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13/07/1995 | SUISSE | N°6S.114/1995

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 1995, 6S.114/1995


121 IV 207

34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 juillet
1995 dans la cause R.F. contre B. et Ministère public du canton du
Jura (pourvoi en nullité)
A.- Le 24 août 1993 vers 02h50, les agents S. et M., de la police
de X., ont entrepris de poursuivre une voiture qui s'était soustraite
à leur contrôle. Appelant la permanence de D., ils ont requis l'aide
de la police jurassienne, en indiquant que, par son comportement sur
la route (vitesse excessive, queues de poisson lors de tentatives de
dépassement, manoeuvres d

iverses pour empêcher les dépassements de la
police), le conducteur donnait à penser...

121 IV 207

34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 juillet
1995 dans la cause R.F. contre B. et Ministère public du canton du
Jura (pourvoi en nullité)
A.- Le 24 août 1993 vers 02h50, les agents S. et M., de la police
de X., ont entrepris de poursuivre une voiture qui s'était soustraite
à leur contrôle. Appelant la permanence de D., ils ont requis l'aide
de la police jurassienne, en indiquant que, par son comportement sur
la route (vitesse excessive, queues de poisson lors de tentatives de
dépassement, manoeuvres diverses pour empêcher les dépassements de la
police), le conducteur donnait à penser qu'il était dangereux, prêt à
tout et que les précautions d'usage devaient être prises.
Les agents A. et B. se sont alors rendus à un carrefour, à l'entrée
de D., pour intercepter le véhicule. Alors que les agents lui
faisaient signe de s'arrêter avec leur torche, le conducteur de la
voiture suspecte a accéléré, obligeant les deux policiers à sauter de
côté pour éviter d'être happés par l'automobile. L'agent B. a sorti
son arme et tiré un coup de semonce en l'air; l'automobiliste l'a
entendu, mais ne s'est pas arrêté. Après le passage de la voiture des
agents bernois, les deux policiers jurassiens ont sauté dans leur
véhicule et ont engagé la poursuite en suivant leurs collègues. A la
hauteur du village de Y., les policiers bernois ont réussi à dépasser
la voiture poursuivie, qui a pu être stoppée.
Descendant de leur véhicule de service, les agents A., l'arme à la
main, et M. se sont approchés du véhicule intercepté et en ont sorti
de force le conducteur, P., qui refusait de s'exécuter. Constatant
qu'il n'avait à faire qu'à un automobiliste pris de boisson, A.
rengaina son pistolet.
Pendant ce temps, l'agent S. est resté au volant de la voiture de
police, moteur en marche, prêt à continuer la poursuite au cas où
l'automobiliste reprendrait la fuite.
Parallèlement à ces faits, l'agent B. est intervenu du côté du
passager, tenant dans sa main son arme de service dont il avait
relevé le chien, de sorte qu'il suffisait d'une pression de 1 à 1,2
kg pour que le coup parte. Il a ordonné au passager de sortir. La
porte s'est alors ouverte et il a vu sortir une femme, R., qui lui
disait: "s'il te plaît, c'est pas ma faute, c'est pas moi qui
conduis". L'agent s'est approché de telle sorte que le pistolet se
trouvait dans l'entrebâillement de la porte. A cet instant, les faits
n'ont pas pu être établis avec certitude et il a été retenu la
version la plus favorable à l'agent accusé, à savoir que le
conducteur P.,
Considérant en droit:
1.- a) La recourante a été directement touchée dans son intégrité
corporelle par l'infraction qu'elle invoque, de sorte qu'elle a la
qualité
2.- a) La recourante soutient qu'en admettant une rupture du
rapport de causalité adéquate, la cour cantonale a violé l'art. 125
CP.
Selon l'art. 125 al. 1 CP, "celui qui, par négligence, aura fait
subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la
santé sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende".
L'art. 125 al. 2 CP prévoit que si la lésion est grave - tel que cela
est admis en l'espèce - l'auteur sera poursuivi d'office. L'art. 18
al. 3 CP donne une définition de la négligence: "celui-là commet un
crime ou un délit par négligence, qui, par une imprévoyance coupable,
agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de
son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a
pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa
situation personnelle".
Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il faut tout
d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence
que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites
du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé
l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se
conformer à son devoir (cf. ATF 116 IV 306 consid. 1a et les
références citées). Pour déterminer plus précisément quels étaient
les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes
édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des
accidents (ATF 118 IV 130 consid. 3a, 116 IV 306 consid. 1a, 114 IV
173 consid. 2a). A défaut de dispositions légales ou réglementaires,
on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations
privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues
(ATF 118 IV 130 consid. 3a, 115 IV 189 consid. 3b p. 192 s.). La
violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des
principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été
violée (Stratenwerth, Allgemeiner Teil I, Berne 1982, p. 406 no 24;
Donatsch, Sorgfaltsbemessung und Erfolg beim Fahrlässigkeitsdelikt,
Zurich 1987, p. 296 ss). Un comportement viole le devoir de prudence
lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses
connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en
danger d'autrui et qu'il a simultanément dépassé les limites du
risque admissible (ATF 118 IV 130 consid. 3). Une omission ne peut
lui être reprochée que dans la mesure où il avait un devoir juridique
d'agir découlant d'une position de garant (cf. ATF 115 IV 199 consid.
2b et c, 108 IV 3 consid. 1b, 100 IV 210 consid. 2a et b). S'il y a
eu violation des devoirs de la prudence, il faut encore que celle-ci
puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse
3.- (suite de frais)


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.114/1995
Date de la décision : 13/07/1995
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 2 al. 1 et art. 8 al. 1 let. c LAVI; art. 270 al. 1 PPF. Qualité de la victime pour se pourvoir en nullité au Tribunal fédéral. Circonstances dans lesquelles il n'est pas nécessaire que la victime ait fait valoir des prétentions civiles résultant de l'acte délictueux dans le cadre de la procédure pénale (consid. 1a). Art. 125 al. 2 CP. Lésions corporelles graves par négligence. Lésions corporelles graves par négligence provoquées par un policier tenant son pistolet, le chien tiré, dans l'entrebâillement d'une portière de voiture (consid. 2b).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-07-13;6s.114.1995 ?
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