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28/05/1996 | SUISSE | N°4C.455/1995

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mai 1996, 4C.455/1995


122 III 195

35. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 28 mai 1996 dans la
cause R. contre V. et G. (recours en réforme)
A.- a) Fondée en novembre 1979, P. SA, dont le siège était à
Lausanne, disposait d'un capital social de 50'000 fr., divisé en 50
actions de 1'000 fr. chacune. G. avait souscrit 48 actions alors que
son épouse et K. en détenaient une chacun. Les actionnaires
agissaient en réalité à titre fiduciaire pour J., ressortissant
autrichien, qui avait mis à disposition les fonds permettant la
libération du capital-ac

tions de la société. J. était considéré comme
le seul propriétaire économique et "actionn...

122 III 195

35. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 28 mai 1996 dans la
cause R. contre V. et G. (recours en réforme)
A.- a) Fondée en novembre 1979, P. SA, dont le siège était à
Lausanne, disposait d'un capital social de 50'000 fr., divisé en 50
actions de 1'000 fr. chacune. G. avait souscrit 48 actions alors que
son épouse et K. en détenaient une chacun. Les actionnaires
agissaient en réalité à titre fiduciaire pour J., ressortissant
autrichien, qui avait mis à disposition les fonds permettant la
libération du capital-actions de la société. J. était considéré comme
le seul propriétaire économique et "actionnaire" de P. SA, les
procès-verbaux des assemblées générales le désignant toujours en
cette qualité. Il en était par ailleurs le directeur.
Contacté par G., V. a accepté, à une date indéterminée antérieure à
janvier 1981, d'être l'administrateur unique de P. SA, en
remplacement de K. V. n'a participé d'aucune manière à la gestion de
la société, laissant carte blanche à J. Il n'a jamais lu les statuts
de P. SA et ne connaissait même pas le but social.
Extrait des considérants:
3.- a) L'art. 754 al. 1 aCO rend les personnes chargées de
l'administration responsables du dommage qu'elles causent notamment à
la société et aux
4.- a) Les agissements délictueux du directeur ont causé un
dommage considérable à la société et à ses créanciers, dont le
demandeur fait partie. L'administrateur unique doit répondre de ce
préjudice puisqu'il a méconnu son devoir de diligence, en n'exerçant
aucune surveillance sur J. et en ne l'écartant pas de la direction
des affaires sociales dès le début 1981. V. ne saurait prétendre à
cet égard que le dommage se serait produit même s'il avait fait
preuve de la diligence requise. En effet, son absence de réaction à
l'endroit de J. au début 1981 a eu des conséquences indubitables sur
la suite des événements puisque, selon l'état de fait du jugement
attaqué, les pertes des créanciers de P. SA sont pratiquement toutes
postérieures à janvier 1981. Par ailleurs, en laissant à un poste de
directeur une personne sur laquelle pèsent de lourds soupçons
d'escroquerie, le défendeur a sans conteste favorisé la survenance du
préjudice.
b) En ce qui concerne une éventuelle interruption du lien de
causalité adéquate, il convient de préciser que, contrairement à ce
que la cour cantonale a admis, les délits commis par le directeur ne
sauraient être assimilés à la faute grave d'un tiers, excluant la
responsabilité de l'administrateur unique.
En effet, la responsabilité de l'administrateur à la suite d'une
délégation de compétences est une sorte de responsabilité pour le
fait d'autrui. Or, lorsqu'une personne répond en raison d'un manque
de diligence dans le choix, la surveillance ou l'enseignement d'un
subordonné, celui-ci n'est pas un tiers par rapport à celle-là; par
définition, la faute grave du délégué ne peut pas constituer un
facteur d'interruption de la causalité adéquate entre le comportement
reproché à l'administrateur et le dommage
9.- La responsabilité de l'administrateur V. étant engagée, il
convient de se pencher sur le dommage dont le demandeur réclame
réparation.
a) D'après les constatations cantonales, le créancier agit en vertu
d'une cession des droits de la masse en faillite. Dans la faillite
d'une société anonyme, les droits des créanciers et des actionnaires
sont exercés en premier lieu par l'administration de la faillite,
mais celle-ci peut céder l'action en responsabilité à tout
actionnaire ou créancier (art. 756 al. 1 et 2 aCO). Jusqu'à l'arrêt
publié aux ATF 117 II 432, la jurisprudence distinguait selon que le
créancier agissait en qualité de cessionnaire des droits de la masse
sur la base de l'art. 260 LP ou en qualité de cessionnaire de
l'action en responsabilité sur la base de l'art. 756 al. 2 aCO. Dans
le premier cas, le créancier exerçait les droits que la société en
faillite pouvait faire valoir contre ses administrateurs du chef de
leur responsabilité (action sociale); dans le second cas, il faisait
valoir le dommage indirect qu'il subissait comme créancier de la
société (ATF 111 II 182 consid. 3a, 113 II 277 consid. 3). En cas de
procès, il était admis, en principe, que le créancier cessionnaire
exerçait les deux actions et qu'il était ainsi fondé à réclamer
réparation non seulement de son propre dommage, mais également de
tout le dommage subi par la société faillie du fait des agissements
de ses administrateurs (ATF 111 II 182 consid. 3c et 3d, 113 II 277
consid. 4b).
Assez récemment, le Tribunal fédéral a précisé cette jurisprudence
en ce sens que les actions susmentionnées ne reposent pas sur deux
fondements différents, mais sur un seul, soit le droit de l'ensemble
des créanciers; les exceptions que les organes responsables
pourraient faire valoir contre la société ou certains créanciers pris
individuellement ne sont pas opposables à une telle action (ATF 117
II 432 consid. 1b/hh). Du moment qu'il agit en vertu du droit de
l'ensemble des créanciers, le cessionnaire peut obtenir réparation de
tout le dommage causé directement à la société et indirectement à ses
créanciers; l'ATF 111 II 182 se trouve ainsi confirmé dans son
résultat (même arrêt, consid. 1b/gg et 1b/hh).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.455/1995
Date de la décision : 28/05/1996
1re cour civile

Analyses

Société anonyme - responsabilité de l'administrateur (art. 754 al. 1, art. 722 aCO) - prescription (art. 760 CO). En cas de délégation valable de compétences, l'administrateur ne répond en principe que de la "cura in eligendo, in custodiendo et in instruendo" (consid. 3a). Exemple d'un administrateur unique qui a manifestement méconnu son obligation de diligence (consid. 3b) et dont la passivité est la cause adéquate du dommage causé aux créanciers de la société en faillite (consid. 4). Le dommage indirect du créancier ne correspond pas nécessairement au montant de sa créance colloquée (consid. 9a et b). Prescription d'une partie des prétentions du créancier à la suite d'une augmentation tardive des conclusions en procédure cantonale (consid. 9c).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-05-28;4c.455.1995 ?
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