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09/07/1996 | SUISSE | N°4C.52/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 1996, 4C.52/1996


122 III 373

69. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 9 juillet 1996 dans
la cause L. contre banque X. (recours en réforme)
A.- Le 18 novembre 1986, L. a demandé à la banque X.
l'établissement d'une carte eurochèque (ci-après: carte ec) et la
remise de formulaires de chèques. Ces pièces lui ont été délivrées
avec des conditions d'utilisation de la carte ec, qu'il a acceptées
et dont il a reçu un nouvel exemplaire en 1990.
Le 10 octobre 1993, le véhicule de L., qui était garé en France, a
été forcé. Sa carte ec, conte

nue dans une fourre, son chéquier, qui
se trouvait dans son portefeuille, ainsi que son passepor...

122 III 373

69. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 9 juillet 1996 dans
la cause L. contre banque X. (recours en réforme)
A.- Le 18 novembre 1986, L. a demandé à la banque X.
l'établissement d'une carte eurochèque (ci-après: carte ec) et la
remise de formulaires de chèques. Ces pièces lui ont été délivrées
avec des conditions d'utilisation de la carte ec, qu'il a acceptées
et dont il a reçu un nouvel exemplaire en 1990.
Le 10 octobre 1993, le véhicule de L., qui était garé en France, a
été forcé. Sa carte ec, contenue dans une fourre, son chéquier, qui
se trouvait dans son portefeuille, ainsi que son passeport ont été
volés. L. a déposé plainte et signalé le vol à la banque le
lendemain. Dans les jours suivants, le voleur a rempli 32 chèques
d'un montant de 1'400 FF chacun, en imitant la signature de L. et en
inscrivant au dos des chèques le numéro de la carte ec. Les 32
chèques ont été remis pour encaissement auprès de diverses banques
françaises qui les ont honorés. Ultérieurement, la banque X. les a
débités du compte de L. pour un montant total de 11'517 fr. 20.
Invoquant les conditions d'utilisation de la carte ec ainsi qu'une
notice relative à la couverture des dommages en cas d'utilisation
abusive d'eurochèques par des tiers, la banque a indemnisé son client
à concurrence de 3'229 fr. 90.
Extrait des considérants:
2.- a) Selon l'art. 1132 CO, le dommage résultant d'un chèque faux
ou falsifié est à la charge du tiré si aucune faute n'est imputable à
la personne désignée comme tireur dans le titre; la faute du tireur
consistera notamment dans le fait de n'avoir pas veillé avec assez de
soin à la conservation des formulaires de chèques qui lui ont été
remis. Cette réglementation est de droit dispositif (cf. ATF 122 III
26 consid. 4a et la doctrine citée).
Les conditions d'utilisation de la carte ec, telles qu'elles ont
été remises par la défenderesse au demandeur, constituent l'annexe 1
à la Convention XV concernant la production, la distribution et
l'utilisation de la carte "eurochèque" (sic)(ci-après: la Convention
XV) du 1er novembre 1990 de l'Association suisse des banquiers
(WIDMER, in Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Bâle, n. 11 et
12 ad art. 1104 CO; JÄGGI/DRUEY/VON GREYERZ, Wertpapierrecht, p.
313). Sous le titre "I. Dispositions générales", elles imposent à
l'ayant droit d'une carte ec, laquelle peut servir de garantie
eurochèque, de carte de prélèvement d'argent comptant ou encore de
carte de paiement (clause I.1), et demeure propriété de la banque
(clause I.4), l'obligation de conserver avec soin et séparément la
carte ec et les eurochèques (clause I.6b) ainsi que d'annoncer
immédiatement à la banque la disparition de la carte ec,
d'eurochèques ou du code ec (clause I.6g); elles précisent que la
banque est en droit de débiter sur le compte du titulaire de la carte
tous les montants résultant de l'utilisation de la carte ec (clause
I.8). Sous le titre "II. La carte ec comme carte de garantie des
eurochèques", lesdites conditions prévoient ce qui suit:

"1. Garantie
Lorsque des eurocheques (sic) sont émis sur présentation d'une
carte ec, en
Europe ou dans les pays riverains de la Méditerranée, et
conformément aux
conditions a) à d) ci-après, la banque garantit à tout porteur
légitime,
selon les principes du droit de chèque, le paiement du montant des
chèques
jusqu'à concurrence du montant maximum de garantie eurocheque fixé
par
chèque au plan international pour chaque pays:
3.- A l'appui de son avis selon lequel la répartition des risques
prévue par les conditions d'utilisation de la carte ec sont abusives
et contraires à l'ordre public, le demandeur invoque l'opinion de
SCHÖNLE (La responsabilité des banques et de leurs clients en cas
d'utilisation abusive et frauduleuse des nouveaux moyens
électroniques de paiement et de mauvais fonctionnement du système
automatisé d'opérations bancaires, in Les nouveaux moyens
électroniques de paiement, Lausanne 1986, p. 65 ss, p. 84 ss). Selon
celui-ci, la répartition des risques prévue dans les conditions
émises par les banques devrait s'analyser comme une remise de dette
concédée par le client à la banque sous la condition suspensive que
la banque, sans faute de sa part ou par faute légère, ne remarque pas
la falsification. Cette remise de dette devrait être considérée comme
nulle du moment que toutes les banques suisses l'exigent dans leurs
conditions générales et qu'aucun client ne peut obtenir un contrat
bancaire qui lui permette d'utiliser sa carte ec conformément aux
art. 400 al. 1, 481 en liaison avec l'art. 475 et 1132 CO. Les
banques exerceraient ainsi leur droit de préformuler le contenu du
contrat d'une manière abusive au sens de l'art. 2 al. 2 CC.
L'argumentation de cet auteur a été développée en relation avec les
anciennes conditions d'utilisation de la carte ec, mais est reprise
par le demandeur, mutatis mutandis, à propos de la clause II.2 des
nouvelles conditions générales émises en 1990 (pour une critique de
cette analyse, cf. OBERSON, Les moyens électroniques de paiement
orientés vers le particulier. L'exemple du système Eurochèque, thèse
Lausanne 1992, p. 443 s.). Se référant à FAVRE-BULLE (Le rôle du
principe de la bonne foi et de l'abus de droit dans le domaine des
clauses abusives, in Abus de Droit et Bonne Foi, Fribourg 1994), le
demandeur soutient en outre que le système de garantie de la carte ec
tomberait sous le coup de l'art. 8 LCD (RS 241) aux termes duquel
agit de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des conditions
générales préalablement formulées, qui sont de nature à provoquer une
erreur au détriment d'une partie contractante et qui (a) dérogent
notablement au régime légal applicable directement ou par analogie,
ou (b) prévoient une répartition des droits et des obligations
s'écartant notablement de celle qui découle de la nature du contrat.
A ses
4.- Il faut encore examiner si, pour être restée inactive et
n'avoir pas fait bloquer les chèques après avoir été avisée par son
client, conformément aux conditions générales, du vol des formulaires
eurochèques et de la carte ec, la défenderesse a commis une faute
engageant sa responsabilité (cf. art. 1119 al. 3 CO; ATF 112 II 450;
HIPPELE, op.cit., n. 8 ad art. 1132 CO).
a) Il convient de distinguer l'utilisation de la carte ec comme
carte de garantie de chèque (annexe 1 à la Convention XV, titre II)
et comme moyen de prélèvement d'argent comptant et de paiement
(annexe 1 à la Convention XV, titre III).
aa) Si la carte ec est utilisée comme moyen de retrait ou de
paiement conjointement avec le code ec dans un appareil automatique,
elle peut être électroniquement bloquée sans difficulté particulière
(cf. annexe 1 à la Convention XV, clause III.9). La banque qui ne
donnerait pas suite à un tel ordre de blocage engagerait en principe
sa responsabilité. On n'est cependant pas en présence d'un pareil cas
de figure en l'occurrence.
bb) En revanche, utilisée comme moyen de garantie des eurochèques,
la carte ec suppose un maniement manuel. Les chèques dont elle
garantit le paiement - pour autant que certaines conditions formelles
soient réalisées - ne circulent en outre pas uniquement entre des
banques ou des établissements bancaires, mais sont également utilisés
dans les relations commerciales entre les particuliers, où ils
remplacent le numéraire, on l'a déjà relevé. Le cercle des
destinataires est ainsi très étendu. Cela exclut pratiquement tout
blocage efficace, en particulier à l'égard des porteurs qui ne sont
pas des banques (WIDMER, op.cit., n. 22 ad art. 1104 CO; cf. aussi
BAUMBACH/HEFERMEHL, op.cit., n. 24b ad art. 4 DSchG). Ceux-ci ne sont
en règle générale pas reliés par des moyens électroniques avec les
établissements bancaires qui émettent - et bloquent - les cartes ec.
Certes, il serait éventuellement possible de notifier le blocage
d'une carte ec à tous les établissements bancaires, mais une telle
opération serait lourde à mettre en oeuvre, compliquerait le trafic
des paiements et rendrait largement illusoire la fonction de garantie
de la carte ec. En effet, celui qui aurait payé un chèque faux ou
falsifié reçu de bonne foi courrait le risque de ne pas rentrer dans
ses fonds. Cela serait contraire au sens et au but de la garantie
donnée à ce papier-valeur, et ce d'autant


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.52/1996
Date de la décision : 09/07/1996
1re cour civile

Analyses

Dommage résultant du paiement d'un chèque faux ou falsifié (art. 1132 CO); chèque garanti par carte. Nature dispositive de l'art. 1132 CO; répartition des risques prévue dans le système eurochèque (consid. 2a et 2b). Admissibilité de cette répartition des risques au regard des art. 2 al. 2 CC, 19 al. 2 CO et 8 LCD (consid. 3a). Faute, au sens de l'art. 1132 CO, du tireur qui laisse sa carte eurochèque avec 32 formulaires de chèques dans un véhicule garé (consid. 3b). Absence de faute de la banque tirée qui honore des eurochèques falsifiés après avoir été avertie du vol par son client (consid. 4a et 4b).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-07-09;4c.52.1996 ?
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