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23/01/1996 | SUISSE | N°1A.37/1995

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 janvier 1996, 1A.37/1995


122 II 26

5. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 23 janvier
1996 dans la cause Syndicat de communes pour l'épuration des eaux
usées du Bas-Vallon de Saint-Imier contre Polissages Gautier SA,
Emile Hügi et Tribunal administratif du canton de Berne (recours de
droit administratif)
A.- Par décision du 13 octobre 1992, le Syndicat de communes à mis
à la charge de la fabrique de circuits imprimés et d'appareils
électroniques Emile Hügi, à Corgémont, un montant de 7'619 fr. 50
relatif à des frais d'élimination de boues

d'épuration. Cette
décision était motivée comme suit:
De mai 1988 à mars 1990, les boue...

122 II 26

5. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 23 janvier
1996 dans la cause Syndicat de communes pour l'épuration des eaux
usées du Bas-Vallon de Saint-Imier contre Polissages Gautier SA,
Emile Hügi et Tribunal administratif du canton de Berne (recours de
droit administratif)
A.- Par décision du 13 octobre 1992, le Syndicat de communes à mis
à la charge de la fabrique de circuits imprimés et d'appareils
électroniques Emile Hügi, à Corgémont, un montant de 7'619 fr. 50
relatif à des frais d'élimination de boues d'épuration. Cette
décision était motivée comme suit:
De mai 1988 à mars 1990, les boues produites par la station
d'épuration de Sonceboz ont présenté une teneur en métaux lourds
anormalement élevée, excluant leur utilisation agricole; il fallut
dès lors les déshydrater et les éliminer par incinération ou stockage
en décharge. Cela causa au Syndicat un dommage correspondant aux
frais de transport, de déshydratation et d'élimination, et à la perte
du revenu qui eût été autrement retiré de l'utilisation agricole. Les
analyses révélaient que la contamination des boues avait son origine
dans les eaux usées de sept entreprises raccordées à la station, ces
eaux présentant une concentration excessive de métaux lourds. Les
entreprises concernées étaient tenues pour responsables du dommage
précité et appelées à supporter leur quote-part.
Le même jour, le Syndicat a pris une décision analogue contre
l'entreprise Polissages Gautier SA, à Cortébert, pour un montant de
22'930 fr. 90. Cette somme comprenait, outre une quote-part égale à
celle de Hügi, le dommage consécutif à la pollution des boues
d'épuration dans la nuit du 21 au 22 août 1990 et, encore, le 21
septembre 1990.
Saisi de recours formés par Emile Hügi et Polissages Gautier SA, le
Préfet du district de Courtelary a décidé de restreindre la procédure
au problème
Extrait des considérants:
2.- Les boues produites par les stations d'épuration des eaux
usées sont des déchets aux termes de l'art. 7 al. 6 de la loi
fédérale sur la protection de l'environnement. Elles doivent être
mises en valeur ou, si ce n'est pas possible, éliminées par
incinération ou stockage en décharge (art. 11 de l'ordonnance sur le
traitement des déchets, ci-après OTD, RS 814.015; ch. 3 al. 1 let. c
de l'annexe 1 à l'art. 32 al. 1 OTD).
La mise en valeur des boues consiste essentiellement dans leur
utilisation agricole comme engrais (art. 31c de l'ordonnance générale
sur la protection des eaux, ci-après OGPEP, RS 814.201, en vigueur
depuis 1er octobre 1992; auparavant, art. 1 al. 5 de l'ordonnance du
8 avril 1981 sur les boues d'épuration, ci-après OBEp, RO 1981 p.
408); l'autorité cantonale est habilitée à prévoir - si possible -
une autre utilisation (cf. art. 31b al. 2 let. a, 31f, 31h let. d
OGPEP).
L'utilisation agricole est exclue lorsque les boues présentent une
teneur en polluants trop élevée (art. 31c al. 1 OGPEP; art. 2 OBEp)
au regard de l'annexe 4.5 de l'ordonnance sur les substances
dangereuses pour l'environnement (RS 814.013). L'autorité cantonale
doit alors déterminer les causes de la pollution et adapter, au
besoin, les normes applicables au déversement des eaux usées
industrielles ou artisanales à traiter par la station concernée (art.
31f al. 1 OGPEP; art. 14 al. 1 OBEp). Le
3.- Selon l'arrêt attaqué, les prétentions du Syndicat sont
fondées, le cas échéant, sur l'art. 8 de la loi fédérale du 8 octobre
1971 sur la protection des eaux contre la pollution (LPEP; RO 1972 I
958). Cette disposition est demeurée en vigueur jusqu'au 31 octobre
1992. Elle prévoyait que les frais provoqués par des mesures prises
par les autorités compétentes, destinées à empêcher une pollution
imminente des eaux ou à déterminer l'existence d'une pollution et y
remédier, pouvaient être mis à la charge de la personne qui en était
la cause.
Depuis le 1er novembre 1992, l'art. 8 LPEP est remplacé par l'art.
54 de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux
(LEaux; RS 814.20). Par ailleurs, depuis le 1er janvier 1985, l'art.
59 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS
814.01) s'applique aux frais d'intervention relatifs à des atteintes
à l'environnement. Ces règles actuelles sont inspirées de l'art. 8
LPEP et étroitement analogues à celui-ci. Cependant, à la différence
de l'ancienne disposition, l'art. 54 LEaux prévoit que l'imputation
des frais à la personne qui en est la cause est en principe
obligatoire, alors qu'elle était auparavant facultative. L'art. 59
LPE a également été révisé: dans sa nouvelle teneur, adoptée par
l'Assemblée fédérale le 21 décembre 1995 mais non encore entrée en
vigueur (FF 1996 I p. 255), il prévoit lui aussi l'imputation
obligatoire des frais (PAUL-HENRI MOIX, La prévention ou la réduction
d'un préjudice: les mesures prises par un tiers, l'Etat ou la
victime, thèse, Fribourg 1995, ch. 654 p. 238 et 674 et ss p. 247;
sur les critères à prendre en considération selon les anciennes
dispositions, voir FELIX MATTER, Kommentar zum Umweltschutzgesetz,
1986, ch. 25 et 26 ad art. 59 LPE, et ATF 114 Ib 44 consid. 3 in
fine).
4.- Le Tribunal fédéral doit par contre examiner si l'élimination
des boues polluées constitue une intervention dont les frais puissent
être recouvrés.
a) Dès 1955, la législation fédérale a prévu que les cantons
pourraient faire exécuter par voie de contrainte des mesures de
protection des eaux ou, au besoin, exécuter eux-mêmes ces mesures aux
frais des personnes qui en avaient la charge (art. 12 de la loi
fédérale du 16 mars 1955 sur la protection des eaux contre la
pollution, RO 1956 p. 1635, remplacé dès le 1er juillet 1972 par
l'art. 7 LPEP et, actuellement, par l'art. 53 LEaux). Elle
fournissait ainsi une base légale à la perception des frais de
l'exécution forcée dite par équivalent ou par substitution, à
laquelle on procède lorsque l'obligé ne se soumet pas à une décision
exécutoire prise contre lui.
En 1971, l'art. 8 LPEP a été édicté dans le but de fournir une base
légale incontestée aussi à la perception des frais de mesures à
exécuter sans décision préalable, lorsqu'une injonction à la personne
qui serait en principe tenue de prendre ces mesures est inadéquate,
par exemple en raison de l'urgence, notamment parce que cette
personne ne peut pas être identifiée à temps, ou, surtout, lorsque
celle-ci n'a de toute manière pas les moyens techniques, économiques
ou juridiques d'agir elle-même (CLAUDE ROUILLER, L'exécution
anticipée d'une obligation par équivalent, in Mélanges André Grisel,
p. 594 à 596; ELISABETH BÉTRIX, Les coûts d'intervention -
difficultés de mise en oeuvre, in Le droit de l'environnement dans la
pratique, 9/1995 p. 373).
Le législateur n'avait aucun motif de limiter la perception des
frais aux seules mesures d'urgence, et de l'exclure pour les autres
interventions qui
5.- La prescription des créances fondées sur l'art. 8 LPEP ou sur
d'autres dispositions correspondantes n'est pas explicitement réglée
par la loi. Selon l'arrêt attaqué, le renvoi de l'art. 36 al. 3 LPEP
à l'art. 60 CO, concernant la responsabilité civile en matière de
pollution des eaux, est déterminant. Or, dans son arrêt du 17
décembre 1980 en la cause X., le Tribunal fédéral a retenu que ces
règles ne s'appliquent pas à une telle créance, et que celle-ci se
prescrit seulement dans un délai de cinq ans dès le jour où
l'intervention a été exécutée et que le montant des frais est connu
de l'autorité (ZBl 82/1981 p. 370 consid. 2; voir aussi ATF 114 Ib 44
p. 54 consid. 4). Cette solution est issue des principes
ordinairement appliqués, en l'absence de réglementation spéciale, à
la prescription des créances de droit public (ATF 116 Ia 461 p.
464/465); elle doit être confirmée dans la présente espèce et elle
est pertinente aussi dans la mesure où l'art. 59 LPE est en cause. La
jurisprudence concernant la restitution de prestations de droit
public, à laquelle le Tribunal administratif se réfère dans ses
observations, est inspirée de dispositions spécifiques et de l'art.
67 CO relatif à l'enrichissement illégitime (ATF 108 Ib 150 p. 156
consid. cc); elle n'est donc pas concluante.
Quelle que soit la date exacte à laquelle le Syndicat a connu le
montant total des frais d'élimination censément imputables aux
intimés, le délai de cinq ans n'était pas échu lors des décisions
prises contre ces derniers, et il a été interrompu tant par ces
prononcés que, en particulier, par les recours déposés devant le
Tribunal administratif puis le Tribunal fédéral.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.37/1995
Date de la décision : 23/01/1996
1re cour de droit public

Analyses

Art. 8 LPEP (1971) et art. 59 LPE. Elimination de boues d'épuration présentant une teneur en métaux lourds trop élevée; recouvrement des frais auprès des entreprises responsables de la pollution. Prescriptions concernant les boues d'épuration (consid. 2). Les dispositions relatives au recouvrement des frais d'intervention des autorités pour la sauvegarde des eaux ou de l'environnement s'appliquent dans leur teneur à l'époque des faits (consid. 3). L'art. 8 LPEP et l'art. 59 LPE autorisent le recouvrement des frais d'élimination des boues d'épuration qui, à la suite du traitement d'eaux usées industrielles ou artisanales présentant une concentration excessive de métaux lourds, sont elles-mêmes polluées et ne peuvent dès lors pas être utilisées comme engrais (consid. 4). La créance de la collectivité se prescrit par cinq ans dès que l'intervention a été exécutée et que le montant des frais est connu (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1996-01-23;1a.37.1995 ?
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