121 I 181
26. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 14 août
1995 dans la cause E. contre Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
A.- Ressortissant allemand, E. est en détention préventive depuis
le 21 mars 1995, sous l'inculpation d'escroquerie par métier. Il lui
est reproché d'avoir escroqué des investisseurs en Allemagne, pour
plusieurs dizaines de millions de Deutschmark; aux termes d'un
contrat de participation avec une société vaudoise, les investisseurs
mettaient à disposition une certaine somme destinée à l'achat
d'objets d'art et d'antiquités, et à leur revente avec bénéfice après
restauration. En réalité, les fonds des nouveaux clients étaient
utilisés pour rembourser les premiers investisseurs. Au sein de cette
organisation, E. aurait fonctionné comme distributeur exclusif en
Allemagne. Les commissions touchées à ce titre auraient constitué son
unique revenu depuis le 19 juin 1991.
A l'issue d'une audience du 10 mai 1995, le Juge informateur de
l'arrondissement de Lausanne s'est déclaré prêt à libérer E.
provisoirement moyennant le dépôt d'une caution de 100'000 fr.
conformément aux art. 69 ss du Code de procédure pénale vaudois (CPP
vaud.). Les sûretés exigées ont été versées le 18 mai 1995 sur le
compte bancaire de son conseil. Saisi de l'enquête le même jour, le
substitut du Juge d'instruction du canton de Vaud s'est opposé à la
libération sous caution du prévenu. Considérant que les fonds
destinés à servir de caution provenaient de l'activité délictueuse
déployée par E., il en a ordonné le séquestre. En outre, il a rejeté
le 27 mai 1995 la demande de mise en liberté provisoire formée par le
prévenu, en raison du risque de collusion que cette mesure
présenterait.
Extrait des considérants:
2.- Dans son arrêt du 20 juin 1995, la cour cantonale considère
que le nouveau magistrat saisi de la cause n'a pas commis d'abus de
droit en saisissant la somme de 100'000 fr. en mains de l'avocat du
recourant, car il y avait des indices sérieux que cette somme versée
par l'épouse du recourant provienne du produit d'infractions, de
sorte qu'il se justifiait de les saisir provisoirement.
Le recourant se prévaut en bref d'une violation des règles de la
bonne foi (art. 4 Cst.). La somme litigieuse aurait été transmise
d'Allemagne en Suisse sur la base de la seule assurance du magistrat
instructeur que le montant en serait reçu comme caution et
permettrait la mise en liberté du recourant; or le nouveau magistrat
non seulement aurait refusé la mise en liberté, mais il aurait de
plus saisi la somme transférée en Suisse à d'autres fins. La
République fédérale d'Allemagne, dont le recourant aurait demandé la
protection, aurait aussi été trompée par ce comportement des
autorités suisses, soit du canton de Vaud.
a) Le principe de la bonne foi entre administration et administré
exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière
loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout
comportement propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer
aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de
sa part (ATF 117 Ia 124 consid. 3, 114 Ia 106 consid. 2a et les
arrêts cités; cf. aussi les art. 107 al. 3 OJ et 23 PA, qui ne sont
qu'une expression d'un principe général). Pour sa part, l'administré
ne saurait non plus tirer d'une erreur de l'administration un profit
propre à nuire à autrui. Il convient par