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11/03/1996 | SUISSE | N°4C.91/1995

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mars 1996, 4C.91/1995


122 III 101

21. Arrêt de la Ire Cour civile du 11 mars 1996 dans la cause F.
contre X. (recours en réforme)
A.- F. a consulté, en tant que patiente privée, le professeur X.,
médecin-chef de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève. Devant
être opérée pour une maladie héréditaire à transmission dominante,
elle a demandé par écrit à celui-ci de lui ligaturer les trompes
utérines au cours de cette opération. Près de dix ans plus tard, F. a
reproché au professeur X. d'avoir procédé à sa stérilisation sans que
celle-ci ait

été justifiée du point de vue médical et sans s'être
préalablement assuré qu'elle y avait consenti...

122 III 101

21. Arrêt de la Ire Cour civile du 11 mars 1996 dans la cause F.
contre X. (recours en réforme)
A.- F. a consulté, en tant que patiente privée, le professeur X.,
médecin-chef de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève. Devant
être opérée pour une maladie héréditaire à transmission dominante,
elle a demandé par écrit à celui-ci de lui ligaturer les trompes
utérines au cours de cette opération. Près de dix ans plus tard, F. a
reproché au professeur X. d'avoir procédé à sa stérilisation sans que
celle-ci ait été justifiée du point de vue médical et sans s'être
préalablement assuré qu'elle y avait consenti librement et en toute
connaissance de cause.
F. a ouvert action en paiement contre X. pour un montant de 336'000
fr., comprenant notamment le remboursement de ses frais de
psychothérapie, une indemnité pour perte de gain et la réparation de
son tort moral. Considérant que l'action était prescrite en vertu de
l'art. 60 al. 1 CO, appliqué à titre de droit cantonal supplétif, le
Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté la
demande. Saisie d'un appel de la demanderesse, la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé le jugement attaqué.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans
la mesure où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la
demanderesse interjette, contre l'arrêt de la Cour de justice, un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation
de l'arrêt cantonal, à ce que ses prétentions soient déclarées non
prescrites et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur le fond. Le défendeur conclut, à la forme, à
l'irrecevabilité du recours et, au fond, au rejet de celui-ci.
Considérant en droit:
1.- La demanderesse a ouvert action contre le défendeur devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève et a fondé sa
prétention sur les art. 394 ss et 127 CO. Considérant que la cause
était de nature publique, les juges genevois, qui, en vertu des
règles d'organisation judiciaire genevoises, sont également
compétents pour trancher les litiges relevant de la responsabilité de
l'Etat pour les actes de ses fonctionnaires, l'ont jugée en faisant
application du droit public cantonal. Dans son recours en réforme, la
demanderesse reproche à la Cour de justice d'avoir appliqué à tort le
droit public cantonal au lieu du droit privé fédéral.
Dans la mesure où la demanderesse soutient que son action est de
nature civile et qu'elle se plaint d'une violation du principe de la
force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.), le
Tribunal
2.- Selon la cour cantonale, la responsabilité du défendeur
découle du droit public cantonal car, même à l'égard de ses patients
privés, le médecin-chef d'un hôpital public agit comme fonctionnaire.
L'acte prétendument dommageable ayant été exécuté en 1981, la
responsabilité du défendeur est régie par l'ancienne loi genevoise
sur la responsabilité civile de l'Etat et des communes du 23 mai 1900
(ci-après: aLR), qui prévoit une responsabilité concurrente de l'Etat
et des fonctionnaires envers le lésé. Comme l'art. 3 aLR renvoie aux
dispositions générales du code des obligations, le délai de
prescription est de un an selon l'art. 60 al. 1 CO, appliqué à titre
de droit cantonal supplétif, et l'action de la demanderesse est
prescrite. Celle-ci critique cette argumentation. Elle soutient que,
puisqu'elle était une patiente privée, son action ne vise pas
l'activité officielle, mais l'activité médicale exercée à titre privé
du défendeur. La responsabilité de celui-ci devrait donc être jugée
selon le droit privé fédéral, soit selon les règles du mandat des
art. 394 ss CO, et, partant, le délai de prescription serait de dix
ans en vertu de l'art. 127 CO.
a) En principe, les fonctionnaires et employés publics répondent du
dommage qu'ils causent selon le droit fédéral (art. 41 ss CO). En
vertu de l'art. 61 CO, la législation cantonale peut déroger aux
dispositions sur les obligations résultant des actes illicites des
art. 41 ss CO en ce qui concerne la responsabilité encourue par des
fonctionnaires et employés publics pour le dommage ou le tort moral
qu'ils causent dans l'exercice de leur charge (al. 1); elle ne peut y
déroger, toutefois, s'il s'agit d'actes se rattachant à l'exercice
d'une industrie (al. 2).
Il s'agit donc de déterminer dans quelle mesure les cantons peuvent
déroger aux règles de la responsabilité délictuelle, quels actes ils
peuvent soumettre à leur propre droit. En particulier, il faut
examiner si, sans violer le principe de la force dérogatoire du droit
fédéral, ils peuvent régler la responsabilité des médecins autorisés
à avoir une clientèle


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.91/1995
Date de la décision : 11/03/1996
1re cour civile

Analyses

Art. 61 al. 1 CO et art. 2 Disp. trans. Cst. Responsabilité des médecins d'hôpitaux publics pour les soins apportés à des patients privés; délimitation entre leur activité officielle et leur activité privée. Recevabilité du recours en réforme (consid. 1). L'art. 61 al. 1 CO permet aux cantons de soumettre à une réglementation uniforme tous les soins et traitements médicaux donnés aux patients dans un hôpital public. Dans un cas particulier, c'est donc en premier lieu sur la base du droit public cantonal que l'on détermine contre qui et à quelles conditions le patient peut agir en responsabilité (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-03-11;4c.91.1995 ?
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