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03/11/1995 | SUISSE | N°1A.127/1995

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 novembre 1995, 1A.127/1995


121 II 296

47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 3
novembre 1995 dans la cause X. contre Office fédéral de la police
(recours de droit administratif)
A.- Le 7 octobre 1994, X., ressortissant des Etats-Unis
d'Amérique, a été arrêté à Genève sur la base d'un mandat d'arrêt
délivré le 18 novembre 1993 par le Tribunal des Etats-Unis d'Amérique
pour le district fédéral du Colorado. En raison d'une instruction
pénale menée contre lui à Genève, X. a été placé en détention
préventive.
Le 30 novembre 1

994, l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Berne
a remis à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'...

121 II 296

47. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 3
novembre 1995 dans la cause X. contre Office fédéral de la police
(recours de droit administratif)
A.- Le 7 octobre 1994, X., ressortissant des Etats-Unis
d'Amérique, a été arrêté à Genève sur la base d'un mandat d'arrêt
délivré le 18 novembre 1993 par le Tribunal des Etats-Unis d'Amérique
pour le district fédéral du Colorado. En raison d'une instruction
pénale menée contre lui à Genève, X. a été placé en détention
préventive.
Le 30 novembre 1994, l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Berne
a remis à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'OFP) une demande
d'extradition de X. formée par le Procureur adjoint du district
fédéral du Colorado. X. fait l'objet d'un acte d'accusation dressé le
18 novembre 1993 par un Grand Jury du Tribunal du district fédéral du
Colorado, qui retient à son encontre les chefs d'accusation suivants:
- complot d'importation de marijuana;
- importation de marijuana;
- possession avec intention de distribuer de la marijuana,
infraction également commise en complot;
- participation à une entreprise criminelle;
- blanchissage d'argent.
Il est en substance reproché à X. d'avoir importé, à partir de
1971, plus de 250000 livres de marijuana.
Un mandat d'arrêt en vue d'extradition a été notifié à X. le 17
janvier 1995. Entendu le même jour, ce dernier a déclaré s'opposer à
son extradition. Dans son mémoire d'opposition du 23 février 1995, il
soutenait qu'il risquait une condamnation à perpétuité pour les
infractions mentionnées dans l'acte d'accusation, sans aucune
possibilité de libération anticipée, ce qui constituerait un
traitement contraire à l'art. 3 CEDH. Par ailleurs, la procédure
américaine violerait l'art. 6 CEDH, la fixation de la peine ne
faisant l'objet d'aucun débat contradictoire.
Par décision du 28 avril 1995, l'OFP a rejeté l'opposition; les
délits reprochés à l'opposant constituaient des délits de droit
commun; une éventuelle réclusion à vie, d'ailleurs aussi prévue en
droit suisse, n'apparaissait pas contraire à l'art. 3 CEDH; la
Constitution américaine prévoyait des garanties suffisantes au regard
de l'art. 6 CEDH.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X. demande
au Tribunal fédéral d'annuler la décision de l'OFP et de rejeter la
demande d'extradition, subsidiairement d'inviter l'autorité
requérante à compléter sa demande en produisant l'ensemble des
dispositions légales applicables, notamment en matière de fixation de
la peine, et à se prononcer à bref délai sur les objections soulevées.
Extrait des considérants:
3.- a) Selon l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture
ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. L'art. 7 du
Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et
politiques, ratifié par la Suisse et les Etats-Unis respectivement
les 8 et 18 juin 1992 (RO 1993 I 750), est de même teneur; en vertu
d'une réserve expresse (RO 1993 I 783) les Etats-Unis ne se
considèrent liés par cette disposition que pour autant que
l'expression "peines ou traitement inhumains ou dégradants" s'entend
des traitements ou peines cruels et inaccoutumés interdits par les
Cinquième, Huitième et Quatorzième Amendements de la Constitution des
Etats-Unis. Selon l'art. 10 de ce Pacte, le régime pénitentiaire doit
comporter un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur
amendement et le reclassement social; en vertu de la même réserve (RO
1993 I 784), les Etats-Unis ont déclaré que cette disposition ne
remettait pas en cause les buts de répression, de dissuasion et de
neutralisation en tant qu'objectifs complémentaires légitimes de tout
système pénitentiaire. Par ailleurs, l'art. 3 de la Convention du 10
décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par la Suisse le 2 décembre
1986 et entrée en vigueur le 26 juin 1987 (RS 0.105), interdit
l'expulsion ou l'extradition d'une personne vers un Etat où elle
risque d'être torturée; la notion de torture au sens de cette
convention ne s'étend toutefois pas à la douleur ou la souffrance
résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces
sanctions ou occasionnées par elles (art. 2 al. 1 in fine). Cette
convention n'a pas été ratifiée par les Etats-Unis.
b) Le Traité d'extradition conclu le 14 mai 1900 entre les
Etats-Unis d'Amérique et la Suisse (RS 0.353.933.6; ci-après: le
traité) ne se réfère pas aux principes énoncés dans les instruments
internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme; on
peut donc se demander si ces
4.- a) La durée de la peine n'apparaît pas en soi comme un motif
(d'ordre public international) pour s'opposer à l'extradition; aucun
des instruments internationaux dont se prévaut le recourant
n'interdit une peine de réclusion à vie (décision de la CommEDH du 6
mai 1978, citée par VELU/ERGEC, La Convention européenne des droits
de l'homme, Bruxelles 1990, p. 207). La sévérité particulière dont
ferait preuve l'Etat requérant en matière de stupéfiants ne saurait
constituer une violation des droits de l'homme. Dans le cadre d'une
procédure d'extradition, la Suisse n'a pas en principe à émettre des
considérations sur la manière dont l'Etat requérant envisage sa
politique criminelle. On peut certes se demander si, comme le
5.- Principalement, le recourant soutient que l'exécution de la
réclusion à vie sans possibilité d'une libération conditionnelle
violerait l'art. 3 CEDH.
a) Il se réfère principalement à l'arrêt Soering précité, aux
termes duquel l'extradition vers un pays en vue de l'exécution d'une
peine de mort violait en l'espèce l'art. 3 CEDH, en raison non de la
peine elle-même, mais de la dégradation psychologique provoquée par
la perspective de l'exécution (syndrome du "couloir de la mort"). Le
recourant évoque aussi le rapport général sur le traitement des
détenus de longue durée du Sous-comité no XXV du Conseil de l'Europe.
Selon ce dernier, tout détenu doit se voir accorder - sous réserve du
danger qu'il peut représenter, notamment du risque de récidive - une
libération conditionnelle (Comité européen pour les problèmes
criminels, Traitement des détenus en détention de longue durée,
Strasbourg 1977, par. 61). A propos des condamnés à perpétuité, le
Sous-comité estime qu'il est "inhumain d'emprisonner une personne à
vie sans lui laisser aucun espoir de libération... Personne ne
devrait être privé de la possibilité d'une libération éventuelle".
Dans sa résolution (76) 2 sur le traitement des détenus en détention
de longue durée, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
recommande aux Gouvernements de s'assurer que les cas de tous les
détenus seront examinés aussitôt que


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.127/1995
Date de la décision : 03/11/1995
1re cour de droit public

Analyses

Extradition aux Etats-Unis d'Amérique; art. 3 et 6 CEDH. Possibilité de refuser l'extradition d'une personne exposée, dans L'Etat requérant, à un traitement contraire à une norme d'ordre public international (consid. 3). Ni la durée de la peine, ni la manière dont elle est fixée ne constituent en l'espèce des motifs de refuser l'extradition (consid. 4). L'exécution d'une condamnation à la réclusion à vie, même sans possibilité de libération conditionnelle, ne viole pas l'art. 3 CEDH (consid. 5).


Références :

21.05.1997 29771/96


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-11-03;1a.127.1995 ?
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