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05/07/1995 | SUISSE | N°4C.30/1994

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juillet 1995, 4C.30/1994


121 III 319

65. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 5 juillet 1995 dans
la cause époux F. contre Société Immobilière C. SA (recours en
réforme)
A.- La Société Immobilière C. SA, à Lausanne (ci-après: C.), est
propriétaire d'un immeuble à Renens. Son capital-actions est détenu à
concurrence de 92% par le fonds de placement "S. 61 Fonds de
placement immobilier" (ci-après: S.).
Par contrat du 13 juin 1991, C. a remis à bail aux époux F. un
appartement de trois pièces au premier étage de l'immeuble
susmentionné. L

e bail devait débuter le 10 juillet 1991. Le loyer
mensuel net s'élevait à 1'230 fr. Le dernier loy...

121 III 319

65. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 5 juillet 1995 dans
la cause époux F. contre Société Immobilière C. SA (recours en
réforme)
A.- La Société Immobilière C. SA, à Lausanne (ci-après: C.), est
propriétaire d'un immeuble à Renens. Son capital-actions est détenu à
concurrence de 92% par le fonds de placement "S. 61 Fonds de
placement immobilier" (ci-après: S.).
Par contrat du 13 juin 1991, C. a remis à bail aux époux F. un
appartement de trois pièces au premier étage de l'immeuble
susmentionné. Le bail devait débuter le 10 juillet 1991. Le loyer
mensuel net s'élevait à 1'230 fr. Le dernier loyer mensuel net des
précédents locataires était de 750 fr.

B.- Les époux F. ont contesté le loyer initial, le considérant
abusif, devant la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers du district de Lausanne. La tentative de conciliation ayant
échoué, ils ont saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud d'une
action tendant notamment à ce que le loyer mensuel net soit ramené à
750 fr.
Par jugement du 8 avril 1993, ce tribunal a dit que le loyer en
cause était abusif dans la mesure où il dépassait 1'142 fr.
Extrait des considérants:
4.- a) S'agissant de déterminer les fonds propres investis, c'est
à juste titre que les instances cantonales se sont fondées sur le
coût de revient effectif de l'immeuble duquel les fonds étrangers,
savoir les emprunts du propriétaire garantis ou non par hypothèque,
ont été déduits (ATF 117 II 77 consid. 3a/aa). Par capital investi,
il faut entendre le capital initial (ATF 120 II 100 consid. 5a et les
références).
Il est aussi exact que, conformément à ce que la cour cantonale a
rappelé, la question litigieuse fait l'objet de la controverse
suivante:
Selon BARBEY, dans les sociétés immobilières, l'investissement du
bailleur ne correspond pas seulement au capital et aux réserves; il
convient de rechercher la quotité des fonds propres des actionnaires
qui incluent, le cas échéant, aussi les créances chirographaires dont
ils sont titulaires envers la personne morale (L'arrêté fédéral
instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, p. 69
et la note 244). Pour LACHAT/MICHELI, en revanche, les créances
chirographaires en main de l'actionnaire doivent être considérées
comme des fonds empruntés tant qu'elles sont normalement rémunérées;
le principe de la dualité juridique entre la société et son
actionnaire prévaut en droit suisse et il n'y a pas lieu d'y déroger
(Le nouveau droit du bail, 2e éd. 1992, p. 206).
b) La cour cantonale a tranché cette controverse en se plaçant sous
l'angle de la dualité juridique et de l'unité économique. Elle a
considéré que, en l'espèce, l'identité économique de la défenderesse
et de S. devait l'emporter sur leur existence formelle, d'une part,
et que la négation de cette réalité économique porterait atteinte à
des intérêts légitimes, d'autre part. Elle a donc réfuté
l'application, dans la présente affaire, de la thèse de
LACHAT/MICHELI et opté pour celle de BARBEY. A cet égard, les
demandeurs sont d'avis que l'arrêt attaqué viole le droit fédéral.
5.- a) aa) Selon une jurisprudence bien établie, on ne peut pas
s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes
juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de
l'actif d'une société anonyme appartient soit directement, soit par
personnes interposées, à une même personne, physique ou morale;
malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas des
entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la
main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle; on
doit dès lors admettre, à certains égards, que, conformément à la
réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports
de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque
fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus
de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts
légitimes (ATF 102 III 165 consid. II/1, 72 II 67 consid. 3c et les
arrêts cités; cf. aussi ATF 112 II 503 consid. 3b p. 506, 108 II 213
consid. 6a et les références).
bb) Cette jurisprudence a pour corollaire que ni l'actionnaire, ni
la société ne peuvent se prévaloir de l'identité économique pour
faire échec à la dualité juridique (arrêt A. SA et cons. contre M.
Ltd et cons. du 11 juillet 1988, in SJ 111/1989 p. 360, consid. 3b/cc
non publié; cf. aussi ATF 72 II cité).
Toutefois, il appert de l'arrêt du 11 juillet 1988 cité que cette
conséquence est controversée en doctrine; de son côté, la
jurisprudence apparaît vouloir écarter, en règle générale, la faculté
pour l'actionnaire principal ou la société anonyme d'invoquer l'unité
économique en leur faveur (loc.cit.). FORSTMOSER, auquel l'arrêt
précité s'est référé, relève que MERZ, HOMBURGER et un auteur
allemand, JOHN, refusent une telle faculté, pour le motif, énoncé par
MERZ, que l'actionnaire et la société doivent s'en tenir à la forme
d'organisation qu'ils ont choisie (Schweizerisches Aktienrecht, I/1,
p. 42 n. 186). FORSTMOSER rappelle ensuite l'opinion de BUCHER qui
propose, pour le domaine du droit pénal, d'accorder largement cette
faculté à l'actionnaire principal (op.cit., p. 42 n. 187).
Deux autres auteurs penchent pour la solution développée par la
jurisprudence. Pour le premier, la levée du voile ne se justifie que
lorsqu'elle est invoquée par un tiers, autrement dit, ni par la
société, ni par l'actionnaire unique (RUEDIN, L'abus de majorité et
l'abus de personnalité juridique, in L'abus de pouvoirs ou de
fonctions, Journées grecques, T. 28, 1977, p. 272). Quant au second,
il doute que l'on puisse, selon les circonstances, tirer avantage
soit de la dualité juridique, soit de l'unité économique (PATRY, La
reconnaissance de l'existence d'une personne morale en droit suisse,
in Etudes offertes à Roger Houin


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.30/1994
Date de la décision : 05/07/1995
1re cour civile

Analyses

Demande de diminution du loyer initial (art. 270 CO): détermination des fonds propres et des fonds étrangers. Dans les sociétés anonymes immobilières, les créances chirographaires de l'actionnaire majoritaire - en l'espèce, un fonds de placement - doivent être considérées comme des fonds étrangers. Cette qualification est conforme à l'art. 663a CO; elle ne dépend pas de la rémunération accordée à l'actionnaire du chef de ses créances (consid. 4 et 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-07-05;4c.30.1994 ?
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