ne sera pas accordée si la Partie requise a de
sérieuses raisons de croire que la demande d'extradition motivée par
une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre
ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion,
de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet
individu risque d'être aggravée par l'une ou l'autre de ces raisons
(cf. aussi l'art. 2 let. b et c EIMP, l'art. 3 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, conclue le 10 décembre 1984 (RS 0.105) et l'art. 3
CEDH, conventions ratifiées tant par la Turquie que par la Suisse).
a) Le juge de l'extradition doit faire preuve d'une prudence
particulière dans l'examen des conditions d'application de l'art. 3
al. 2 CEExtr., qui implique un jugement de valeur sur les affaires
internes de l'Etat requérant, en particulier son régime politique,
sur ses institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et
leur respect effectif, et sur l'indépendance et l'impartialité du
pouvoir judiciaire (ATF 109 Ib 317
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,

1. Déclare le recours de droit public irrecevable.

2. Rejette le recours de droit administratif.

3. Admet la demande d'extradition pour les faits figurant dans
l'acte d'accusation établi le 23 juin 1993 par le Ministère public
d'Adana aux conditions suivantes:

a) l'Etat requérant accordera à l'Ambassade de Suisse à Ankara le
droit de visiter librement l'extradé, si celui-ci est placé en
détention;
b) l'Etat requérant tiendra l'Ambassade de Suisse à Ankara
régulièrement informée du lieu de détention de l'extradé, de ses
conditions de détention et de son état de santé;
c) l'Etat requérant autorisera l'extradé à s'adresser librement à
l'Ambassade de Suisse à Ankara;
d) pour le cas où l'extradé serait renvoyé en jugement, l'Etat
requérant autorisera l'Ambassade de Suisse à Ankara à suivre les
débats et à y déléguer des observateurs.
4. Dit qu'en communiquant la décision d'extradition aux autorités
de l'Etat requérant, l'Office fédéral leur fixera un délai de
quarante jours pour donner expressément les assurances requises
ci-dessus, faute de quoi l'extradition ne sera pas exécutée et la
mesure de détention extraditionnelle levée.
5. Dit que l'extradition ne sera pas exécutée jusqu'à droit jugé
sur le recours formé devant la Commission fédérale de recours en
matière d'asile contre la décision rendue le 21 mars 1996 par
l'Office fédéral des réfugiés.
6. Dit que l'extradition ne sera pas accordée si la Commission
fédérale de recours en matière d'asile accorde l'asile au recourant.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.201/1996
Date de la décision : 11/09/1996
1re cour de droit public

Analyses

Extradition à la Turquie; art. 3 CEExtr; art. 3 CEDH. La décision de l'Office fédéral de la police accordant l'extradition peut être attaquée par la voie du recours de droit administratif; le recours de droit public est irrecevable (consid. 1b). Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (consid. 1c). Portée de l'art. 3 al. 2 CEExtr., excluant l'extradition lorsque la demande a été formée pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques de la personne poursuivie (consid. 2a et b). En l'occurrence, le cas visé à l'art. 3 al. 2, 1ère partie, CEExtr., n'est pas réalisé (consid. 2c). En revanche, il convient, au regard de l'art. 3 al. 2, deuxième partie, CEExtr., de subordonner l'extradition du recourant à des assurances, à fournir par l'État requérant, quant aux conditions de détention de la personne extradée (consid. 2d).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-09-11;1a.201.1996 ?
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