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16/04/1996 | SUISSE | N°M.2/95

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 avril 1996, M.2/95


122 V 242

35. Arrêt du 16 avril 1996 dans la cause Office fédéral de
l'assurance militaire contre L. et Tribunal administratif du canton
de Neuchâtel
A.- L. a été victime d'un accident le 30 septembre 1991, durant
son école de recrues. Alors qu'il participait à la construction d'une
ligne téléphonique, le fil qu'il était en train de nouer à un poteau
s'est brusquement bloqué, sectionnant l'extrémité distale de la
phalange terminale de son médius gauche. Transporté d'urgence à
l'Hôpital cantonal de S., le prénommé a subi un

complément
d'amputation et une greffe par transplantation de peau de l'annulaire
sur le médiu...

122 V 242

35. Arrêt du 16 avril 1996 dans la cause Office fédéral de
l'assurance militaire contre L. et Tribunal administratif du canton
de Neuchâtel
A.- L. a été victime d'un accident le 30 septembre 1991, durant
son école de recrues. Alors qu'il participait à la construction d'une
ligne téléphonique, le fil qu'il était en train de nouer à un poteau
s'est brusquement bloqué, sectionnant l'extrémité distale de la
phalange terminale de son médius gauche. Transporté d'urgence à
l'Hôpital cantonal de S., le prénommé a subi un complément
d'amputation et une greffe par transplantation de peau de l'annulaire
sur le médius. Il a achevé prématurément son école de recrues le 26
octobre 1991 et a été déclaré
Considérant en droit:
1.- Selon l'art. 109 de la loi sur l'assurance militaire du 19
juin 1992 (LAM), les cas en cours au moment de l'entrée en vigueur de
cette loi, le 1er janvier 1994, seront traités selon le droit nouveau
dans les parties qui n'ont pas été reconnues ou qui n'ont pas fait
l'objet d'une décision.
Etant donné qu'en l'espèce, la proposition de règlement du 28
octobre 1993 (contre laquelle l'assuré a fait opposition) a été
formulée avant le 1er
2.- a) L'objet du litige dans la procédure administrative
subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet
de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les
conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué.
D'après cette définition, l'objet de la contestation et l'objet du
litige sont identiques lorsque la décision administrative est
attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte
que sur une partie du rapport juridique déterminé par la décision,
les aspects non contestés de ce rapport juridique sont certes compris
dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige.
Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision
administrative, et fassent ainsi partie de l'objet de la contestation
- ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et
qui ne sont donc pas comprises dans l'objet du litige, ne sont
examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit
entre les points non contestés et l'objet du litige (ATF 117 V 295
consid. 2a, 112 V 99 consid. 1a, 110 V 51 consid. 3c et les
références citées).
b) En l'espèce, le recours de droit administratif formé par l'OFAM
est dirigé contre la reconnaissance, par la juridiction cantonale, du
droit de l'assuré à une indemnité de 4'000 francs à titre de
réparation morale. De son côté, L. n'a pas recouru contre le jugement
cantonal, dans la mesure où celui-ci a confirmé le refus de l'OFAM de
lui accorder une rente pour atteinte à l'intégrité. Il existe
toutefois un rapport de connexité étroit - découlant notamment de la
réglementation prévue à l'art. 59 al. 2 LAM - entre le droit à une
rente pour atteinte à l'intégrité au sens des art. 48ss LAM, d'une
part, et le droit à une indemnité à titre de réparation morale selon
l'art. 59 LAM, d'autre part, de sorte qu'il se justifie d'examiner
également ce second point dans le cadre de la présente procédure.
3.- a) Selon l'art. 48 al. 1 LAM, si l'assuré souffre d'une
atteinte notable et durable à son intégrité physique ou mentale, il a
droit à une rente pour atteinte à l'intégrité. L'art. 25 OAM, qui
traite de la fixation des rentes pour atteinte à l'intégrité, dispose
qu'une atteinte notable existe lorsqu'elle équivaut à un vingtième au
moins de la perte totale d'une fonction vitale comme l'ouïe ou la vue
(al. 1). Le taux minimum ouvrant droit à une rente pour atteinte à
l'intégrité est fixé à 2,5 pour cent du montant annuel qui sert de
base au calcul des rentes selon l'art.
4.- a) La gravité de l'atteinte à l'intégrité est déterminée
équitablement en tenant compte de toutes les circonstances (art. 49
al. 1 LAM). La rente est fixée en pour-cent du montant annuel qui
sert de base au calcul des rentes selon l'art. 49 al. 4 LAM et compte
tenu de la gravité de l'atteinte à l'intégrité (art. 49 al. 2,
première phrase, LAM).
Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 25 al. 1 de la loi
du 20 septembre 1949 (aLAM), une atteinte à l'intégrité ouvre en
principe droit à une rente lorsque l'assuré est, d'un point de vue
objectif, limité d'une manière notable dans la jouissance de la vie.
Sont juridiquement considérés comme notables, au sens de cette
définition, les troubles de la fonction primaire de la vie, mais non
les simples empêchements dans les autres domaines de l'existence,
comme par exemple la pratique d'un sport, la participation à des
manifestations de la vie sociale et autres activités semblables. Le
degré de l'atteinte à l'intégrité, exprimé en pour-cent, est
déterminé en comparant l'état fonctionnel et anatomique de
l'intéressé, avant et après la survenance de l'événement dommageable
(ATF 117 V 77 consid. 3a/bb/aaa, 113 V 143 consid. 2c, 112 V 389s.
consid. 1a et la
5.- Même si la formulation de l'art. 48 al. 1 LAM ne diffère pas
fondamentalement de celle de l'ancien droit (art. 23 al. 1 en
relation avec l'art. 25 al. 1 aLAM), l'examen des travaux
préparatoires de la loi du 19 juin 1992 permet de mettre en évidence
la volonté réelle du législateur en matière de rentes pour atteinte à
l'intégrité.
Dans son message concernant la loi fédérale sur l'assurance
militaire du 27 juin 1990 (FF 1990 III p. 189ss), le Conseil fédéral
proposait l'introduction d'un art. 59 comprenant trois alinéas, dont
le deuxième avait la teneur suivante : une indemnité à titre de
réparation morale peut être allouée, dans des cas exceptionnels, lors
de défiguration ou d'infirmités durables et gênantes (FF 1990 III p.
275). Cette disposition prévoyait une "compensation pour douleurs
subies", lorsque l'atteinte n'entraîne pas de diminution notable des
fonctions vitales (FF 1990 III p. 209), soit lorsque le seuil minimal
de gravité de 5 pour cent fixé à l'art. 49 al. 2 du projet du Conseil
fédéral (FF 1990 III p. 273) n'était pas atteint.
Toutefois, le projet du Conseil fédéral a subi des modifications
importantes sur ces points: d'une part, le législateur a renoncé au
seuil
6.- a) Vu ce qui précède, la réglementation prescrite par
l'ordonnance sur l'assurance militaire est contraire à la loi, dans
la mesure où elle fixe à 2,5 pour cent le taux minimum déterminant
pour l'octroi d'une rente pour atteinte à l'intégrité (art. 25 al. 1
et 2 OAM). D'une part, une telle limitation se révèle inconciliable
avec la volonté du législateur, telle qu'elle ressort des travaux
préparatoires (cf. extraits des procès-verbaux des séances de la
Commission du Conseil des Etats pour la sécurité sociale des 11 et 28
février, et du 21 mai 1991, ainsi que des séances de la Commission du
Conseil national pour la sécurité sociale et la santé publique des 20
et 21 janvier 1992, in Documents relatifs aux délibérations
parlementaires sur la révision totale, classés par articles, classeur
VIII, ad art. 59 LAM). D'autre part, la fixation d'un seuil minimal
ouvrant droit à une rente pour atteinte à l'intégrité déborde
manifestement le cadre de la compétence conférée au Conseil fédéral
par l'art. 49 al. 4 LAM et qui consiste dans la fixation du montant
annuel déterminant pour le calcul des rentes pour atteinte à
l'intégrité.
b) Cela étant, l'OFAM n'était pas fondé, par sa décision du 14 juin
1994, confirmée sur ce point par le jugement entrepris, à nier le
droit de l'assuré à une rente pour atteinte à l'intégrité, au motif
que le seuil de gravité de 2,5 pour cent prescrit à l'art. 25 al. 1
et 2 OAM n'était en l'occurrence pas atteint. Dans la mesure où elle
représente une limitation dans la jouissance de la vie, l'amputation
partielle de la phalange terminale du médius gauche subie par
l'assuré ouvre droit à une rente pour atteinte à l'intégrité selon la
LAM, même si l'importance de l'atteinte est seulement de 1 ou 2 pour
cent.
Il y a lieu de renvoyer la cause à l'OFAM pour qu'il fixe le taux
de l'atteinte subie par L. ensuite de l'accident du 30 septembre 1991
et qu'il statue sur le droit du prénommé à une rente pour atteinte à
l'intégrité.
7.- L'assuré pouvant prétendre une rente pour atteinte à
l'intégrité, il n'a pas droit à l'octroi d'une indemnité à titre de
réparation morale (art. 59 al. 2 LAM). Le jugement entrepris doit
donc être également annulé dans la mesure où il reconnaît le droit du
prénommé à une telle indemnité.


Synthèse
Numéro d'arrêt : M.2/95
Date de la décision : 16/04/1996
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 48 al. 1, art. 49 al. 1 et 2 et art. 59 LAM, art. 25 al. 1 et 2 OAM. - Les atteintes à l'intégrité durables, qui n'entraînent pas de diminution des fonctions vitales, ouvrent également droit à une rente pour atteinte à l'intégrité selon les art. 48ss LAM. - L'art. 25 al. 1 et 2 OAM est contraire à la loi, dans la mesure où il fixe un seuil minimal déterminant pour l'octroi d'une rente.


Références :

04.04.1996 GG 4041/96; 12.07.1988 M 5/88


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-04-16;m.2.95 ?
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